Budget : "Il faut qu'on fasse un pas l'un vers l'autre", estime Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale
Jeudi 18 septembre, Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale, était l'invité des "4 Vérités" sur France 2. Alors qu'un mouvement de grève massif à lieu jeudi, il est revenu sur les thématiques qui ont mené à cette journée de revendication et notamment sur le budget, à propos duquel il a appelé tous les groupes à se rapprocher pour tenter de trouver un compromis.
Gilles Bornstein : Marc Fesneau, si vous étiez salarié, est-ce que vous feriez grève aujourd'hui ?
Marc Fesneau : Je me poserai la question, sans doute, de savoir quelles sont les attentes qui sont les miennes et elles peuvent être légitimes, en termes de pouvoir d'achat, en termes de difficulté à affronter les besoins que j'ai. Mais je me poserais peut-être aussi la question de savoir ce qui est possible et la part de l'effort que nous devons faire tous pour essayer de redresser ce pays. Donc j'essaierais de pondérer l'un et l'autre. Mais c'est vrai que c'est un mouvement de revendication qui porte un certain nombre de choses, de nature différente, parce qu'il y a la question des retraites, il y a la question du pouvoir d'achat, il y a des questions beaucoup plus politiques. Que dans une démocratie, des gens expriment des besoins et des attentes, c'est la base même de la démocratie et je préfère vivre dans ce régime-là que dans tout autre. Deuxième élément : il y a un certain nombre de choses sur lesquelles je pense qu'on a besoin, en responsabilité, de réfléchir à ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Dans une démographie, qui est celle que nous connaissons et qui va s'accroître, qui est une démographie décroissante, de penser qu'on va continuer à financer le système social, à moins qu'on veuille le dégrader, avec des équilibres qui sont de même nature, c'est mentir aux Français. C'est se mentir à soi-même, d'une certaine façon, et ce n'est pas jeter la vindicte sur qui que ce soit. Ce sont les actifs qui paient pour les retraités et leurs retraites. C'est le principe de répartition et de solidarité entre les générations. Quand il y a deux fois moins ou trois fois moins d'actifs, on a un problème. Donc faire semblant de dire qu'il n'y a pas de problème, ce serait une erreur. Troisième réflexion sur la journée de revendication aujourd'hui, je sais que ce n'est pas du tout l'état d'esprit des syndicats et de ceux qui manifesteront avec eux, c'est ceux qui, à l'intérieur, ont essayé d'instiller la violence. Je pense que le ministre de l'Intérieur a raison de rappeler que la démocratie, c'est le respect de la capacité à exprimer des revendications, ce n'est pas le blocage ni le chaos.
On s'attend à une journée de grève très suivie. Est-ce que le Premier ministre doit en tenir compte dans ses propositions budgétaires, par exemple ?
Par nature, la situation politique oblige à tenir compte de ce qu'expriment nos concitoyens. Ce qu'ils ont d'ailleurs exprimé en 2024. Ce qu'ils ont peut-être exprimé avant. C'est-à-dire un besoin qu'il y ait des mesures justes. Et un besoin, s'il y a des efforts à faire, qui soit justement réparti. Donc, évidemment, il en tiendra compte, mais il est aussi nécessaire de tenir compte des besoins que nous avons pour la défense, des besoins que nous avons de réduire la dette et le déficit. Parce que le "demain en rase gratis", c'est le chaos assuré pour demain.
Entre "on rase gratis" et "on rase moins chère", il y a une différence.
Je suis prêt à regarder, et je l'ai déjà dit, et nous sommes prêts à regarder à ce qu'il y ait des compromis, mais pas au prix de tout sacrifier du moyen et du long terme. Parce que ça, ce n'est pas possible.
Le Premier ministre doit-il être moins gourmand sur la réduction du déficit que ne l'a été François Bayrou ? Ce dernier est tombé parce qu'il ne voulait pas changer ses 44 milliards d'économies. Mais est-ce que le Premier ministre doit, et surtout s'il y a 800 000 personnes dans la rue comme on le dit, être moins gourmand et accepter l'idée, quelle que soit la gravité de la situation, que la réduction du déficit doit être plus lente ?
C'est plutôt moins "frugal" que moins "gourmand" et, de l'autre côté, il faut être peut-être un peu moins gourmand sur les attentes. Parce que c'est ça le compromis : ce n'est pas l'ouverture d'une espèce de boîte de pandore.
Là, vous me parlez au nom du PS. Vous, la majorité, est-ce que vous devez accepter de faire un peu moins de réduction du déficit ?
Je vous dis depuis le début qu'il faut qu'on trouve un compromis. Le compromis, ce n’est pas : "Je suis à mon point A" et personne ne bouge du point A. Donc on est prêts à le faire
Yaël Braun-Pivet propose 35 milliards de réduction de déficit.
Très bien, mais si on dit 35, les autres vont dire 30 et on met une espèce de surenchère à la baisse ou à la hausse qui n'est pas crédible. Ce n'est pas seulement une question de moyens. Est-ce qu'on est sur quelque chose qui ne vient pas faire des prélèvements de manière disproportionnée, y compris pour la croissance et pour les entreprises ? Est-ce qu'on réduit avec une trajectoire qui est crédible pour qu'on se retrouve dans une trajectoire qui soit quand même crédible pour 2027, 2028, 202 ? Qu'on ne reporte pas, non pas, au quinquennat qui suit, mais au quinquennat d'encore d'après. C'est ce que proposent les socialistes. C'est-à-dire qu'on en reparle en 2032, c'est-à-dire les calendes grecques. C'est comme ça qu'on va juger, parce que 35 milliards de réduction de la dépense ou 40 milliards, mais à l'intérieur, 10 milliards d'efforts d'impôts complémentaires, vous voyez, ce n'est pas tout à fait le même équilibre. C'est pour ça que je ne veux pas m'arc-bouter sur un chiffre, mais à la question de savoir si je m'arc-boute sur 40 milliards, non, parce que je pense qu'on a besoin de trouver un équilibre. Donc nous sommes prêts à faire la part des efforts, mais il ne faut demander à personne, ni aux socialistes, ni à la gauche, ni à ceux qui sont au gouvernement aujourd'hui, de faire de la reddition. On a besoin, dans l'intérêt du pays, de faire des pas vers les autres. Et la deuxième chose, c'est : est-ce qu'il y a la volonté de le faire ? Nous avons la volonté de le faire, nous l'avons toujours dit.
Les socialistes ont-ils cette volonté ?
C'est à eux que vous posez la question, mais j'espère qu'ils ont la volonté de le faire et qu'on ne fait pas semblant. Je ne fais pas, comme vous le savez, de procès d'intention. Mais je veux pouvoir discuter avec des gens qui sont prêts non pas à poser des conditions du non, mais à poser des conditions du oui.
C'est vrai qu'en voyant Olivier Faure à la sortie de Matignon, mercredi 17 septembre, on les a quand même sentis assez durs.
Oui, mais s'ils posent des conditions du non, ce n'est pas la peine qu'on se parle et qu'on fasse semblant devant les Français. S'ils posent des conditions du oui, ils nous trouveront autour de la table pour le faire parce qu'on en a besoin. Ce n'est pas l'affaire des socialistes, ce n'est pas l'affaire du Mouvement démocrate, c'est l'affaire de savoir si on arrive à gouverner ce pays dans les 18 mois qu'il nous sépare de la présidentielle. C'est quand même ça le sujet.
Rétrospectivement, est-ce que François Bayrou, celui qui était censé être l'homme de la négociation, a-t-il été trop dur ?
Non, parce que je pense qu'il a posé les équations telles qu'elles devaient être posées. Il a fait avancer le pays singulièrement sur la question de la dette et du déficit. S'il était rentré avec l'idée que c'était facile et que la facilité des temps devait continuer, celle qui nous amène aujourd'hui à la situation de déficit excessif dans laquelle nous sommes, je pense qu'il aurait fait défaut à ce qu'est son parcours et notre histoire commune.
Il n'a pas rapproché la France du chaos ?
Non. Ce qui rapproche la France du chaos, c'est l'incapacité d'un bord et l'autre, avec des intentions sous-jacentes, présidentielles ou législatives, d'un certain nombre de forces politiques, de refuser le compromis. Ce qui fait, d'ailleurs, c'est ce que disent les agences de notation, qu'on est dans le chaos, ce n'est pas ce qu'ont dit ou ce qu'ont fait des économistes. Ce qui fait qu'on est dans le chaos, c'est que les forces politiques refusent de se mettre d'accord pour essayer de faire des économies et de trouver un chemin. Il ne faut pas inverser les choses, parce que quand même là, le chaos budgétaire, on y est depuis longtemps. Et depuis la dissolution de 2024, on a un sujet de chaos à l'Assemblée nationale. Mais l'Assemblée nationale, si elle veut se ressaisir, elle a les moyens de produire un budget, pour peu qu'on ne soit pas dans la radicalité d'un côté ou de l'autre. Donc, c'est ça auquel j'appelle.
Donc vous, vous êtes clairement pour faire des concessions pour garantir la stabilité ?
Oui, mais il faut qu'on accepte le mot "concession". Alors évidemment, dans un pays comme le nôtre, qui est blanc ou noir, droite ou gauche, dire "faire des concessions", c'est reculer sur ses valeurs. Non, on est obligé de faire des concessions. On n'est pas d'accord avec les socialistes, on n'est pas d'accord avec d'autres forces, mais si on veut trouver un budget, il faut qu'on fasse un pas l'un vers l'autre. Je préfère ça à "faire des concessions". Concessions, ça donne toujours l'impression c'est : "J'ai fait céder l'interlocuteur". Je n’ai pas envie de faire céder le PS, pas plus que j'ai envie que le PS ou d'autres forces me fassent céder. J'ai envie qu'on se dise qu'on peut se mettre d'accord. Il me semble que là, il y a peut-être quelque chose, un chemin, qu'on peut trouver.
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