Festival de Cannes 2025 : les dix films et documentaires à ne pas rater

De "Nouvelle Vague" à "Imago", en passant par "Partir un jour" ou encore "Homebound", la rédaction de franceinfo Culture a choisi pour vous une dizaine d'œuvres parmi les films présentés au festival, toutes sélections confondues, en et hors compétition.

France Télévisions - Rédaction Culture
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Dévoilement de l'affiche officielle du 78e Festival de Cannes, le 13 mai 2025. (JACKY GODARD / AFP)
Dévoilement de l'affiche officielle du 78e Festival de Cannes, le 13 mai 2025. (JACKY GODARD / AFP)

Comme toute sélection, celle-ci est nécessairement subjective et non exhaustive. Cette liste tient compte des thèmes traités, de leur spécificité et/ou universalité, de la réalisation... Certains films non mentionnés ici mériteraient sûrement d'y figurer.

"Partir un jour", un premier film chantant et réjouissant

Ce premier long-métrage musical d'Amélie Bonnin est un développement très réussi de son court-métrage éponyme, qui lui a valu en 2023 un César. Amélie Bonnin creuse avec ce film un style très personnel, frais et poétique, qu'on entrevoyait déjà dans son court-métrage, ou bien encore dans La Mélodie du boucher (2013), ce documentaire consacré à son oncle, boucher en instance de départ à la retraite. Dans une réalisation très maîtrisée, avec un souci remarquable du détail et des petites inventions de mise en scène, cette artiste polymorphe, qui manie aussi bien le dessin que la caméra, laisse toute la place à ceux qu'elle filme, à leurs histoires et à la vie qui se déploie sous l'œil de sa caméra. Le film aborde des questions liées au déterminisme familial, social, au déracinement, et à l'émancipation. On pense à Bourdieu, à Annie Ernaux, à Édouard Louis ou à Nicolas Mathieu.

Bastien Bouillon et Juliette Armanet dans "Partir un jour" d'Amélie Bonnin, sortie le 13 mai 2025. (2025 TOPSHOT FILMS / LES FILMS DU WORSO / PATHÉ FILMS / FRANCE 3 CINÉMA)
Bastien Bouillon et Juliette Armanet dans "Partir un jour" d'Amélie Bonnin, sortie le 13 mai 2025. (2025 TOPSHOT FILMS / LES FILMS DU WORSO / PATHÉ FILMS / FRANCE 3 CINÉMA)

"Nouvelle Vague", l'extraordinaire hommage de Richard Linklater à l'esprit révolutionnaire de Jean-Luc Godard

Richard Linklater explose l'image intello de la Nouvelle Vague avec un film à la fois savant et distrayant. Après Fast Food Nation en 2006, c'est la deuxième fois que Richard Linklater est en course pour la Palme d'or. Dans ce nouveau long-métrage, l'audacieux cinéaste de Slacker (1991) et de Boyhood (2014), livre l'anatomie joyeuse d'À bout de Souffle, le premier film de Jean-Luc Godard. Cet hommage est un petit régal, aussi tendre que didactique, qui donne la mesure de la révolution dans le 7e art provoquée par ce film mythique. En portant un regard amusé, un brin moqueur, sur Godard, il désacralise ce monument du cinéma mondial, tout en mettant en lumière de manière éclatante son génie. Avec cette déclaration d'amour au cinéma, Linklater nous offre une pure régalade.

Guillaume Marbeck (Jean-Luc Godard), Zoey Deutch (Jean Seberg) et Aubry Dullin (Jean-Paul Belmondo) dans "Nouvelle Vague" de Richard Linklater, en compétition dans la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 8 octobre 2025. (JEAN-LOUIS FERNANDEZ)
Guillaume Marbeck (Jean-Luc Godard), Zoey Deutch (Jean Seberg) et Aubry Dullin (Jean-Paul Belmondo) dans "Nouvelle Vague" de Richard Linklater, en compétition dans la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 8 octobre 2025. (JEAN-LOUIS FERNANDEZ)

"Imago", premier film tchétchène à Cannes, ou la fabuleuse quête d'identité

Présenté à la Semaine de la critique au Festival de Cannes, Imago est un bijou d'humanité et une ode à l'altérité. C'est un film à tiroirs, complexe, fin, subtil sur la transmission, l'héritage, la paternité, l'identité, les identités… Déni Oumar Pitsaev signe un documentaire bouleversant, avec des personnages qui portent en eux des pans entiers de l'Histoire. Des blessures et des espoirs. Des souffrances et des rêves. Le rêve de la mère du réalisateur est de le voir marié, avec des enfants, et renouer avec ses racines. Comment ancrer une personne qui rêve de liberté et d'envol ? En lui achetant un lopin de terre en Géorgie, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec la Tchétchénie, et en lui trouvant une épouse. Et pour l'encourager à faire le voyage, en essayant de lui narrer de faux souvenirs d'enfance. Imago est un voyage dans un pays appelé humanité.

Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)
Scène du film documentaire "Imago" de Déni Oumar Pitsaev. (TRIPTYQUE FILMS)

"Homebound", la lutte des castes en Inde

Le cinéaste indien Neeraj Ghaywan, qui avait présenté son film Masaan en 2015, revient à Cannes après dix ans d'absence, avec un brûlot politique contre le conservatisme et l'idéologie de Narendra Modi. Homebound, en sélection Un certain regard, est une ode à l'amitié qui outrepasse les castes et la religion. Brillant et humaniste. C'est l'histoire de deux amis natifs d'un village pauvre, l'un est musulman, l'autre issu de la caste des Intouchables. Ils rêvent d'être parmi les 3 500 élus sur plus de 2,5 millions de candidats qui postulent, à travers toute l'Inde, pour une carrière qui garantit l'emploi. La dernière partie du film est bouleversante, porté par deux acteurs inspirés, Ishaan Khatter et Vishal Jethwa, qui arrivent à nous tenir en haleine dans ce périple cauchemardesque à travers une Inde vidée de ses habitants. Homebound, une œuvre empathique, lumineuse et humaniste.

Ishaan Khatter et Vishal Jethwa dans le film "Homebound" de Neeraj Ghaywan. (DHARMA PRODUCTIONS)
Ishaan Khatter et Vishal Jethwa dans le film "Homebound" de Neeraj Ghaywan. (DHARMA PRODUCTIONS)

"O agente secreto", thriller politique dans le Brésil des années 1970

Nous sommes en 1977, le Brésil est tenu d'une main de fer par une dictature militaire depuis 1964. À l'écran, rien ne transparaît de ce régime, sinon le portrait officiel du président et des flics ripoux, mais l'atmosphère demeure suffocante, oppressante. Il règne une forme d'urgence anxiogène, sombre, que seule la solidarité arrive à illuminer par intermittence. Kleber Mendonça Filho signe avec O agente secreto, en course pour la Palme d'or, un thriller politique subtil et poétique. Et Wagner Moura qui incarne Marcelo, un quadragénaire fuyant une menace diffuse, est bluffant de justesse et de présence. L'acteur brésilien, dont la notoriété a explosé après son interprétation de Pablo Escobar dans la série Narcos diffusée sur Netflix, porte le film de bout en bout. O agente secreto, un thriller politique atypique, ténébreux et traversé par des éclairs de lumière et d'humanité.

Wagner Moura dans "O agente secreto" ("L'Agent secret") de Kleber Mendonça Filho. (VICTOR JUCA)
Wagner Moura dans "O agente secreto" ("L'Agent secret") de Kleber Mendonça Filho. (VICTOR JUCA)

"Dites-lui que je l'aime" : Romane Bohringer et Clémentine Autain partagent leur mal de mère

Dans ce film, s'entremêlent l'histoire de Clémentine Autain et celle de Romane Bohringer. Deux femmes ayant dû surmonter, à l'adolescence, la mort prématurée de leur mère. Des mamans dépendantes et défaillantes qui ont infligé des blessures invisibles mais indélébiles à leurs enfants. Avec ce second long-métrage, Romane Bohringer offre un témoignage aussi intime que bouleversant. Sa fiction adaptée du livre de Clémentine Autain sur sa mère, dont elle reprend le titre, se double d'une enquête, façon documentaire, aux sources de sa propre vie. Elle l'amène à faire de sidérantes découvertes. Violence, peur, humour, amour, humanité, résilience… La comédienne joue son propre rôle et explore toute la palette des sentiments. L'image que l'on retiendra de ce beau film ? Une larme furtive sur la joue d'un grand-père. Une larme qui dit tout.

Clémentine Autain et Romane Bohringer dans "Dites-lui que je l'aime" réalisé par Romane Bohringer en 2025. (ESCAZAL FILMS)
Clémentine Autain et Romane Bohringer dans "Dites-lui que je l'aime" réalisé par Romane Bohringer en 2025. (ESCAZAL FILMS)

"Marcel et Monsieur Pagnol" : Sylvain Chomet rend un superbe hommage à un pionnier du cinéma parlant

Né en Provence en même temps que le cinéma, Marcel Pagnol reste un pionnier méconnu du 7e art, malgré le succès de ses films auprès du public. Lucien Chomet lui a consacré huit ans de sa vie pour réparer cette injustice avec ce film d'animation initié par Nicolas Pagnol, le petit-fils de l'écrivain. Marcel, c'est Pagnol enfant, le "pitchoun" comme on dit à Marseille ; Monsieur Pagnol, un adulte visionnaire, amoureux du progrès et des inventions, notamment le cinéma parlant qu'il sera l'un des premiers à promouvoir en France. L'enfance, les affres de l'écriture, les débuts au théâtre, les femmes, les premiers films, l'amitié avec l'immense comédien Raimu, la naissance des grands studios et de l'industrie du cinéma, la guerre… Ce film, magnifiquement coloré et richement documenté, marie à merveille le dessin de Sylvain Chomet à de vraies images d'archives. Il nous replonge avec délice dans l'univers de Pagnol, grâce à la voix méconnaissable de Laurent Lafitte, le plus marseillais des Parisiens.

Image du film d'animation "Marcel et Monsieur Pagnol" de Sylvain Chomet (2025). (WHAT THE PROD / MEDIAWAN / KIDS § FAMILY CINEMA / BIDIBUL PRODUCTIONS / WALKING THE DOG)
Image du film d'animation "Marcel et Monsieur Pagnol" de Sylvain Chomet (2025). (WHAT THE PROD / MEDIAWAN / KIDS § FAMILY CINEMA / BIDIBUL PRODUCTIONS / WALKING THE DOG)

"Les Aigles de la République", Tarik Saleh signe un film brillant sur la manipulation politique

Trois ans après avoir été primé pour La Conspiration du Caire, Tarik Saleh boucle sa trilogie cairote avec un film entre comédie et film noir qui raconte l'histoire d'un acteur embarqué malgré lui dans les arcanes du pouvoir égyptien. Avec un scénario très bien ficelé, plein de surprises et de drôlerie (surtout au début, après, on rit moins), ce nouveau film de Tarik Saleh est une plongée dans les arcanes du pouvoir égyptien, détenu par le maréchal al-Sissi depuis son coup d'État en 2013. Le cinéaste traite le sujet sous l'angle de la manipulation, et plus particulièrement de l'assujettissement des artistes à des fins de propagande. Il moque le pouvoir en mettant en scène une batterie d'homme pantins, affublés d'uniformes couverts de médailles, et leurs parades militaires, qui glorifient la force.

Fares Fares et Lyna Khoudri dans le film "Les Aigles de la République" (Eagles of the Republic") de Tarik Saleh, présenté en compétition dans la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 22 octobre 2025. (YIGIT EKEN)
Fares Fares et Lyna Khoudri dans le film "Les Aigles de la République" (Eagles of the Republic") de Tarik Saleh, présenté en compétition dans la 78e édition du Festival de Cannes, sortie le 22 octobre 2025. (YIGIT EKEN)

"Bono: Stories of Surrender", le grandiose documentaire biographique et musical consacré au leader de U2

Bono, le leader du groupe irlandais U2, se raconte avec des mots et en chansons dans un seul-en-scène filmé en noir en blanc par Andrew Dominik dans le documentaire musical. La rock star démontre qu'il est un artiste complet qui, par écran interposé, peut continuer de faire vibrer un public comme pendant ses concerts. L'entrain des festivaliers présents à la projection cannoise le 16 mai l'a prouvé. Le documentaire est à découvrir sur la plateforme de streaming Apple TV à partir du 30 mai, mais l'expérience offerte par le réalisateur néo-zélandais se vit plus intensément dans une salle de cinéma. Bono et Andrew Dominik renouvellent magnifiquement le portrait musical.

Bono dans une scène du documentaire musical et biographique "Bono: Stories of Surrender" réalisé par Andrew Dominik. (APPLE)
Bono dans une scène du documentaire musical et biographique "Bono: Stories of Surrender" réalisé par Andrew Dominik. (APPLE)

"Put Your Hand on Your Soul and Walk" : le sourire perdu de Fatem, la photographe de Gaza

Le sourire de Fatem, la photographe palestinienne Fatima Hassouna, illumine le film de l'Iranienne Sepideh Farsi. Et bien que la réalisatrice ne l'ait pas imaginé ainsi, son documentaire restera le récit terrifiant de l'agonie d'une Gazaouie, à l'image de ce que vivent depuis des mois les habitants de la bande de Gaza. Les deux femmes dialoguent à distance, à travers l'écran de leurs téléphones portables. Fatem raconte ce qui fait son quotidien : la peur, la faim, son désir de résister coûte que coûte dans ce territoire transformé en prison à ciel ouvert. La jeune femme de 24 ans, est morte le 16 avril 2025 après un bombardement israélien auquel seule sa mère a survécu. Sepideh Farsi venait de lui apprendre que leur film avait été sélectionné pour le Festival de Cannes. Peut-être son dernier sourire.

Le visage de Fatma Hassouna dans le film documentaire "Put Your Soul on Your Hand and Walk" (2025). (RÊVES D'EAU PRODUCTIONS)
Le visage de Fatma Hassouna dans le film documentaire "Put Your Soul on Your Hand and Walk" (2025). (RÊVES D'EAU PRODUCTIONS)

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