: Transparence Où s'arrête l'info et où commence la pub lors de reportages dans des entreprises ?
Dans le cadre de notre rubrique Transparence, Maeva Damoy, journaliste au service économie et social de France Télévisions, explique les règles qui permettent d'éviter la publicité clandestine et la corruption.
Couvrir l'activité d'une entreprise, est-ce lui faire de la publicité ? Non, en tout cas pas quand on s'en tient à des règles strictes. Maeva Damoy est reporter au service économie et social de France Télévisions. Elle signe de nombreux sujets sur des entreprises pour France 2, France 3 et franceinfo. Dans le cadre de notre rubrique transparence, elle décrit les obligations auxquelles se soumettent les journalistes de France Télévisions.
Franceinfo : Quand tu tournes en entreprise, où l'information s'arrête-t-elle, où la publicité commence-t-elle ?
Maeva Damoy : Au service économie de France Télévisions, nous sommes quotidiennement en lien avec les entreprises parce qu'il faut pouvoir illustrer à travers des séquences ou des témoignages l'actualité économique. Par exemple, pour définir quels sont les secrets du déstockage pour proposer des prix toujours plus bas, nous avons dû chercher des entreprises spécialisées, contacter leurs services de presse qui accèdent ou non à notre requête. Puis nous avons dû déterminer le magasin vers lequel nous pouvions nous tourner. Nous contactons également des experts pour essayer d'aller toujours un peu plus loin dans l'analyse, experts dont nous vérifions évidemment le parcours et les publications, que nous indiquons d'ailleurs au public dans nosSources.
Quels sont les critères pour choisir des entreprises ?
Nous les choisissons si elles peuvent répondre à l'angle que nous souhaitons traiter. Nous contactons évidemment les personnes compétentes à même de répondre aux toutes premières questions auxquelles nous cherchons des réponses. Nous faisons des pré-interviews téléphoniques avant de nous déplacer quand il s'agit de vérifier un chiffre d'affaires, les conséquences de telle ou telle mesure gouvernementale. Nous allons à la source, nous la vérifions avant même d'engager un tournage.
De nombreux chefs d'entreprise et téléspectateurs pensent qu'un reportage se monnaie, qu'il faut payer "la télé" pour qu'elle vienne... Est-ce que c'est le cas ?
Alors non, nous ne rémunérons pas les entreprises. Nous ne signons pas non plus de contrat qui nous engage respectivement, et nous ne leur promettons rien ; par exemple, pas de durée d'exposition à l'antenne. Ces entreprises n'ont pas non plus le droit d'utiliser nos images pour leur publicité. En revanche, elles peuvent renvoyer vers notre site pour visionner notre reportage, évidemment.
Quelles sont les règles légales et déontologiques ?
Il y a d'abord des règles fixées par les lois sur la publicité clandestine, et aussi celles de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom. En plus de cela, nous nous imposons nos propres règles. Par exemple, nous proposons deux témoignages d'entreprises à chaque fois que c'est possible, pour ne pas en mettre une seule en valeur, à l'exception bien sûr des portraits ou d'une initiative spécifique.
"Nous évitons le plus possible de solliciter plusieurs fois une même entreprise dans un laps de temps donné."
Maeva DamoyJournaliste au service économie et social de France Télévisions
Et puis, dans le cas où nous filmerions une enseigne ou une marque, nous incluons dans nos reportages des illustrations de leurs concurrents, au moins deux. Cette règle-là émane de l'Arcom.
Avez-vous également des engagements personnels à prendre ?
Oui, chaque année, nous signons ce qu'on appelle une déclaration des liens d'intérêts. C'est l'application de la loi Sapin 2 [relative à la transparence et à la lutte contre la corruption]. Cette déclaration concerne d'éventuels liens personnels que l'on aurait avec des entreprises. Evidemment, nous évitons de mélanger les liens professionnels et personnels. Par exemple, nous pouvons déclarer : "J'ai épousé quelqu'un qui travaille pour une chaîne concurrente ou qui travaille pour telle enseigne de grande distribution". C'est pris en compte par la hiérarchie pour ne pas nous envoyer couvrir un sujet qui impliquerait un proche.
"Nous nous engageons également à refuser les cadeaux, les petits gestes que l'on pourrait nous proposer en amont, pendant ou après nos reportages."
Maeva DamoyJournaliste au service économie et social de France Télévisions
Souvent, quand vous floutez des marques lors d'un reportage, on devine quand même la marque. Pourquoi ne pas mettre un cache complètement opaque par exemple ?
C'est d'abord pour une question d'esthétique. La télé passe avant tout par l'image, ensuite par le son, avant notre propre commentaire pour expliquer les angles que nous traitons. C'est aussi pour assumer les règles que nous choisissons d'adopter. Quand nous ne pouvons montrer qu'une seule enseigne (et non deux ou trois comme nous nous engageons à le faire habituellement), alors nous floutons. Ça marque une prise de distance avec l'enseigne, même si on reconnaît plus ou moins le logo dans certains cas. C'est une façon d'assumer nos règles et celles qui sont en vigueur, fixées par la loi.
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