"Une eau pure" malgré "des déviations sporadiques" : la fragile défense de Nestlé dans le scandale des eaux en bouteille
La directrice générale de Nestlé Waters, dans la tourmente après de nouvelles révélations de presse de la cellule investigation de Radio France sur le lobbying du groupe auprès de l'État pour continuer à filtrer illégalement ses eaux minérales, défend la qualité de ses eaux minérales.
Nestlé Waters, dans la tourmente après les révélations de la cellule investigation de Radio France et Le Monde, début février, sur le lobbying du groupe auprès de l'État pour continuer à filtrer illégalement ses eaux minérales, se défend auprès de l'AFP, dans un exercice de communication de crise difficile. "Toutes nos eaux aujourd'hui sont pures à la source", assure ainsi Muriel Liénau, la directrice générale de Nestlé Waters, tout en admettant la présence dans ces sources "de déviations sporadiques", notamment dans le Gard "après de fortes pluies", ajoutant que "les contrôles permettent de stopper un forage si besoin".
Le groupe Nestlé affirme également que "la sécurité alimentaire des produits n’a jamais été en jeu", dénonçant "des informations "anxiogènes" pour les consommateurs et les 1500 salariés de Nestlé Waters en France. Des affirmations apparemment en contradiction avec de nombreux rapports administratifs. Et notamment un rapport très récent de l'ARS Occitanie, dont les conclusions préliminaires avaient été dévoilées par Radio France en décembre, selon lequel la production d'eau minérale naturelle sur le site de Perrier pourrait être remise en question, en raison de la présence dans l'usine de "traitements ayant un effet désinfectant avéré visant à pallier une qualité d'eau brute insuffisante", avec des "contaminations bactériennes ponctuelles inacceptables" pour une eau minérale naturelle.
"Niveau de confiance insuffisant"
Un autre rapport, cette fois de l'agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), remis au gouvernement en octobre 2023 et dévoilé par franceinfo et Le Monde, faisait état lui aussi d'une qualité dégradée, et d'un "niveau de confiance insuffisant" pour assurer "la qualité sanitaire des produits finis". Au même moment, en avril, Perrier avait d'ailleurs dû cesser d'exploiter un forage et détruire "par précaution" trois millions de bouteilles, après la découverte de bactéries "d'origine fécale".
Auprès de l'AFP, la directrice du groupe Nestlé Waters ne dément d'ailleurs pas que ses procédés de microfiltrations sont utilisés dans le but de décontaminer l'eau, afin de "gérer la création de biofilms" (bactéries agglomérées) "entre la source et l’usine d’embouteillage" : "C'est comme ça qu'on garantit la sécurité alimentaire", assure Muriel Liénau.
Selon une directive européenne, "tout traitement de désinfection par quelque moyen que ce soit" est interdit pour une eau minérale naturelle, qui se définit "par sa pureté originelle". Le groupe Nestlé Waters demande une évolution de cette réglementation : "La microfiltration est largement utilisée dans toute l'industrie", estime Muriel Liénau, selon laquelle il serait stratégique pour le secteur de "pouvoir clarifier" cette réglementation avec une "réflexion technique". Dans un rapport d’audit rendu public l’été dernier, la commission européenne, qui avait épinglé les "lacunes" des contrôles effectués par la France, avait exclu toute évolution de la réglementation.
Nestlé "n'a jamais fait pression"
Comme Radio France et Le Monde l'avaient révélé dès janvier dernier, les gouvernements successifs ont laissé la tromperie mise en œuvre par Nestlé perdurer jusqu'à ce jour. "Nous n'avons jamais fait pression sur aucun décideur public", assure auprès de l'AFP Muriel Liénau. De nombreux e-mails et documents attestent pourtant de nombreux échanges de mails et rencontres au plus haut sommet de l'État, entre le cabinet de lobbying Brunswick Group, des responsables de Nestlé, notamment Muriel Liénau, et les cabinets de nombreux responsables politiques : de Bruno Le Maire (ministère de l'Économie) en passant par François Braun (Santé), Elisabeth Borne (Matignon) ou encore Roland Lescure (Industrie). Un mail évoque également une rencontre entre des représentants de la multinationale et Alexis Kohler, secrétaire général de l'Élysée.
Au cours de ces entretiens, la société Nestlé Waters demandait à pouvoir conserver les traitements de microfiltration, toujours utilisés début 2025 dans ses usines en raison de contaminations bactériennes confessées par Nestlé Waters dans son communiqué.
Le 20 janvier 2023, dans une note adressée directement à la ministre déléguée à la santé Agnès Firmin Le Bodo, le directeur général de la santé (DGS) Jérôme Salomon avait jugé la demande de Nestlé "inacceptable ". Il recommandait de "suspendre immédiatement l'autorisation d'exploitation et de conditionnement de l'eau pour les sites Nestlé des Vosges" (Hépar, Contrex, Vittel) et d'étendre cette interdiction "au site d'embouteillage de Perrier" dans le Gard.
Jérôme Salomon s'appuyait notamment sur un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), transmis le 13 janvier 2023, dans lequel le patron de l'agence concluait à propos de ces filtres qu'ils étaient "assimilables à une désinfection", et qu'il n'existait "aucun élément de preuve" permettant d'affirmer, comme le fait de nouveau Nestlé aujourd'hui, qu'une "filtration avec des seuils de coupure inférieurs à 0,8 micron permet d'assurer la sécurité sanitaire de l'eau embouteillée". Le directeur général de la Santé insistait sur le fait que "la position des autorités n'a pas à être remise en cause". Cette note avait été reprise à son compte par le ministère de la santé qui avait fait remonter les préconisations de Jérôme Salomon au cabinet de la première ministre Elisabeth Borne.
Un rapport de l'IGAS, rendu en toute confidentialité au gouvernement en juillet 2023, et que les ministres avaient décidé de ne pas rendre public, comme le prouve un mail de Jérôme Salomon, avait lui aussi conclu que ces filtres pourraient constituer une "fausse sécurisation", et "exposer les consommateurs à un risque sanitaire en lien avec l’ingestion de virus".
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