Tour de France 2025 : pourquoi les équipes françaises ont-elles plus de mal à survivre économiquement et donc à briller sportivement ?
Cinq équipes françaises sont engagées sur le Tour de France, mais l'une d'entre elles, Arkéa-B&B Hôtels, pourrait disparaître à la fin de l'année.
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Compter parmi les meilleures équipes, avec l’un des plus gros budgets du peloton…L’ambition de la future équipe de Decathlon fait presque tâche dans le paysage actuel du cyclisme français. La conjoncture économique est bien plus morose, et l’avenir incertain pour d’autres équipes tricolores, dont Arkéa-B&B Hôtels qui recherche impérativement de nouveaux sponsors pour survivre au-delà de l’année 2025. Sur le Tour de France, aucune des cinq formations bleu-blanc-rouge n’a remporté une étape durant les deux premières semaines.
La première des explications réside dans les différences de budget de ces équipes françaises, avec les équipes étrangères. "Les meilleures équipes du monde ont un budget de 50 millions d’euros, là où en France on est aux alentours de 25 millions. D’entrée de jeu, on n’est pas sur les mêmes bases", souligne Cédric Vasseur, patron de la formation Cofidis. "Il y a eu une inflation très forte des budgets il y a 10-15 ans avec la Sky et les équipes américaines et anglaises, qui se sont hyper professionnalisées et structurées. Il y a eu une inflation des salaires et on arrive sur un cyclisme à deux vitesses, explique Virgile Caillet, délégué général de l’Union Sport & Cycle. Quand il y a eu cette accélération au niveau international, la France n’a pas réussi à changer de braquet et est restée un peu dans le cyclisme des années 2000".
"En France, on a des difficultés à mobiliser des moyens autour du sport. A titre de comparaison, en Ligue 1, un certain nombre de clubs ont des budgets autour de 40 millions d’euros", poursuit-il. Et avec ces budgets moindres, les équipes tricolores ont l’obligation, par la loi française, de salarier leurs coureurs, avec les charges qui s’en suivent. Tandis que dans les équipes étrangères, les coureurs peuvent avoir un statut d’indépendant et facturer leurs services sans charges supplémentaires. "Les équipes doivent fournir aux coureurs salariés une assurance et une pension. Les coureurs indépendants doivent obtenir leur propre plan d’assurance et de pension", écrit l’accord paritaire qui régit les conditions de travail des coureurs cyclistes.
Des salaires qui coûtent 40% plus chers qu'à l'étranger
"Avec les charges, c’est simple, ça nous coûte 40% plus cher qu’ailleurs, pointe Marc Madiot, le patron de la Groupama-FDJ. On est un pays très spécial, les étrangers nous le disent et ils se marrent. On a sans doute été mieux protégés pendant le Covid, mais dans des périodes de normalité, ces gens-là sont avantagés sur nous". Par conséquent, "un coureur qui peut potentiellement gagner le Tour, c’est un coureur dont le salaire tourne autour de 10 millions d’euros. Mais en France, il en coûterait 14 millions à son équipe, ça fait une grosse différence. Donc on ne cherche pas à rivaliser avec ces équipes, c’est un combat perdu d’avance parce qu’on n’a pas les mêmes règles du jeu", explique Cédric Vasseur.
Comme dans d’autres sports, le football par exemple, les formations françaises se retrouvent à lutter contre une concurrence inégale, avec en plus des équipes étrangères financées par des Etats, comme UAE Team Emirates (Emirats Arabes Unis), Bahrain Victorious (Bahreïn), XDS-Astana (Kazakhstan), Israel-Premier Tech, et Jayco-AlUla (AlUla étant une ville d’Arabie saoudite). "Il y a des Etats ou des mécènes qui ont les poches sans fond. On le voit bien dans la série Netflix où le président d’UAE dit que si demain ça doit coûter le double, ça ne sera pas un souci", pointe Emmanuel Hubert, patron d’Arkéa-B&B Hôtels.
Y aurait-il également trop d’équipes françaises et donc une concurrence économique pour attirer les sponsors ? Virgile Caillet en émet la possibilité : "Le potentiel d’annonceurs et de partenaires commence à s'essouffler, et s’il y a trop d’offres, ça fait baisser les prix. Peut-être que le nombre d’équipes françaises nuit à l’attractivité et qu’il faut aller chercher des sponsors ailleurs". Mais l’hypothèse est réfutée par Cédric Vasseur, qui met en avant "le nombre de coureurs français", puisque la France est le pays le plus représenté parmi les équipes World Tour (81 coureurs), et "le nombre de courses en France, plus élevé qu’à l’étranger", qui justifient donc le nombre d’équipes.
Un retour sur investissement trop faible pour les équipes françaises ?
"Il faut garder aussi des équipes comme la nôtre, ça fait partie du paysage cycliste et le public français a besoin d’avoir ce style d’équipe française pour s’identifier", assure Emmanuel Hubert. Mais "le cyclisme coûte très cher pour une entreprise française, est assez rentable pour une entreprise européenne et est un cadeau pour une entreprise mondiale", explique Jean-René Bernaudeau, patron de l’équipe TotalEnergies, équipe qui a finalement le plus international des sponsors parmi les formations françaises.
Emmanuel Hubert en fait l’expérience dans la recherche de partenaires pour sauver son équipe. "C’est très très difficile", confie-t-il, malgré les bons résultats sur le Tour de France de son coureur Kévin Vauquelin, qui apporte de la visibilité à la formation bretonne. "En France, on a encore des vrais sponsors qui ont besoin de communiquer. Mais à un moment donné, quand tu rationalises la mise du budget de sponsor, avec le retour sur investissement pour l’entreprise, c’est moins valable que ce qu’on a pu connaître il y a 10 ans. Pour avoir les mêmes retours, il ne faut plus investir 10 au départ, il faut mettre 20" , analyse-t-il.
Et à l’étranger, Jean-René Bernaudeau raconte avoir rencontré de grandes entreprises asiatiques au Japon ou en Corée du Sud, "mais ce continent-là a besoin d’un peu plus de crédibilité. Il y a toujours un peu de suspicion [autour du dopage] qui n’est pas forcément justifiée mais qui est toujours là".
Décathlon, entreprise française mais avec un réseau international, ne joue pas dans le même tableau. Sa stratégie de développement repose aussi sur la mise en avant de sa marque de vélo Van Rysel, et l’entreprise devrait trouver un co-sponsor international pour reprendre la main sur l’équipe historique AG2R-La Mondiale. "Ils sont en train de créer une désirabilité hyper intéressante pour les partenaires mais aussi pour les coureurs. Rivaliser avec les équipes internationales va de toute façon nécessiter une créativité économique différente", observe Virgile Caillet.
Dans cette optique, une initiative originale est menée par un collectif d’entrepreneurs savoyards, qui veulent créer une équipe cycliste professionnelle féminine et masculine, "Ma Petite Entreprise", exclusivement soutenue par des TPE et PME. Déjà 500 sociétés ont répondu à l’appel avec une mise minimum de 750 euros. Et l’objectif de participer au Tour de France en 2030.
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