: Vrai ou faux Rima Hassan peut-elle être déchue de la nationalité française pour ses propos sur le Hamas, comme le réclament des ministres ?
/2025/03/03/080-hl-dperron-2643723-67c5cd32e6942841072493.jpg)
Des déclarations récentes de l'eurodéputée LFI, née apatride puis naturalisée française en 2010, ont provoqué des réactions indignées au sein du gouvernement.
Connue pour son engagement sur la guerre au Proche-Orient, la juriste et femme politique d'origine palestinienne Rima Hassan est de nouveau ciblée par une partie du gouvernement. Le 27 février, l'eurodéputée de La France insoumise (LFI) avait affirmé sur Sud Radio que "le Hamas a[vait] une action légitime du point de vue du droit international" citant notamment une résolution de l'Organisation des Nations unies (PDF) de 1973 qui autorise la "lutte armée dans un contexte de colonisation". "Ce droit est parfaitement encadré, vous n'avez pas le droit de prendre en otage des civils et de commettre des exactions telles qu'elles ont été commises", a-t-elle précisé. Ces propos ont fait réagir Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur. Dans un message sur X, il a annoncé qu'il signalerait "à la procureure de la République de Paris ces propos qui relèvent de l'apologie du terrorisme".
Deux autres membres du gouvernement, François-Noël Buffet et Patrick Mignola, ont évoqué la possibilité d'une déchéance de nationalité pour Rima Hassan en cas de condamnation. François-Noël Buffet, ministre auprès de Bruno Retailleau, a jugé sur Europe 1 que "s'il advenait qu'elle soit condamnée pour de tels faits et pour de tels motifs, il faudrait s'interroger sur la question". Mais Rima Hassan peut-elle réellement être déchue de sa nationalité française ?
Un minimum de deux nationalités requis
En France, la déchéance de nationalité est encadrée par l'article 25 du Code civil. Une personne peut donc être déchue de sa nationalité dans quatre cas : 1. "S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme" ; 2. "S'il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du Code pénal" ; 3. "S'il est condamné pour s'être soustrait aux obligations résultant pour lui du Code du service national" ; 4. "S'il s'est livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France".
D'après Rabah Hached, avocat spécialiste du droit de la nationalité, l'apologie du terrorisme appartient à la première catégorie. Contacté par franceinfo, Vincent Brengarth, l'avocat de Rima Hassan, estime que ce cas relève d'un débat juridique plus complexe : "Il faudrait que l'apologie du terrorisme puisse être considéré comme un acte de terrorisme."
Toutefois, même si l'apologie du terrorisme était reconnue comme acte de terrorisme, Rima Hassan n'est pas concernée par ces clauses et ne peut perdre sa nationalité. Selon l'article 25 du Code civil, seuls les binationaux peuvent être visés par cette procédure. "L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d'Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride", précise l'article. Or, Rima Hassan n'a pas d'autre nationalité que la française, confirme son avocat à franceinfo. Elle est née en 1992 en Syrie dans un camp de réfugiés palestiniens, puis a été naturalisée française en 2010. "Il n'est pas possible qu'elle perde sa nationalité, car elle n'en dispose d'aucune autre", assure à franceinfo Rabah Hached.
C'est aussi ce que rappelle le site de l'administration française en charge de l'annulation, du retrait ou de la déchéance de nationalité française : "Il n'est pas possible de rendre une personne apatride." L'apatridie définit les personnes qui n'ont pas de nationalité. "Etre dépourvu de nationalité implique d'être privé de la protection d'un Etat et être empêché dans de nombreux actes de la vie courante", précise le site gouvernemental Vie publique.
Poursuivie à plusieurs reprises pour apologie du terrorisme
L'intéressée a donc réagi aux propos des deux ministres sur X, en précisant qu'une déchéance de sa nationalité était "impossible", ce que Bruno Retailleau a confirmé. "Puisqu'elle n'a que la nationalité française, il ne serait pas possible dans notre droit de la déchoir de la nationalité parce qu'en France, on ne peut pas créer de situation d'apatride", a-t-il admis lundi sur BFMTV. Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a quant à lui dénoncé sur X "une ère de persécutions racistes officielles de type pétainiste". "C'est le nouveau visage du fascisme qui s'exprime ici, vous n'allez pas nous dicter nos pensées, nos mots et encore moins nos convictions", a-t-elle ajouté.
Si Rima Hassan ne peut donc pas perdre sa nationalité, elle peut toutefois être condamnée pour apologie du terrorisme si le tribunal l'en juge coupable. Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est passible au minimum de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, comme le rappelle l'article 421-2-5 du Code pénal.
Ce n'est pas la première fois que des faits similaires lui sont reprochés. Le 30 décembre 2024, l'association Observatoire juif de France a déposé une plainte contre l'eurodéputée pour le même motif. Elle visait cette fois un tweet dans lequel elle se livrait à une analogie : "Si les Franco-Israéliens sont autorisés à servir dans l'armée israélienne tout en jouissant des acquis de la double nationalité", alors "tout Franco-Palestinien doit pouvoir rejoindre la résistance armée palestinienne." Son avocat a assuré à franceinfo "ne pas avoir connaissance" de cette plainte. Au printemps 2024, Rima Hassan avait aussi été convoquée par la police dans le cadre d'une enquête pour ce motif, après avoir déclaré dans une interview au média Le Crayon qu'il était "vrai" que le Hamas menait une action légitime. A ce jour, elle n'a jamais été condamnée pour ce motif, selon son avocat. En novembre 2024, LFI avait déposé une proposition de loi visant à abroger du Code pénal le délit d'apologie du terrorisme, qui a, selon ce parti, accentué "l'instrumentalisation de la lutte antiterroriste" contre la "liberté d'expression".
À regarder
-
L'OMS alerte sur la résistances aux antibiotiques
-
Les frères Lebrun, du rêve à la réalité
-
Que disent les images de l'incarcération de Nicolas Sarkozy ?
-
Algospeak, le langage secret de TikTok
-
Une Russe de 18 ans en prison après avoir chanté des chants interdits dans la rue
-
"Avec Arco, on rit, on pleure..."
-
Wemby est de retour (et il a grandi)
-
Arnaque aux placements : la bonne affaire était trop belle
-
Une tornade près de Paris, comment c'est possible ?
-
La taxe Zucman exclue du prochain budget
-
Un ancien président en prison, une première
-
Normes : à quand la simplification ?
-
La Terre devient de plus en plus sombre
-
Cambriolage au Louvre : d'importantes failles de sécurité
-
Louis Aliot, vice-président du RN, et les "deux sortes de LR"
-
Nicolas Sarkozy incarcéré à la prison de la Santé
-
Décès d'une femme : les ratés du Samu ?
-
Louvre : cambriolages en série
-
Grues effondrées : tornade meurtrière dans le Val d'Oise
-
De nombreux sites paralysés à cause d'une panne d'Amazon
-
Hong Kong : un avion cargo quitte la piste
-
Quand Red Bull fait sa pub dans les amphis
-
Ces agriculteurs américains qui paient au prix fort la politique de Trump
-
ChatGPT, nouveau supermarché ?
-
Eléphants : des safaris de plus en plus risqués
-
Concours de vitesse : à 293 km/h sur le périphérique
-
Églises cambriolées : que deviennent les objets volés ?
-
Quel était le système de sécurité au Louvre ?
-
La Cour des comptes révèle les failles de sécurité du musée du Louvre
-
Cambriolage du Louvre : ces autres musées volés
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter