Interview Croissance en berne fin 2024 : "Ce n'est pas le début d'une récession", assure une économiste

Article rédigé par Paolo Philippe - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Un supermarché à Montaigu (Vendée), le 17 janvier 2025. (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS / AFP)
Un supermarché à Montaigu (Vendée), le 17 janvier 2025. (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS / AFP)

Si le PIB de la France a progressé de 1,1% sur la totalité de l'année 2024, il a reculé au quatrième trimestre, selon les estimations de l'Insee. Ce qui augure d'une année 2025 morose, selon Anne-Sophie Alsif, professeure d'économie à l'université de la Sorbonne.

Une année en demi-teinte. La croissance économique française a atteint 1,1% sur l'année 2024, selon les estimations publiées jeudi 30 janvier par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), mais le produit intérieur brut (PIB) de la France a reculé de 0,1% au quatrième trimestre. Cette contraction de l'activité en fin d'année, conséquence de la fin de l'effet Jeux olympiques et de la crise politique, constitue un signal négatif et les prémices d'une année 2025 qui s'annonce morose.

Pour décrypter cette situation, franceinfo a interrogé Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste pour le cabinet de conseil BDO France et professeure d'économie à l'université de la Sorbonne, à Paris.

Franceinfo : comme en 2023, la croissance a atteint 1,1% du PIB en 2024. Comment faut-il analyser ce résultat ?

Anne-Sophie Alsif : Cela reste faible, car un chiffre autour de 1% constitue une croissance très ralentie. Elle a été portée par la consommation des ménages, qui ont bénéficié du ralentissement de l'inflation en 2024 [à 2%, contre 4,9% en 2023], même si cette consommation reste inférieure à 2019. On a aussi observé une reprise du commerce extérieur. En revanche, l'investissement des entreprises est négatif. Cette croissance a été portée par les Jeux olympiques, qui ont boosté l'économie au troisième trimestre grâce aux réservations d'hôtels, à la restauration et à la billetterie.

La croissance a été négative au quatrième trimestre. Faut-il s'en inquiéter et y voir le début d'une récession ?

Le contexte politique en France, avec cette crise depuis juin et la motion de censure en décembre, ont provoqué un mouvement d'attentisme. Il est à l'origine de cette décélération au quatrième trimestre, mais ce n'est pas le début d'une récession, les prévisions économiques ne tendent pas vers cette situation. Les ménages comme les entreprises sont attentistes en raison de la crise politique et de cette absence de budget. Ils ne savent pas quel impact aura le projet de loi de finances sur leur vie, ce qui va augmenter ou non, donc ils consomment moins.

La situation en Europe n'est pas forcément meilleure...

Il y a un ralentissement de la croissance de la zone euro [+0,7% du PIB en 2024], notamment en raison du couple franco-allemand en difficulté. Comme la France, l'Allemagne [en récession pour la deuxième année d'affilée] connaît une crise politique alors qu'elle fait face à une crise de son modèle, notamment industriel, et perd en compétitivité. En revanche, les pays du sud de l'Europe se portent mieux. L'Italie est dans une situation moins critique que la France et l'Espagne traverse une situation économique remarquable : sa croissance a atteint plus de 3%, elle est en train de ramener son déficit sous les 3% et son taux de chômage baisse.

A quoi faut-il s'attendre en 2025 ? Le gouvernement a révisé à la baisse sa prévision de croissance, de 1,1% à 0,9%.

L'année 2025 devait être synonyme de reprise, mais il y a eu cette crise politique. L'investissement des entreprises devrait rester négatif et on s'attend à une hausse du taux de chômage. Il va y avoir des emplois détruits, notamment dans l'industrie, mais le risque de récession est peu probable. L'élection de Donald Trump pourrait aussi avoir des impacts sur l'économie européenne. Les droits de douanes qu'il veut mettre en place pourraient entraîner une baisse de 0,1 point du PIB de la France. La bonne nouvelle vient de l'inflation, qui devrait encore ralentir.

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