Grammy Awards : on vous présente les popstars Sabrina Carpenter, Charli XCX et Chappell Roan, qui ont décroché des nominations à tour de "brat"

Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Sabrina Carpenter, Chappell Roan et Charli XCX figurent parmi les artistes en tête des nominations pour la 67e édition des Grammy Awards, qui se tiendront le 2 février 2025. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)
Sabrina Carpenter, Chappell Roan et Charli XCX figurent parmi les artistes en tête des nominations pour la 67e édition des Grammy Awards, qui se tiendront le 2 février 2025. (PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)

Les trois artistes, plébiscitées pour leur authenticité et leur capacité à se jouer des stéréotypes, figurent parmi les favorites de la 67e cérémonie des récompenses musicales.

C'est un air estival et entêtant entendu sur les réseaux sociaux, sur les plateaux télé et dans les rayons des supermarchés. Avec son tube Espresso, Sabrina Carpenter s'impose comme l'une des étoiles montantes de la pop. Inconnue du grand public il y a encore un an, l'artiste américaine de 25 ans au look de pin-up est devenue l'une des chanteuses les plus écoutées ces derniers mois, aux côtés d'autres révélations féminines comme la Britannique Charli XCX, dont l'album Brat est devenu un phénomène culturel, et l'extravagante Chappell Roan, propulsée par le succès de son tube Good Luck, Babe !.

Illustration de ce triomphe, les trois nouvelles reines de la pop figurent parmi les favoris de la 67e édition des Grammy Awards, la cérémonie des récompenses de la musique organisée dimanche 2 février à Los Angeles. Sabrina Carpenter, Chappell Roan (six nominations chacune) et Charli XCX (huit nominations) rivaliseront avec trois concurrentes plus établies : Beyoncé (onze nominations), Billie Eilish (sept) et Taylor Swift (six). Seuls deux artistes masculins, les rappeurs Kendrick Lamar et Post Malone, font jeu égal (sept nominations chacun).

La gloire sur le tard

En France, Sabrina Carpenter se produira à guichets fermés à l'Accor Arena de Paris les 16 et 17 mars, tandis que Charli XCX et Chappell Roan seront respectivement les têtes d'affiche des festivals We Love Green en juin et Rock en Seine en août. Une reconnaissance pour ces chanteuses que NBC News et le New York Times qualifient de "pop stars de classe moyenne", dont la "popularité modérée" a longtemps été limitée à un cercle de fans restreint.

Malgré quelques hits commerciaux dans les années 2010 (Break the Rules et Fancy), jamais Charli XCX n'avait jamais rencontré l'engouement populaire et critique généré par son sixième album, Brat ("sale gosse" en français), sorti en juin. Avec ses sonorités hyperpop, la couleur de sa pochette (un vert néon à vous brûler la rétine) et son ode aux fêtes chaotiques, le disque a donné son nom à la tendance "Brat", une philosophie féministe et transgressive, désignée mot de l'année 2024 par le dictionnaire britannique Collins. "La fille 'brat' est une fille qui est un peu bordélique et qui aime bien faire la fête, qui fait des choses un peu débiles parfois, mais qui est aussi très honnête", résume l'artiste de 32 ans sur TikTok.

De la même manière, Sabrina Carpenter n'a vu sa notoriété croître qu'à la sortie de son cinquième album en 2022, et après avoir assuré les premières parties des concerts de Taylor Swift l'année suivante. C'est aussi en jouant sur la tournée d'une autre chanteuse à succès, Olivia Rodrigo, que la carrière de Chappell Roan a récemment décollé.

Paru à l'automne 2023 dans une relative indifférence, son premier album The Rise and Fall of a Midwest Princess, qui emprunte autant à des icônes des années 1980 comme Cyndi Lauper et Kate Bush qu'à l'univers du burlesque et des drag queens, n'est devenu un succès commercial qu'à l'été 2024. Après des années à jouer dans des bars et avoir été lâchée par sa première maison de disques, la chanteuse de 26 ans a provoqué une affluence record au festival américain Lollapalooza en août, relate CNN.

Féminité et sexualité affirmées

La nouvelle vague pop tire en grande partie sa popularité en ligne. Les chorégraphies sur les morceaux de Charli XCX inondent TikTok, tout comme les extraits des performances live de Sabrina Carpenter et Chappell Roan. "Aujourd'hui, la viralité sur les réseaux sociaux et l'omniprésence dans l'univers médiatique sont un baromètre de popularité tout aussi important que les palmarès" des ventes et des écoutes, observe Jada Watson, docteure en musicologie et professeure à l'université d'Ottawa, auprès de Radio Canada. 

En ligne comme sur scène, elles sont aussi promptes à afficher leur fragilité. "Je pense que ma carrière va très vite et c'est difficile de suivre le rythme", avait ainsi confié en larmes Chappell Roan, lors d'un concert en juin, expliquant à ses fans traverser "une période difficile". "Cette génération d'artistes est surprenante par la vulnérabilité dont elle témoigne", analyse la journaliste indépendante Mathilde Carton, spécialise de la pop culture.

"Ce sont des artistes qui ne veulent plus forcément jouer le jeu de l'industrie musicale. Là où Beyoncé a mis du temps à s'affranchir de ces règles et où Taylor Swift reste dans son rôle de star parfaite."

Mathilde Carton, journaliste spécialisée dans la pop culture

à franceinfo

Pour la journaliste, leur attitude résonne particulièrement avec les aspirations et les préoccupations de la génération Z des 15-28 ans. Leur ascension s'inscrit aussi dans le sillage du succès du film Barbie qui a contribué à "légitimer cette culture féminine, très 'girly'". En 2024, les classements mondiaux ont été "dominés par des femmes s'adressant principalement aux femmes, une rareté dans l'histoire de la pop music", analyse de son côté le critique musical américain Spencer Kornhaber auprès du Monde. "Taylor Swift a ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrées Chappell Roan, Charli XCX ou Sabrina Carpenter", estime-t-il.

Toutes les trois se jouent des stéréotypes de la féminité et osent aussi parler librement de leur sexualité. A l'image de Sabrina Carpenter qui, derrière ses tenues de lingerie fine, mise sur l'humour et l'autodérision. A chaque interprétation de son titre Juno, la chanteuse prend une pose suggestive sur scène et interroge son auditoire : "Est-ce que vous avez déjà essayé celle-ci ?" "La féminité est quelque chose que j'ai toujours embrassé. Et si ça signifie corsets, porte-jarretelles, robes duveteuses ou quoi que ce soit d'autre, alors c'est comme ça", tranche-t-elle dans le magazine Time.

Des paradoxes en plein trumpisme

Chappell Roan, ouvertement lesbienne, mélange quant à elle habilement "une power pop queer" avec le folklore de la culture du Midwest américain, souligne Mathilde Carton. Dans son clip Hot To Go !, la star chante son désir pour une autre femme au milieu des "monsters trucks" et des motards de son Missouri natal. "Longtemps dans la pop culture, et particulièrement dans la pop music, on cachait sa sexualité, rappelle la journaliste. Chappell Roan, elle, la revendique." De son côté, Charli XCX, a souvent collaboré avec des artistes LGBT, comme récemment avec Billie Eilish sur leur tube Guess, où les deux chanteuses parlent sans ambiguïté de petites culottes.

"L'authenticité de ces artistes, connues pour être audacieuses et sans complexe, est rafraîchissante à une époque où les droits des femmes et des personnes LGBTQ sont menacés", écrivait en juillet NBC News. Leur écho a d'ailleurs dépassé les frontières de la musique, et s'est invitée jusque dans la sphère politique. Adoubée par Charli XCX d'un "Kamala [Harris] est brat" à l'été sur X, la candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine avait adopté l'esthétique verte de l'album sur ses réseaux sociaux.

De son côté, Chappell Roan s'est retrouvée sous le feu des critiques, accusée de faire le jeu de Donald Trump après avoir refusé de soutenir Kamala Harris dans une interview au Guardian. "Il y a des problèmes des deux côtés. J'encourage les gens à faire preuve d'esprit critique, à voter", appelait-elle en septembre. Face au tollé sur les réseaux sociaux, la chanteuse avait annulé deux concerts et avait finalement assuré qu'elle voterait pour la candidate démocrate, tout en expliquant avoir été déçue par le bilan de Joe Biden sur les questions liées à la défense des personnes LGBT. 

"D'un point de vue culturel, il est paradoxal que le pays de Barbie, Taylor Swift ou Chappell Roan ait élu un président considéré comme fasciste" par plusieurs politologues et historiens, décrypte Mathilde Carton. Les "valeurs de féminisme et de mise en avant des minorités" que portent ces artistes vont "complètement à l'encontre de l'ère dans laquelle les Etats-Unis entrent" avec la présidence de Donald Trump. "Désolée pour notre pays", lâchait sur scène Sabrina Carpenter après le résultat de l'élection.

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