Padel : malgré l’essor de la discipline, les meilleurs Français peinent à vivre de leur sport
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L’Alpine Paris Major, tournoi de padel international, se déroule jusqu’à dimanche à Roland-Garros, avec peu de chances de bien y figurer pour les joueurs français, dans une discipline outrageusement dominée par les Espagnols.
La terre battue a laissé place à des terrains synthétiques vitrés, les allées entre les courts sont bien moins bondées, et les loges du court Philippe-Chatrier sont pleines puisque seules les places proches du court ont été mises à la vente… Depuis lundi 8 septembre, l’Alpine Paris Major de padel, l’équivalent d’un Masters 1000 de tennis, se déroule à Roland-Garros, avec un tableau très majoritairement composé d’Espagnols (53 joueurs sur 88, et 53 joueuses sur 72). Une grande partie des participants français bénéficient d’une invitation de la fédération, une wild-card salutaire "pour les points au classement mondial et pour un prize money important pour nous", glisse Lucile Pothier, 9e joueuse française qui ne parvient pas, comme bien d'autres, à vivre de son sport.
Il faut dire que la France connaît un certain retard de développement par rapport à son voisin espagnol, véritable place forte de la discipline. Là où l'Hexagone compte 3 200 pistes, soit une pour 22 000 habitants, l'Espagne en possède 17 000, soit une pour 3 000 habitants. Inventé par un entrepreneur mexicain dans les années 1960, le padel s’est implanté en Europe par l’Espagne, avec la création de premiers terrains à Marbella, sur l’initiative d’un prince, Alfonso de Hohenlohe, dans les années 1970. L'expansion de l'autre côté des Pyrénées s'est ainsi poursuivie, comme en Argentine, l'autre nation forte. D'ailleurs, parmi la quinzaine de journalistes présents, mardi, dans le centre de presse de Roland-Garros, les trois-quarts viennent de ces deux pays. L’organisation des interviews est gérée en espagnol, et les joueurs qui se succèdent devant les médias, les Français compris, n’ont aucun mal à disserter dans la langue de Cervantes avec les responsables de la communication.
Si six millions d’Espagnols jouent régulièrement ou occasionnellement au padel en Espagne, ils sont 500 000 en France, dont 106 000 licenciés, selon la Fédération française de tennis, qui détient la délégation de cette pratique depuis peu. Mais au haut niveau, les meilleurs Français pointent autour de la 100e place mondiale chez les hommes, et à la 25e pour la meilleure Française, Alix Collombon. Et même à ce niveau-là, il est impossible de vivre uniquement des gains en tournoi. "Je dirais qu’on est rémunéré à 90% par nos sponsors, et à 10% par le prize money", explique Bastien Blanqué, 3e joueur français, 107e joueur mondial. "Moi je peux vivre du padel du fait d’être numéro 1 française et dans le top 30 mondial, grâce aux sponsors. Et je pense qu’on est seulement deux chez les femmes, en France, à être dans ce cas-là", poursuit Alix Collombon.
Des frais bien plus élevés que les gains des tournois
A Paris, pour l’un des tournois majeurs de la saison, les gains pour une victoire finale s’élèvent à 48 000 euros pour chacun des joueurs de la paire. Mais en raison d’un trop grand écart sportif, les Français s’arrêtent plutôt au premier ou au deuxième tour, pour des gains allant de 1 935 à 3 410 euros. "L’année dernière, j’ai fait une saison moyenne et j’ai gagné environ 55 000 euros, explique la numéro 1 française. Mais les frais pour participer aux tournois, avec les déplacements, le coach ou les hôtels m’ont coûté entre 80 et 90 000 euros. Donc on a besoin des sponsors", ajoute celle qui voyage avec son entraîneur, mais aimerait aussi que son préparateur la suive plus.
"On dit souvent qu’il faut être le meilleur dans son pays, explique Johan Bergeron, partenaire de Bastien Blanqué à l’Alpine Paris Major. Parce que moi je suis 105e mondial, mais deuxième Français, donc je vais avoir plus de visibilité dans mon pays et plus de sponsors nationaux que le 80e mondial, qui est 60e espagnol par exemple". Lui estime avoir remporté 10 000 euros de prize money en 2024, pour 50 000 euros de frais. Il a donc créé un club de partenaires, pour les réunir une fois par mois, passer une matinée ensemble à jouer au padel, en plus de cours donnés dans une académie privée.
Entouré d’un staff complet, avec entraîneur, préparateur physique, ostéopathe, diététicien et préparateur mental, Bastien Blanqué a, lui aussi, créé son club de partenaires pour pouvoir s’en sortir. Avec comme contrainte le temps à leur accorder, qui rogne parfois sur des heures d’entraînements "pour faire de la communication, des shootings photo, des séances de padel avec des particuliers…".
Certains joueurs ont un métier à temps plein
Pour certains Français invités dans le tableau du Paris Major, le padel à haut niveau est même une activité secondaire, puisqu’ils doivent composer avec un emploi. C’est le cas de Lucile Pothier, 172e mondiale, 9e Française, qui travaille à temps plein en marketing produit pour une marque de lunettes de soleil de sport, afin de garder une sécurité financière et de financer ses déplacements pour le padel. "J’ai de la chance que ce soit une entreprise dans le domaine du sport, qui se dit que ça ne serait pas logique de ne pas soutenir ses employés sportifs de haut niveau", positive-t-elle, reconnaissant leur grande capacité d'adaptation, notamment en cas d'invitation de dernière minute sur un tournoi. "Tous mes congés sont dédiés au padel, explique-t-elle encore en décrivant son rythme de travail adapté à sa pratique : deux jours au siège dans le Jura, fort peu pourvu en terrains de padel, et trois jours en télétravail durant lesquels elle peut s'entraîner quotidiennement.
La Française ne dispose plus de sponsor cette saison, hormis son équipementier qui lui fournit ses tenues et ses raquettes, et elle évolue principalement sur le circuit international secondaire, où les tournois s’organisent sur le week-end. "On rentre le dimanche soir et le lundi matin, je reprends le travail à deux heures de chez moi. C’est plus compliqué d’aller voir un kiné, et la récupération n’est pas optimale", regrette-t-elle.
Maxime Forcin, 515e mondial et invité par la FFT, connaît une situation similaire, puisqu’il est professeur de padel à Caen. "Mon partenaire et moi donnons des cours, donc ça reste compliqué pour nous de partir toutes les semaines à l’étranger. On n’a pas réussi à trouver le temps de jouer en compétition pendant un mois et demi avant ce Major", regrette-t-il. En raison de son classement et de son emploi du temps chargé, il se contente donc de jouer davantage des tournois nationaux, avec des gains "entre 200 et 500 euros".
Comme Alix Collombon, c'est un ex-joueur de tennis qui a évolué sur le circuit international, mais qui en a surtout connu les galères financières, atteignant au mieux une 700e place mondiale. "Je faisais des saisons où je perdais 20 ou 30 000 euros, donc je me suis toujours dit qu’au padel, je ne ferai que des tournois où je ne perds pas d’argent", affirme-t-il en montrant le maillot qu’il vient d’enfiler, floqué du logo de tous ses partenaires. Car ce sont ses sponsors qui lui permettent aujourd'hui de jouer au padel à ce niveau.
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Et si tous sont d'accord pour dire que le niveau moyen augmente en France, ce qui leur permet tout de même de trouver des partenaires d’entraînement ou d’avoir des oppositions intéressantes, "la France a 30 ou 40 ans de retard sur l’Espagne", regrette Alix Collombon, qui a d'ailleurs décidé de s'y expatrier. Un arrêté n’a été pris qu’en décembre 2024 pour reconnaître officiellement le padel comme sport de haut niveau par le ministère des Sports. Cela permet "principalement de pouvoir ouvrir des structures et d'avoir des aménagements scolaires pour des jeunes", narre Arnaud Di Pasquale, directeur de l’Alpine Paris Major, qui doit accueillir plusieurs milliers de spectateurs sur le week-end des finales.
En plus d’un plan d’investissement de 85 millions d’euros pour financer des prêts à taux zéro dédiés à la construction de pistes de padel, la Fédération française de tennis axe ses efforts sur la promotion auprès des jeunes. Car là où le tennis compte 47% de ses licenciés ayant moins de 15 ans, ils ne sont que 6% parmi les licenciés du padel. Pour former les futurs talents, un centre national d’entraînement dédié au padel a ouvert début septembre à Vichy, et accueille une douzaine de jeunes joueurs âgés de 13 à 17 ans.
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