Gustave Guillaumet, peintre de l'Algérie du XIXe siècle, à La Piscine de Roubaix
Artiste au regard singulier, fin connaisseur de l'Algérie du XIXe siècle où il a longuement séjourné, Gustave Guillaumet a porté un regard lucide sur les douloureux débuts de la colonisation et un regard empathique sur les Algériens, loin des clichés de nombreux peintres orientalistes. Une rétrospective inédite lui est consacrée jusqu'au 2 juin au musée de la Piscine de Roubaix (Nord).
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Tableaux monumentaux, huiles sur toile, pastels, croquis empruntés à des collections privées ou publiques, dont celle du musée d'Orsay : pour cette exposition - première rétrospective consacrée à Gustave Guillaumet (1840-1887) depuis 1899 - La Piscine s'est associée aux musées de La Rochelle et de Limoges pour réunir plus de 130 oeuvres de ce peintre fasciné par l'Algérie. Il l'a parcourue avec passion, vivant comme et avec les Algériens.
"Nous voulions mettre à l'honneur cette figure emblématique de l'orientalisme", injustement "méconnue du grand public", qui "pose un regard très distancié sur la conquête coloniale, éloigné de la propagande militaire" largement diffusée à son époque, a expliqué vendredi, devant la presse, le directeur du musée, Bruno Gaudichon.
Replacée dans son contexte, à l'aide de panneaux et de cartes, l'oeuvre "résonne d'une manière particulière à Roubaix", ville de l'agglomération lilloise où vit une importante communauté algérienne.
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Un témoignage sur l'Algérie sous le joug colonial
"Au-delà de la prouesse artistique", Guillaumet propose "un témoignage sensible et honnête sur l'Algérie, ne travestit pas ce qu'est le joug colonial, la manière dont il bouleverse les traditions, dont il crée des drames humains terribles. Sans tomber dans le misérabilisme, son oeuvre fait témoignage et rend hommage à l'Algérie éternelle", selon Bruno Gaudichon.En trois temps, l'exposition emmène d'abord le visiteur dans un "orient crépusculaire", aux tonalités sombres et dramatiques, où les scènes de genre se mêlent aux tableaux historiques. Lorsqu'il débarque presque par hasard en Algérie, au début des années 1860, la France a conquis le pays et entreprend la "pacification" : "L'armée veut par tous les moyens venir à bout des résistances, et pratique les exactions en nombre. Sous la protection des militaires, Guillaumet est témoin de cette répression", explique Marie Gautheron, historienne et commissaire de l'exposition.
Républicain, partisan du projet colonial, Guillaumet développe toutefois "une conscience lucide de l'impact des destructions et de la confiscation des terres, sur les sociétés traditionnelles", observe-t-elle.
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Une manière presque photojournalistique
Sur les hauts-plateaux algériens, il peint notamment "La Razzia dans le Djebel Nador", montrant le massacre et le défilé des femmes, enfants et vieillards captifs. Il croque plus loin le pénible labeur de paysans pauvres, travaillant dans des conditions rudimentaires.Pièce essentielle de l'exposition, "La Famine" (1869), composition monumentale très longtemps oubliée et récemment restaurée, montre de manière presque photojournalistique, dans un langage naturaliste, la détresse d'une population frappée par la faim et les épidémies. "Cette oeuvre est l'unique témoignage en peinture de l'hiver 1867-1868", pendant lequel "un tiers de la population algérienne a péri", assure Marie Gautheron.
Mais, mal accueilli par la critique, Guillaumet va rapidement se détourner de la peinture historique. Il préférera alors des paysages désertiques et des scènes de genre, tentant de capturer la lumière envoûtante des fascinantes étendues minérales et la vie quotidienne des Algériens.
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Un regard éloigné des clichés enchanteurs liés à l'Orient
Bivouacs de chameliers, portraits de berbères, scène de prière, artisans, tisseuses : Guillaumet multiplie les croquis et se fait "observateur attentif de la population", particulièrement "celle qui est modeste et rurale, au contraire de nombre de ses contemporains", note encore l'historienne.Grâce à "dix ou onze voyages" effectués au cours de sa courte vie et ses multiples rencontres avec les populations, le peintre "connaît parfaitement l'Algérie" et pose sur la population un regard empathique, parfois quasi ethnographique, éloigné des "clichés enchanteurs" liés à l'Orient.
Dans les dernières salles, de nombreuses toiles, de plus en plus ensoleillées, illustrent le quotidien des femmes, leur offrant une grandeur presque mystique. Après avoir croqué les porteuses d'eau, l'artiste entre dans les intérieurs, qu'aucun peintre orientaliste n'avait encore pénétrés.
A l'occasion de cette rétrospective, la Piscine propose trois autres expositions pour son "printemps algérien" : un hommage à Claude Vicente, ancien directeur des beaux-arts d'Oran et de Tourcoing, une présentation de portraits d'Abdelkader, figure de la résistance anticoloniale, et une déambulation autour des photographies de Naime Merabet, Roubaisien né en Algérie et livrant sa vision intime de l'Algérie contemporaine.
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