Entretien Tour de France 2026 : "Autant de dénivelé positif à la veille des Champs-Elysées, c’est du jamais vu", assure Christian Prudhomme

Le parcours du Tour de France 2026 a été dévoilé, jeudi à Paris, avec notamment deux arrivées à l'Alpe d'Huez.

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Christian Prudhomme lors de la présentation du grand départ du Tour de France 2026, à Barcelone, le 25 février 2025. (AFP)
Christian Prudhomme lors de la présentation du grand départ du Tour de France 2026, à Barcelone, le 25 février 2025. (AFP)

Le parcours de la 113e édition du Tour de France a été dévoilé, jeudi 23 octobre, à Paris. Après le Grand Départ de Barcelone, le peloton traversera rapidement les Pyrénées, avant une longue remontée vers les Vosges via le Massif central, et surtout un bouquet final inédit dans les Alpes. Avec, en point d'orgue, les deux arrivées successives à l'Alpe d'Huez, à la veille de celle sur les Champs-Elysées. Un parcours que Christian Prudhomme décrypte, pour franceinfo: sport.

Franceinfo: sport : Avant d'entrer dans le détail, comment résumeriez-vous le parcours de cette 113e édition ?

Christian Prudhomme : Le mot qui le résume le mieux, c'est crescendo. On va partir fort de Barcelone, ensuite on traversera les cinq grands massifs montagneux français, pour finir par un final inédit. Avant le double Alpe d'Huez, aucun coureur ne pourra dire à trois jours de l'arrivée qu'il a gagné le Tour, même s'il a beaucoup d'avance. Sur cette édition, il y aura cinq arrivées au sommet, dont trois les trois jours qui précèdent l'arrivée à Paris : celle à Orcières Merlette le jeudi, puis les deux d'affilée à l'Alpe d'Huez, avec 5 600 mètres de dénivelé positif à la veille de l'arrivée à Paris. Au matin de la 19e étape, même si le maillot jaune a cinq minutes d'avance, il ne pourra pas dire qu'il a gagné.

Le parcours du Tour de France 2026. (ASO)
Le parcours du Tour de France 2026. (ASO)

Le Tour de France partira d'Espagne, à Barcelone. Après les évènements qui se sont produits sur la dernière Vuelta autour de l'équipe Israel-Premier Tech, ce Grand Départ a-t-il été un temps menacé ?

Non. La situation internationale, qui ne dépend pas de nous, a changé. Elle a plutôt évolué dans le bon sens ces dernières semaines, ce qui ne préjuge pas de la situation en juillet. Par ailleurs, dans le monde du cyclisme, les déclarations de l'équipe concernée, qui va avoir un nouveau nom et une nouvelle licence, font que les choses se sont apaisées. Et Barcelone nous a toujours répété qu'elle voulait faire de son Grand Départ le plus grand de l'histoire.

Ce Grand Départ marquera d'ailleurs le retour du contre-la-montre par équipes pour lancer la course, une première depuis 55 ans. Pourquoi ce choix ?

Le choix, déjà, c'est Barcelone. Parce que c'est une ville de prestige, une ville olympique. Pour moi comme pour beaucoup, Barcelone c'est Marie-José Pérec 1992. Parce que c'est une ville qui a accueilli la Coupe du monde de foot, qui a un Grand Prix de F1 et qui a vu le Tour passer trois fois. Deuxième raison : Barcelone, c'est beau. Troisième raison : c'est la colline de Montjuïc. Dès le départ, on aura les champions épaule contre épaule avec ce contre-la-montre par équipes qui arrivera dans cette bosse de Montjuïc. Un côté qu'on reprendra trois fois le lendemain, et où les trois derniers vainqueurs s'appellent Remco Evenepoel, Tadej Pogacar et Primoz Roglic. Ça donnera le ton !

Avec un départ de Barcelone, on ne pouvait pas éviter les Pyrénées d'entrée. Ce n'est pas trop tôt ?

Oui, on arrive vite dans les Pyrénées, avec une arrivée aux Angles au sommet dès la 3e étape. Donc la montagne arrive vite, mais on a fait en sorte de ne pas durcir outre mesure les trois jours qu'on passe dans les Pyrénées. Il y aura quand même le classique Aspin-Tourmalet, avec 4 150 mètres de dénivelé positif. Mais aussi une arrivée au cirque de Gavarnie, qui candidatait depuis longtemps, et qui correspondait à notre envie cette année dans les Pyrénées : montrer du beau, sans que ce soit trop dur pour la première semaine. Gavarnie, c'est long avec 20 km, mais seulement à 4%.

Tourmalet, Galibier, Alpe d'Huez… Les monuments du Tour sont au menu, mais quelles sont les nouveautés qui vous font saliver d'avance : le cirque de Gavarnie ? Le plateau de Solaison ? Le col du Haag ?

C'est difficile d'en mettre une en avant, parce que quand on propose une nouvelle ascension sur le Tour, ce sont les coureurs qui la subliment ou non. Si deux champions se bagarrent dessus, c'est formidable, comme ça a été le cas au Granon en 2022 avec le duel entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar. Le cirque de Gavarnie, c'est plus beau que dur, même si c'est long.

Le plateau de Solaison a été deux fois au programme du Dauphiné récemment, donc on sait que ce n'est pas rien comme montée, d'autant qu'il y a avant le retour du Mont Salève (4,7 km à 11%). C'est une montée très raide, des paysages magnifiques, avec la journée de repos le lendemain, donc ça va faire mal. Et le Haag, ça fait partie de nos recherches de forts pourcentages dans les autres massifs montagneux. Et là, on les a sur cette étape de Mulhouse au Markstein (14e étape). Le Haag est une montée d'avenir, en forêt, où les spectateurs seront bien installés toute la journée. Avec le réchauffement climatique, dès qu'on trouve une montée très rude, très raide en sous-bois, comme le Haag, on se jette dessus.

Entre la sortie des Pyrénées et l'arrivée dans les Alpes, il y aura dix jours. Comment avez-vous pensé le parcours pour rythmer cette période ?

On utilise les cinq massifs justement pour cela. Depuis 15 ans, on cherche à montrer qu'on peut faire des grandes étapes hors des Alpes et des Pyrénées. La première semaine du Tour 2025 entre le Nord et la Bretagne l'a bien montré. Les gens comprennent maintenant qu'il n'y a pas que les Alpes et les Pyrénées sur le Tour. Là, par exemple, on retourne au Lioran pour le 14 juillet où, en 2022, il faut quasiment une photo finish entre Pogacar et Vingegaard. L'étape du Markstein pareil : le dernier vainqueur s'appelle Pogacar.

"Aujourd'hui, Pogacar, Vingegaard, Evenepoel, ils savent que ça peut se jouer dans le Massif central aussi, sur des pentes moins longues mais parfois plus raides"

Christian Prudhomme

à franceinfo: sport

On veut s'adresser à tous les gens, pas seulement aux experts de cyclisme. Mais il faut de la récurrence pour faire comprendre aux gens qu'une région peut être spectaculaire, ce qu'on a réussi ces dernières années avec le Massif central et les Vosges, notamment. On a un panel de difficultés partout maintenant.

Le profil de la 10e étape du Tour de France 2026. (ASO)
Le profil de la 10e étape du Tour de France 2026. (ASO)

À l'inverse, les deux arrivées consécutives à l'Alpe d'Huez vont faire beaucoup de bruit. Même si ce sont deux arrivées bien différentes, en réalité...

Ces deux étapes fonctionnent ensemble. On peut mettre le feu dès le vendredi, et enfoncer le clou le samedi, ou s'écrouler totalement. Pour la première, le vendredi, on part de Gap avec une étape très courte, de 128 km, avec un départ en montée, le col du Noyer et les 21 lacets. C'est l'Alpe d'Huez classique, mais sur une étape très courte. Le lendemain, c'est autre chose.

"La deuxième ascension de l'Alpe d'Huez se fera par le col de Sarenne, inédit. C'est un rêve qu'on avait depuis 2013, quand on était monté deux fois à l'Alpe d'Huez le même jour, et qu'on était redescendu par le col de Sarenne."

Christian Prudhomme

à franceinfo: sport

On voulait depuis longtemps monter par Sarenne, mais on ne peut pas inscrire l'Alpe d'Huez sur le Tour sans monter par les 21 lacets, les gens ne comprendraient pas. D'où le doublon de cette année. Il y aura un contraste total entre la ferveur des 21 virages du vendredi et le silence de l'immensité de la montagne dans le col de Sarenne le samedi, après 5 600 mètres de dénivelé positif.

Et tout ça à la veille de l'arrivée à Paris, ce qui est rare.

Oui, même si on a déjà fait le Ventoux en 2009 et l'Alpe d'Huez en 2015 à la veille de l'arrivée à Paris, par exemple. Mais autant de dénivelé positif à la veille des Champs-Elysées, c'est du jamais vu. Et encore moins trois arrivées au sommet consécutives avant celle sur les Champs.

Le profil de la 20e étape du Tour de Franc 2026. (ASO)
Le profil de la 20e étape du Tour de Franc 2026. (ASO)

Des Champs-Elysées que les coureurs retrouveront après une nouvelle triple ascension de la Butte Montmartre, nouveauté de 2025 et donc reconduite cette année. Même si la ligne d'arrivée sera plus loin du sommet de la rue Lepic, cette fois ? 

Le préfet de police nous a dit oui pour reconduire le circuit de final de Montmartre, mais à une condition : on ne pouvait plus passer par la rue Royale pour revenir place de la Concorde. Il voulait qu'on revienne par l'avenue Wagram et donc le haut des Champs-Elysées. Nous, on envisageait déjà d'ajouter un tour complet des Champs dans le final, mais comme le peloton va arriver par l'avenue Wagram, et donc la place de l'Etoile, ça revient presque au même. Ce qui éloigne la ligne d'arrivée du sommet de la rue Lepic, même si je ne pense pas qu'on aura un sprint massif pour autant. Mais un sprinteur capable de passer les bosses, comme Mads Pedersen, aura toutes ses chances.

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