: Témoignages "On aimerait que ce soit terminé" : la (très) longue route des trois derniers concurrents du Vendée Globe

Comme une furieuse envie d'arriver au bout. Les trois derniers concurrents du Vendée Globe 2024 se tiennent dans un mouchoir de poche à la latitude des Canaries et ne sont pas attendus aux Sables d'Olonne avant une semaine. Le temps commence à être très long pour Denis Van Weynbergh, Fabrice Amedeo et Manuel Cousin.

Le skipper belge Denis Van Weynbergh (Ieteren Group) occupe la dernière place depuis deux mois et le passage dans l'Océan Indien. Le chenal des Sables d'Olonne est encore loin et il a vu tous ses camarades de jeu arriver et toucher terre les uns après les autres.

"Autant je ne faisais pas attention au début, autant là ça devient dur pour nous, admet Denis Van Weynbergh à franceinfo. Psychologiquement, on sait qu'il y a encore de la route, que c'est compliqué, qu'on aimerait être à la maison. Forcément, ça ne met pas de baume au cœur. C'est vrai qu'on aimerait que ce soit terminé."

"J'ai la trouille de casser quelque chose"

Juste devant lui, Fabrice Amedeo (Nexans-Wewise) trouve aussi les journées interminables. En 2016, il avait mis 103 jours pour son premier Vendée Globe. Cette fois, ce sera encore plus et la météo au beau milieu de l'Atlantique lui joue des mauvais tours. "Dès que le bateau avance, ça va, mais dès qu'il s'arrête, c'est terrible psychologiquement, raconte l'ancien journaliste. Il y aurait une distance plus importante et j'aurais la certitude de ne pas m'arrêter, ce serait plus facile à vivre qu'une distance plus courte avec des arrêts liés aux pannes de vent."

Le bateau est usé et ces derniers jours de navigation n'ont pas été un long fleuve tranquille. "Il y a toujours cette épée de Damoclès au-dessus de nous, résume Manuel Cousin (Coup de Pouce), actuel 31e de la course. J'ai la trouille de casser quelque chose. J'essaye de faire les choses bien pour ne pas prendre de risques et vouloir arriver le plus vite possible. Ça ne se fait plus dans la douleur que dans l'agrément de la navigation."

"J'espère que j'aurai un ou deux moments de plaisir avant l'arrivée pour profiter de la fin de mon Vendée Globe."

Manuel Cousin, skipper sur le Vendée Globe

à franceinfo

Son (presque) voisin sur l'eau, Denis Van Weynbergh, confirme : "C'est compliqué de prendre du plaisir quand on a le nez dans le guidon. Le plaisir est plus dans les moments du quotidien quand on a un joli coucher de soleil ou quand on mange un bout de chocolat." Usé, le marin l'est également.

"Je ne disais rien, mais j'espérais le faire entre 85 et 90 jours"

Manuel Cousin espérait un autre scénario pour son deuxième tour du monde. Une collision avec un OANI (objet ou animal non identifié) le 1er décembre lui a causé une belle frayeur et a handicapé sa progression dans les mers du sud. Conséquence : le tour de la planète est plus long que prévu !

"Je ne disais rien, mais j'espérais le faire entre 85 et 90 jours, dévoile le navigateur installé aux Sables d'Olonne. Le Vendée Globe reste une course à part et ça en a décidé autrement. J'avais quand même prévu 100 jours de nourriture. Ma femme et les personnes qui ont préparé mes sacs avaient mis un peu plus et je n'ai pas forcément tout mangé. J'aurai assez, il n'y a pas de souci."

Le temps commence à peser et Fabrice Amedeo ne s'en cache plus : ce qui manque le plus, c'est sa famille. "J'ai quitté ma femme et mes enfants une semaine avant le départ de la course, explique le père de trois filles. Ça fait déjà 108 jours que je ne les ai pas vues. Et si j'arrive à franchir la ligne d'arrivée, ça fera 117 – 118 jours. Sinon pour le reste, bien sûr, j'en ai marre des plats lyophilisés, j'aimerais bien prendre une douche, dormir sur un lit stable. Mais ça viendra en temps et en heure."

Le trio n'attend plus qu'une chose : les retrouvailles avec la terre, en milieu de semaine prochaine. Et nul doute que le chenal des Sables d'Olonne sera bien garni pour célébrer comme il se doit ces trois marins, comme les 30 qui les ont précédés.