Portrait Vendée Globe : dans le sillage de François Gabart, le discret et imperturbable Charlie Dalin, nouveau héros de l’Everest des mers

Article rédigé par Othélie Brion
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Charlie Dalin lors de l'arrivée du Vendée Globe 2024-2025, le 14 janvier. (LOIC VENANCE / AFP)
Charlie Dalin lors de l'arrivée du Vendée Globe 2024-2025, le 14 janvier. (LOIC VENANCE / AFP)

Le skippeur Macif a remporté la 10e édition du Vendée Globe, mardi, en moins de 65 jours de mer, nouveau record de la mythique course autour du monde.

Il y avait comme un air de déjà-vu sur les pontons des Sables-d’Olonne, mardi 14 janvier. Voir un bateau Macif s'imposer sur le Vendée Globe, au terme d'un coude-à-coude haletant… Même douze ans après, la victoire de Charlie Dalin sur Yoann Richomme (Paprec-Arkea) rappelle celle de François Gabart face à Armel Le Cléac'h. "Quand je vois ce bateau, l’histoire... Il y a pas mal de similitudes, ça me rappelle de très, très bons souvenirs", reconnaît même le skippeur SVR-Lazartigue. Entre Charlie Dalin et François Gabart, si chacun cultive ses différences, leur filiation paraît être une évidence. Tout comme le lien étroit qui les unit à la Macif.

Voilà déjà près de 10 ans que l’assureur français a misé sur le Havrais. A l’époque, Charlie Dalin, 30 ans - qui s’est déjà forgé une petite réputation en gagnant la Transgascogne en solitaire (2009) et la Transat AG2R avec Gildas Morvan (2012) en classe Mini Série - se présente au concours "Skipper Macif". Le programme, qui a couronné de grands noms à l’instar de François Gabart, Paul Meilhat et un certain…Yoann Richomme, promet d’accompagner pendant trois ans le lauréat, sur le circuit Figaro.

 

"On est fin 2014 et Charlie dégage déjà une force incroyable, se remémore Jean-Bernard Leboucher, directeur de l’activité mer du groupe Macif à l’époque. On voit que ses objectifs sont clairs, que c’est un travailleur acharné et qu’il a une marge de progression importante. C’est ce que nous cherchions, quelqu’un capable de saisir sa chance, de s’améliorer pour aller vers des victoires".

Technicité, discrétion : le style Dalin

Charlie Dalin (Macif-Santé Prévoyance) prend la pose à bord de son Imoca le 22 avril 2024. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)
Charlie Dalin (Macif-Santé Prévoyance) prend la pose à bord de son Imoca le 22 avril 2024. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

L’actuel président de la classe Figaro voit juste. Celui qui a découvert la voile à six ans du côté de Crozon (Finistère) enchaîne les succès, de la Solo Concarneau (2016 et 2017) à la Solo Normandie en 2017. De ces premières victoires à celle sur le Vendée Globe, le travail technique et millimétré de Charlie Dalin demeure la clé de sa réussite. Dans le microcosme de la voile, la réputation du Havrais n’est plus à faire : c'est celle d’un homme "méthodique, discret et très concentré sur sa préparation", dixit Armel Le Cléac’h.



"Le père de Charlie travaillait dans la musique, mais lui n’a rien d’artistique", plaisante Yann Eliès, qui a encadré au début des années 2010 le skippeur Macif au pôle course, au large de Port-la-Forêt (Finistère). "Il est très cartésien et toujours tourné vers la performance. Même quand il fait une sortie à vélo, il regarde tout, la vitesse à laquelle il est allé, la distance qu’il a parcourue…" Pour Jean-Bernard Leboucher, c’est la victoire de Dalin sur la Douarnenez Fastnet en 2017 qui finit de le convaincre : "Il arrive avec du vent très fort, il est imperturbable dans le mauvais temps. Je crois qu'il n'a jamais peur".

François Gabart au chevet

Si on a coutume de dire que l’amour dure trois ans, à l’issue du programme, Charlie Dalin et la Macif rempilent pour une année, puis se lancent dans l’aventure Imoca en 2019. A l’époque, François Gabart est passé en multicoque. Le Groupe Macif, lui, vient de créer une nouvelle mutuelle, Apivia. "Charlie voulait changer de catégorie et on avait besoin d’un support pour accompagner la notoriété de cette nouvelle marque", justifie Jean-Marc Simon, le directeur général de la Macif. Le timing était parfait.

Un deuxième personnage en profite pour faire son arrivée dans l’équation : MerConcept. Une écurie de course au large fondée en 2006 par… François Gabart. Dans les faits, Macif est toujours le propriétaire du bateau mais l’entreprise basée à Concarneau gère "tous les aspects performances", confie Jean-Marc Simon. "On était dans une logique de continuité. Grâce à notre aventure en Imoca avec Macif entre 2011 et 2014, on avait développé un savoir-faire, des compétences. On trouvait ça pertinent de l’amener sur un nouveau bateau", se souvient François Gabart.

Esprit revanchard, regard d'architecte

Mais au contraire de son illustre prédécesseur, Charlie Dalin ne gagne pas le Vendée Globe dès sa première participation. En 2021, le Havrais passe la ligne d’arrivée en premier mais c’est Yannick Bestaven - qui a participé au sauvetage de Kevin Escoffier dont le bateau PRB a coulé - qui est déclaré vainqueur. "Charlie reste très marqué par cet événement", confie Yann Eliès qui a remporté la Transat Jacques Vabre avec le Havrais en 2019.

Nul doute que cette soif de revanche a fait la différence sur cette 10e édition. Tout comme le design de son bateau, fraîchement mis à l'eau en 2023. Architecte naval de profession après des études à Southampton en Angleterre, Charlie Dalin a été "hyper impliqué", selon Gabart, dans le développement de son Imoca qu’il a souhaité "polyvalent". "En optant pour un bateau sans point fort ni point faible, Charlie a pu faire la différence dans les zones de transitions, dans la descente puis la remontée de l’Atlantique, souligne Yann Eliès. Au contraire, Yoann [Richomme] avait un bateau capable de faire la différence dans les mers du Sud avec une étrave effilée et un pont bombé".

Désormais vainqueur d'un monument à 40 ans, le Havrais peut se défaire de son étiquette "de deuxième magnifique", selon l'expression de Yann Eliès. Quatre fois sur le podium de la Solitaire du Figaro sans jamais s'imposer, le skippeur Macif a aussi pu remettre les pendules à l'heure face à Yoann Richomme. En 2016, ce dernier l'avait battu pour cinq petites minutes sur la course réservée aux Figaro Bénéteau.

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