"Ne pas en parler a été la meilleure publicité" : on vous raconte l'histoire du jeu à succès "Hollow Knight : Silksong" qui sort ce jeudi

Article rédigé par Louis Deroo
France Télévisions
Publié
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Le jeu vidéo Hollow Knight : Silksong, qui sort le jeudi 4 septembre, bénéfice d'une direction artistique soignée. (Crédits : Team Cherry.)
Le jeu vidéo Hollow Knight : Silksong, qui sort le jeudi 4 septembre, bénéfice d'une direction artistique soignée. (Crédits : Team Cherry.)

En 2017, le premier opus était devenu l'un des jeux indépendants les mieux vendus de l'histoire du jeu vidéo.

"J'ai pris deux jours de congé pour jouer à Silksong. Il reste quelques heures avant la sortie et j'ai très très hâte", témoigne Lucie, 34 ans, à franceinfo. Pour de nombreux fans, ce jeudi 4 septembre est coché dans son agenda depuis des semaines. Après sept ans de développement, l'un des jeux vidéo les plus attendus de l'année, Hollow Knight : Silksong, est disponible. Selon les chiffres de la plateforme de ventes de jeu en ligne Steam, près de 5 millions de personnes l'ont inscrit sur leur liste de souhaits, loin devant des gros noms tels que Battlefied 6.

Pourtant, derrière ce phénomène ne se trouve qu'une petite équipe de trois développeurs et artistes australiens, un petit budget de création loin des grosses productions actuelles. Pour un jeu à l'univers sombre en deux dimensions, qui ne ressemble en rien aux jeux les plus populaires contemporains. Tous les commentateurs et spécialistes du jeu vidéo en ligne s'accordent sur le terme : Hollow Knight : Silksong est une "anomalie", dans un secteur où les jeux indépendants, développés à l'écart des grands studios, avec un budget et des équipes réduites, peinent à avoir de la visibilité.

Un succès improbable

Si le jeu est autant attendu, c'est qu'il est la suite directe de Hollow Knight, sorti en 2017 et développé par la même équipe, la "Team Cherry". Il propose d'incarner un chevalier insecte dans une sorte de fourmilière géante, devant pénétrer les tréfonds d'un royaume déchu pour y affronter une entité maléfique et combattre des ennemis. L'œuvre se situe dans le genre devenu rare du "métroidvania", un mot-valise composé à partir des jeux vidéo Metroid et Castlevania, parus entre la fin des années 1980 et les années 1990. Le concept : explorer un monde en deux dimensions, où certains passages sont bloqués au début de l'aventure, et se débloquent au cours de la progression du joueur avec l'ajout de nouvelles compétences.

Le jeu est financé en 2014 sur Kickstarter à hauteur de 57 138 dollars australiens sur un objectif de 35 000, un budget infime par rapport aux millions d'euros que nécessite le développement des jeux vidéo. Avec seulement trois développeurs pour réaliser la totalité du jeu, la tâche paraît colossale, alors que les gros studios comptent sur des centaines d'employés. Pourtant, en l'espace de quelques années après sa sortie, Hollow Knight s'écoule à quinze millions d'exemplaires, selon Bloomberg, ce qui en fait un des jeux indépendants les mieux vendus de l'histoire du jeu vidéo. En France, le jeu vidéo est la 31e œuvre vidéoludique la mieux notée de l'histoire sur le site Senscritique.com.

"Le jeu a gagné au fil du temps une aura et un côté culte, grâce à son style graphique dessiné à la main dans un univers d'insecte", raconte Benoit "Exserv" Reinier, vidéaste et journaliste spécialiste du jeu vidéo. "Hollow Knight propose une narration 'cryptique', c'est-à-dire qu'on ne comprend pas tout au travers des dialogues. Il faut chercher soi-même des indices pour comprendre l'histoire du monde du jeu, ce qui n'est pas commun dans les grosses productions", témoigne Maxime, 24 ans, un aficionado du jeu.

Une suite extrêmement attendue

Après ce succès surprise, de nouveaux niveaux devaient s'ajouter au jeu par le biais d'une mise à jour, promettant des heures de jeux supplémentaires. Jusqu'à ce que la "Team Cherry" annonce en 2019, devant la quantité de travail déployée par la petite équipe, que ce contenu téléchargeable serait un nouveau jeu vidéo à part entière, nommé Silksong.

Mais après l'année 2020, silence radio. Au point que la suite du jeu devienne ce que l'on appelle une arlésienne, une œuvre attendue qui semble ne jamais pouvoir sortir malgré une attente très forte du public. "Ils n'ont pas eu besoin de faire de publicité, car le fait de ne pas en parler a justement été la meilleure publicité pour le jeu, explique Benoit Reinier. C'est même devenu une blague en ligne." Une communauté fidèle s'est ainsi fédérée autour du jeu, en attente de la moindre information sur cette suite, ce qui a augmenté la popularité du jeu.

"Au lieu d'intervenir et d'embêter les gens pour le plaisir, nous avions l'impression que notre véritable responsabilité était simplement de travailler sur le jeu", a déclaré William Pellen, l'un des trois créateurs du jeu à Bloomberg le 21 août. Après sept ans de développement, la date de sortie pour septembre a finalement été annoncée cet été. "Je pense que nous sous-estimons toujours le temps et les efforts nécessaires pour réaliser nos projets", a ajouté Ari Gibson, responsable de la direction artistique. Lors de la Gamescom en août 2025, l'un des plus grands salons de jeu vidéo actuels organisé à Cologne en Allemagne, où Silksong était jouable pour la première fois, l'AFP décrivait des files d'attente longues de plusieurs heures, forçant les organisateurs à réguler l'accès à son stand.

Une "anomalie" dans la production actuelle

Pour sa sortie, le jeu a misé sur un prix anormalement bas au vu de l'énorme attente dont il fait l'objet, pour espérer gonfler ses ventes. "Beaucoup de développeurs indépendants ont critiqué cette décision car ils ont jugé trop bas par rapport aux coûts de développement actuels et pensent que ce sera difficile par la suite de faire accepter aux joueurs des prix plus élevés", nuance Mathieu "Monsieur Plouf" Lanz, vidéaste spécialiste de l'industrie du jeu vidéo.

Toujours est-il que le jeu est promis à un grand succès auprès du grand public pour un jeu moins ambitieux techniquement que la concurrence. Dans un secteur en crise, avec de multiples vagues de licenciements dans les grands studios depuis 2024, ce succès pourrait néanmoins montrer la voie d'un autre système de production et d'économie moins vorace en coûts de production.

"Chaque année, il existe des succès populaires pour des petits jeux indépendants. Mais en parallèle il y a toujours autant de licenciements dans les gros studios, toujours des difficultés à trouver des financements et on n'est pas sortis de cette fameuse crise."

Benoît Reinier, journaliste spécialiste du jeu vidéo

à franceinfo

"Hollow Knight reste une anomalie", conclut Mathieu Lanz. "Mais peut-être peut-on espérer que les studios comprennent enfin que laisser le temps à leurs équipes de travailler, et de leur liberté créatrice pour sortir des produits qui se démarquent, permet d'obtenir des jeux d'excellente qualité et d'avoir du succès."

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