D'un appel aux dons à la parité sur les primes d'une étape de Coupe du monde, le combat payant d'une ancienne sauteuse à ski
Pour la première fois de leur histoire, les sauteuses à ski ont touché, vendredi et samedi, les mêmes montants que les hommes à Lake Placid (Etats-Unis). Une collecte en ligne et la mobilisation d'instances américaines ont permis de combler l'écart.
Double première sur le tremplin olympique de Lake Placid (Etats-Unis). Des sauteuses à ski ont participé à une étape de Coupe du monde pour la première fois sur le sol américain, vendredi 7 et samedi 8 février. Surtout, elles ont reçu les mêmes primes que leurs homologues masculins, en lice le même week-end. Une petite révolution pour ce sport, où les femmes sont autorisées à concourir en Coupe du monde depuis 2011. Ces gains historiques sont le résultat de l'action de l'ancienne sauteuse à ski américaine Nina Lussi, soutenue par ses anciennes coéquipières Lindsey Van, Jessica Jerome et Tara Geraghty-Moats.
"Les femmes ne sont pas reconnues à la hauteur de leurs progrès", justifie auprès de franceinfo: sport Nina Lussi, pointant l'écart persistant des primes entre les sauteurs et les sauteuses à ski. Pour la saison 2024-2025, la Fédération internationale de ski demande aux organisateurs de verser 13 000 francs suisses (environ 13 800 euros) au gagnant d'une manche finale de Coupe du monde, contre 4 300 francs suisses (environ 4 600 euros) à une gagnante.
Évolution quasi nulle des primes chez les femmes
"La différence est aberrante. Et chez les femmes, les 25 premières sont récompensées, alors que chez les hommes, ce sont les 30 premiers", fait remarquer Joséphine Pagnier, cheffe de file du saut à ski féminin tricolore. Présente sur le circuit depuis 2018, la Française a constaté la faible évolution des gains chez les femmes : "Entre 2018 et aujourd'hui, on est passé de 4 000 (environ 4 260 euros) à 4 300 francs suisses, contre de 10 000 à 13 000 francs suisses (environ 13 840 euros) pour les garçons."
"Je comprends que les droits télé rapportent moins pour le saut à ski féminin mais il y a un bel écart. En 2025, ça ne passe pas vraiment."
Joséphine Pagnier, sauteuse à ski de l'équipe de Franceà franceinfo: sport
Qand Nina Lussi, originaire de Lake Placid, a appris que la Coupe du monde féminine allait faire étape chez elle, l'Américaine de 30 ans a cherché à savoir si une augmentation des primes était prévue. "On ne m'a pas fait de réponse claire à part que si les organisateurs voulaient donner plus que ce que la Fédération internationale exigeait, ils le pouvaient, retrace Nina Lussi. Le comité local d'organisation a bien cherché des sponsors supplémentaires, mais ils n'ont pas réussi."
Près de 10 000 dollars collectés en ligne
Alors, à quelques semaines de l'événement, en comptant sur "la puissance des collectes en ligne", l'ancienne sauteuse à ski, retraitée depuis 2022, a lancé la sienne, intitulée "The fight for equal pay" (Le vol pour l'égalité des primes en français) le 28 janvier. L'objectif originel de 3 326 dollars (environ 3 200 euros) devait permettre d'allouer une récompense équivalente à celles des hommes à la gagnante des qualifications d'une des deux compétitions organisées à Lake Placid.
"On s'attendait à des petits dons, mais on a atteint l'objectif en une journée avec des participations du monde entier", raconte, encore surprise Nina Lussi, qui a alors revu l'objectif pour couvrir les primes des deux journées de qualifications. Au total, son action a permis de rassembler 9 495 dollars (9 232 euros) et surtout "d'attirer l'attention des instances" et du public.
"L'égalité des primes semble quelque chose d'évident. Beaucoup ne savait pas que ce n'est pas le cas dans le saut à ski."
Nina Lussi, ancienne sauteuse à ski de l'équipe américaineà franceinfo: sport
Le comité local d'organisation, à travers le versement d'une partie des recettes des ventes de billets, la Fédération américaine de ski et snowboard, et celle de saut à ski ont également mis la main à la poche, comme certaines entreprises locales. En définitive, l'égalité des primes a pu être assurée sur la totalité des compétitions.
Une bouffée d'oxygène financière
"On était toutes contentes et très surprises car cela s'est fait vite et dans le silence, confie Joséphine Pagnier, qui s'est classée 16e et 23e à Lake Placid. J'ai gagné par conséquent beaucoup plus que prévu. C'est certain qu'un week-end comme ça fait du bien." Sa 16e place lui a rapporté 1 800 francs suisses (1 921 euros) contre 645 (688 euros) habituellement et sa 23e place lui a permis d'empocher 1 100 francs suisses supplémentaires (1 174 euros), contre 344 traditionnellement (367 euros).
"Pour des pays comme les Etats-Unis ou la France où le saut à ski n'est pas un sport majeur, les primes peuvent faire une grande différence. J'ai vu une maman pleurer de savoir que sa fille allait pouvoir être plus indépendante financièrement", appuie Nina Lussi.
Mi-janvier déjà, la sauteuse à ski allemande Selina Freitag s'était publiquement émue de l'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes. Lors d'une compétition équivalente à la prestigieuse Tournée des quatre tremplins, elle avait raconté avoir reçu "un sac contenant du gel douche, du shampoing et quatre serviettes" pour sa victoire en qualifications, quand son homologue masculin avait touché 3 000 francs suisses (3 200 euros environ).
Dans un communiqué de la Fédération internationale de ski, le directeur de course des épreuves masculines, Sandro Pertile, a assuré qu'à partir de l'an prochain il y aura "de bien meilleures opportunités de mettre le saut à ski féminin sous les projecteurs", lorsqu'il dirigera à la fois les épreuves masculines et féminines. "Nous pourrons ajuster les primes, notamment en nous attaquant à la question de celle pour la gagnante des qualifications, a indiqué Sandro Pertile. Mais il ne faut pas s'attendre à un miracle du jour au lendemain : le processus prendra du temps." De son côté, Nina Lussi se satisfait déjà d'avoir pu "montrer qu'il était possible de changer les choses".
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