"Terminer ce Vendée Globe est presque inespéré" : Sébastien Destremau, dernier de la course, a répondu à vos questions
Le Français devrait franchir la ligne d'arrivée de l'épreuve vendredi après-midi, sept semaines après le vainqueur, Armel Le Cléac'h. Pour franceinfo.fr, il a pris le temps de répondre à vos questions.
Sébastien Destremau voit la fin du tunnel. Près de 124 jours après son départ des Sables-d'Olonne (Vendée), et sept semaines après Armel Le Cléac'h, le navigateur français s'apprête à passer la ligne d'arrivée du Vendée Globe, vendredi 10 mars. Franceinfo a profité d'un moment de répit pour lui adresser vos questions. Le 18e de l'épreuve y a répondu avec un mug de café dans la main, souriant mais amaigri, fier de son parcours et d'avoir triomphé de nombreux incidents, dont une blessure aux côtes et le manque de nourriture.
@Stef56 : Pour moi, tu es le premier par rapport aux onze abandons. Comment te sens-tu psychologiquement et physiquement en cette fin de course ?
Sébastien Destremau : Le moral va super [un grand sourire aux lèvres]. Ce qui est important, c'est d'être à 24 heures ou moins de l'arrivée. Terminer ce Vendée Globe est presque inespéré. Je me sens vraiment bien, même si le temps est long et que les heures tournent lentement. Je suis encore inquiet de connaître un accident de dernière minute. J'ai passé la nuit à éviter les bateaux de pêche.
Tant que la ligne d'arrivée n'est pas franchie, je suis inquiet. Je reste concentré et j'espère arriver en un seul morceau.
Sébastien Destremauà franceinfo
@Gwennil : Comment faites-vous pour tenir sur la durée, avec tant d'efforts et peu de sommeil ?
Que ce soit 65, 125 ou 200 jours, c'est pareil : ce qui est compliqué, c'est la première et la dernière semaine. Quand vous faites un long voyage en voiture, la dernière heure paraît très longue. Pareil ici, d'autant que l'ETA, l'heure estimée d'arrivée, a été repoussée plusieurs fois, en raison des conditions météo. Je dors quand je suis fatigué et que le bateau le permet, pendant une heure ou cinq, selon les conditions. C'est un rythme, ça n'est pas très compliqué.
@Fd’Asie : Avez-vous eu l'envie d'abandonner ? Comment avez-vous résisté à cette éventuelle tentation ?
Il y a eu des moments où je me suis dit que j'étais obligé d'abandonner, après des problèmes techniques ou ma blessure.
L'avantage, quand vous êtes en bateau, c'est que vous n'avez pas le choix. Vous ne pouvez pas arrêter la bagnole sur le bord de la route.
Sébastien Destremauà franceinfo
Si vous avez pris la décision d'abandonner, vous devez encore continuer à mener votre bateau pendant plusieurs jours, pour gagner la côte. Du coup, vous avez le temps de changer d'avis. Mais non, je n'ai jamais eu envie d'arrêter.
@A4485 : Quelles ont été vos peurs durant cette longue course ? Peur de ne pas y arriver, peur des éléments...
Depuis le 6 novembre, à 13h02, ma plus grande peur, c'est de ne pas pouvoir couper la ligne d'arrivée. C'est une peur permanente, sur les épaules. Quand je me suis cassé les côtes [avant Noël, quand le bateau a presque chaviré], je suis resté allongé 20 minutes, en pleine nuit, avec la peur de ne pas pouvoir continuer. Pour cette raison, je suis pressé d'arriver.
Mais je n'ai jamais eu la trouille de mourir, même là, quand le bateau s'est retourné dans l'océan Indien, car j'étais dans le feu de l'action. J'ai eu davantage peur au cœur d'une immense tempête, au sud de la Nouvelle-Zélande. Dans l'euphorie, après avoir quitté la Tasmanie [où il s'était arrêté pour inspecter le bateau], j'avais mal anticipé son ampleur. Pendant 12 heures, je me suis dit que j'avais fait une belle bêtise.
@Laurent : Que mangez-vous depuis plusieurs semaines ? J'imagine que le choix est limité au bout de 124 jours de course...
Le matin, il me reste du café, c'est sympa. Là [jeudi matin], j'ai mangé une poignée d'amandes, il ne m'en reste plus que deux. Autrement, mon repas de cet après-midi, c'est un sachet lyophilisé. D'habitude, c'est ce qu'on mange comme goûter, le matin ou l'après-midi. Ce sera le repas du jour, après il ne m'en reste plus que deux. Ensuite, il y a les rations de survie dans les conteneurs, mais il n'est pas recommandé d'y toucher avant d'être en condition de survie, précisément.
@Dominique : La présence d'une femme ne vous manque pas à bord ?
Vous pensez à vos proches, ils vous manquent les premiers et les derniers jours. C'est pareil pour votre femme, compagne ou copine. Après, vous faites votre course, pendant les quatre mois de mer. L'absence d'une femme est un problème de terrien, pas un problème de marin. Enfin, pour moi, hein !
@Piratz : Quel livre avez-vous emmené ? Vous avez le temps de lire ?
Je n'ai pas emmené de livre. Ni musique, ni photos, ni champagne, ni cigarettes... Je n'ai pas reçu beaucoup de nouvelles de ce qui se passe dans le monde. J'ai passé énormément de temps à regarder la mer et les albatros, à faire des petites vidéos, à être créatif, à écrire un livre, à participer à une chanson. Sur mon bateau, j'ai l'esprit qui vagabonde, je suis créatif.
Je ne voulais pas m'embarrasser des habits de terrien, pour vivre le Vendée Globe comme une véritable aventure.
Sébastien Destremauà franceinfo
@Criperm22 : Comment appréhendez-vous votre retour sur la terre ferme ?
Je ne sais pas à quoi m'attendre. Vu l'enthousiasme et l'intérêt des médias, il y aura sans doute un peu de monde aux Sables-d'Olonne. Cela me fait plaisir. Mais quitter cette expérience, non, cela ne me fait pas plaisir. Demain et après-demain, au retour, ce sera génial. Ensuite...
Il ne sera pas évident de passer du monde égoïste qui fut le mien à du monde partout, avec des voitures et de la pollution.
Sébastien Destremauà franceinfo
@Fabrice : Crois-tu que Armel [Le Cléac'h] t’attend pour dîner ? Plus sérieusement : qu’as-tu appris lors de ce tour du monde ?
[Il rit.] Armel m'a dit plusieurs fois qu'il serait là à l'arrivée. Ce serait un véritable honneur que le vainqueur soit là. Je ne sais pas encore [si ce sera effectivement le cas]... Sinon, j'ai découvert la capacité humaine à rebondir et à trouver des ressources pour régler des problèmes. Quand je pète mes courroies d'alternateur, eh bien, je me démerde pour fabriquer du courant.
Cela fonctionne aussi avec les soucis physiques. Quand j'ai eu les côtes cassées, je me suis glissé dans le couchage, sans savoir comment j'allais ramener le bateau en Australie. Le lendemain ou le surlendemain, j'ai réussi à ramper sur le pont pour faire une manœuvre, puis, au fil des jours, à me mettre à genoux et finalement debout. C'est aussi bête que ça. Confronté à l'absence de choix, on se démerde.
@Anonyme : Le navigateur Jean Le Cam [arrivé sixième] a qualifié de "grand n'importe quoi" et de "ridicule" la différence de niveau entre les participants. Avez-vous été blessé par ces propos ?
C'est de la méchanceté et ça ne fait pas plaisir à ceux qui restent en course. Jean Le Cam dit ce qu'il veut, mais ce sont sans doute des paroles déplacées, pas dignes d'un marin, du champion qu'il a été et qu'il n'est plus. Cela fait des années et des années que nous nous croisons sur les pontons. Il ne m'a jamais adressé la parole, ni même serré la main. Il a envie d'être comme ça. Il pense que le centre du monde tourne autour de Port-la-Forêt [son port d'attache, épicentre de la voile française]. Il a "raté sa sortie", comme l'a justement dit Fabrice [Amedeo, autre navigateur engagé dans l'épreuve].
Ce qui intéresse le public, c'est évidemment le duel superbe entre champions : Armel Le Cléac'h et Alex Thomson ont offert une compétition technologique et sportive de très grand niveau. Mais il y a aussi toutes les aventures, toutes les histoires autour, une mixité des projets. S'il y a tant d'engouement autour du dernier en course, c'est bien pour fêter la fin du Vendée Globe, une épreuve sportive mais aussi une aventure.
@Soisik : Vous étiez deux sur cette course avec votre meilleur compagnon : votre bateau. Prêt à repartir dessus pour un nouveau Vendée Globe ?
Je suis prêt à refaire le Vendée Globe. Si la course repartait demain, je repartirai avec ce bateau, oui. Peut-être avec quelques différences, mais avec le même projet. C'est la première fois qu'un bateau de Toulon, du Var, de Paca, voire du bassin méditerranéen français termine cette épreuve. Ce n'est pas un bateau de Bretagne, où il y a un savoir-faire, une expérience. Nous sommes allés chercher ce bateau en Afrique du Sud et je n'avais jamais navigué sur un Imoca [un monocoque de 60 pieds].
Nous l'avons préparé avec nos idées, notre savoir-faire, sans aucune expérience. Ce n'est pas mal pour moi, pour mon frère qui a pris la direction technique, pour l'équipe. C'est une fierté.
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