Entretien Tour de France femmes 2026 : "Ce sera le Tour le plus dur de l’histoire", prévient Marion Rousse, directrice de l'épreuve

La directrice du Tour de France femmes a dévoilé le parcours de la 5e édition, jeudi, à Paris.

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Marion Rousse à Vannes, le 17 avril 2025. (AFP)
Marion Rousse à Vannes, le 17 avril 2025. (AFP)

Un Grand Départ de Suisse avant de prendre la route de Nice tout en escaladant le géant de Provence : le parcours du Tour de France femmes 2026 a été dévoilé, jeudi 23 octobre, à Paris. Si la première ascension du mont Ventoux sera le moment fort de cette 5e édition, les huit autres étapes seront loin d'être anecdotiques, avant un final explosif autour de Nice. Un parcours que Marion Rousse, directrice du Tour de France femmes, analyse pour franceinfo: sport.

Franceinfo: sport : En un mot, comment résumeriez-vous le parcours de cette 5e édition ?

Marion Rousse : C'est un parcours malicieux, parce qu'il n'y a aucune étape sans difficulté, aucune étape où les leaders vont pouvoir rester au chaud en queue de peloton. Chaque jour, ça peut bouger. Ce parcours sera dur physiquement, et mentalement : il faudra rester placée, concentrée chaque jour. 

Le Grand Départ a lieu en Suisse. On pouvait donc s'attendre à ce que ça soit très vite dur avec de la montagne, ce qui ne sera pas le cas. Pourquoi ?

On aurait pu faire un départ très dur en Suisse, évidemment, mais c'est le premier week-end de course, donc on n'a pas envie d'avoir des écarts monstrueux et de tuer tout suspense. Un parcours se construit sur son ensemble, avec des premiers jours mesurés. Là, on commencera par une boucle pour puncheuses autour de Lausanne, avec notamment la côte de Saint-François devant le musée olympique. C'est une belle bosse qui devrait sourire aux leaders et à des outsiders, avec déjà de la tension.

    

Il y aura aussi le retour du contre-la-montre individuel, qui avait clos la course en 2023 et lancé celle de 2024. Cette fois, il sera au milieu du parcours.

Pour être honnête, le contre-la-montre, c'est là qu'on fait le moins d'audience et ça crée parfois un déséquilibre au niveau du suspense. Mais, on aime cet exercice, et cette année je suis contente qu'on ait un chrono. Et surtout ça peut ouvrir le suspense, on peut voir une Marlen Reusser prendre le maillot jaune avant l'arrivée de la montagne. Ce qui obligerait ensuite les autres leaders, qui auraient concédé du temps, à bouger. Le placer au milieu du Tour, ça ouvre des perspectives.

La suite du programme est très alléchante, avec notamment une descente de la vallée du Rhône via le Beaujolais, notamment le Mont Brouilly.

C'est une très belle étape, sur des routes que Paris-Nice prend souvent. C'est le type d'étape que je préfère, qui ressemble à une classique avec des murs qui font qu'il peut tout se passer, à n'importe quel moment. Il y aura huit ascensions en 140 km, avec près de 3 000 mètres de dénivelé. Et avec le mont Brouilly à 12 km de l'arrivée, ses pourcentages très raides et sa route étroite, y compris pour redescendre : c'est une étape où l'on peut tout perdre, c'est celle de tous les dangers.

Le profil de la 5e étape du Tour de France femmes 2026. (ASO)
Le profil de la 5e étape du Tour de France femmes 2026. (ASO)

Évidemment, le temps fort ce sera l'ascension du Mont Ventoux pour la première fois de l'histoire du Tour de France femmes. 

Chaque année, on essaye de mettre sur la route un col mythique de l'histoire du Tour de France, le genre de col qui fait qu'on allume la TV pour regarder une étape. Et le mont Ventoux, c'est peut-être le plus beau des cols. Visuellement, c'est toujours magique. Les filles vont pouvoir rentrer encore un peu plus dans l'histoire au sommet. Ce sera l'étape reine, d'autant qu'on a mis quelques cols sur la route avant de se présenter au pied du Ventoux, avec une journée à 3 600 mètres de dénivelé positif.

Après le Tourmalet en 2023, l'Alpe d'Huez en 2024, c'est un nouveau monument du Tour au menu. C'est important que le peloton féminin s'approprie ces mythes ?

En vérité, c'est juste devenu naturel. On a passé un cap l'année dernière dans tous les domaines, le Tour de France femmes est entré dans le cœur des gens. On ne se pose même plus la question de savoir si les filles le méritent, si elles en sont capables. Elles l'ont prouvé à la pédale. Le mont Ventoux est un des plus grands mythes de l'histoire du Tour, et les filles seront très fières de le dompter.

Le profil de la 7e étape du Tour de France femmes 2026. (ASO)
Le profil de la 7e étape du Tour de France femmes 2026. (ASO)

Avec 1 175 km à parcourir, un record, et 18 795 mètres de dénivelé positif, un autre record, est-on sur le Tour de France femmes le plus dur de l'histoire ?

En termes de dénivelé et de kilométrage, oui. Et en plus de cela il y a un contre-la-montre au milieu. C'est clairement un Tour de France femmes difficile, mais mesuré, sans tomber dans le gargantuesque. J'ai appris en commentant les courses qu'on peut être déçu par une étape trop dure. Donc on essaye de trouver un juste milieu, mais c'est vrai que pour la première fois, on aura un col par jour. Nerveusement parlant, en tout cas, ce sera le plus dur de l'histoire.

Il y aura neuf étapes en neuf jours, pour la 2e année de rang. Et un départ de nouveau décalé d'une semaine par rapport à l'arrivée des hommes. L'objectif est de continuer à allonger progressivement le parcours ?

Dans les premières années, on voulait être la 4e semaine du Tour de France pour profiter de l'engouement médiatique. On avait besoin de cette vitrine. Aujourd'hui, on est assez fort en termes d'audiences pour se dissocier, pour prendre notre envol. La priorité c'est de rester pendant les vacances des gens, parce que le public peut se déplacer et c'est essentiel. On a l'envie de grandir, mais sans brûler les étapes. Le cyclisme féminin n'est pas prêt pour un Tour de trois semaines.

"Autre élément à prendre en compte, c’est que le Tour de France femmes a tellement grossi ces deux dernières années que c’est devenu pratiquement impossible de juxtaposer les deux premières étapes sur les deux dernières des hommes."

Marion Rousse

à franceinfo: sport

Pour que les infrastructures suivent, que nos équipes suivent, on avait besoin de reprendre une coupure entre le Tour masculin et le Tour féminin.

Ce sera, déjà, la 5e édition. Il ne faut jamais crier victoire trop vite, mais on a l'impression que ça y est, le cyclisme féminin s'est installé ?

J'ai connu le cyclisme féminin non diffusé, avec des coureuses non payées. En quatre ans, voir ce qu'on a réalisé, voir les gens scander les noms des championnes, suivre les autres courses de l'année, les transferts… Je suis hyper confiante pour l'avenir du cyclisme féminin, même si je reste prudente parce que le système économique n'est pas encore aussi costaud que celui des hommes, qui vacille lui aussi pour certaines équipes. On reste prudent, on solidifie nos bases.

"Christian Prudhomme était avec moi sur le Tour de France femmes l’été dernier, et il me disait qu’il ne voyait plus de différences avec le Tour masculin en termes de public au bord des routes. Réaliser cela en quatre ans, c’est exceptionnel."

Marion Rousse

à franceinfo: sport

Il y a quatre ans, on avait des coureuses amateures à côté de professionnelles dans les courses. Aujourd'hui, le niveau est de plus en plus homogène, mais on n'est pas encore au sommet. Ce sera encore mieux les prochaines années.

Quand vous avez relancé le Tour de France femmes en 2022, vous vous imaginiez que les choses iraient aussi vite ?

Pour être vraiment honnête, non. Même les coureuses ne s'attendaient pas à cela. C'est au-delà de nos espérances. Le public a compris que des filles sur un vélo, c'est beau à regarder, que ça roule vite. On y est arrivé grâce à la magie du Tour de France, qui parle aux amateurs de cyclisme et aux autres.

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