: Vidéo "Quand la Chine est arrivée, ça a été une déferlante" : un documentaire décrypte les multiples causes de la désindustrialisation de la France
/2021/12/14/61b8bc6e2ed72_isabelle-live.png)
Le documentaire "Qui a tué l'industrie française ?", diffusé dimanche à 21h05 sur France 5, tente d'identifier les responsables d'un mouvement initié il y a un demi-siècle.
Comment la France a-t-elle pu devenir "un pays qui ne sait plus fabriquer ce qu'il consomme" ? Cette question résonne depuis de nombreuses années, notamment depuis la pandémie de Covid-19, qui a révélé la perte de souveraineté française dans le secteur de la santé. A l'époque, l'Hexagone manque de masques chirurgicaux et redoute les pénuries de médicaments. L'industrie pharmaceutique n'est pourtant pas la seule touchée, loin de là. Sidérurgie, automobile, chimie, textile... Nombre de secteurs industriels ont vu leurs usines fermer progressivement, ces cinquante dernières années, au gré des délocalisations dans des pays émergents.
Un documentaire intitulé Qui a tué l'industrie française ?, réalisé par Ella Cerfontaine et diffusé dimanche 25 mai à 21h05 sur France 5, tente d'identifier les responsables de la désindustrialisation du territoire. D'Arnaud Montebourg, ministre de l'Economie entre 2012 et 2014, à des ouvriers de l'usine Renault, en passant par Pascal Lamy, ancien patron de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), cette enquête en forme d'inventaire donne la parole à des acteurs et témoins, qui ont orchestré ou subi l'essoufflement du secteur industriel tricolore.
Le tournant du choc pétrolier
Le documentaire relate à quel point le choc pétrolier de 1973 a marqué la fin d'une époque prospère pour la France durant laquelle l'industrie a régné en maître. Mais il souligne combien les choix politiques des gouvernements qui se sont succédé, de gauche comme de droite, les stratégies patronales, la course à la rentabilité, la mutation de l'économie vers les services et le secteur tertiaire, la mondialisation et l'arrivée de la Chine sur le marché mondial sont autant de raisons qui ont causé la désindustrialisation de la France et transformé en profondeur son économie comme sa société.
Le film décrit comment cette vague néolibérale déferle sur le monde dans les années 1980. Partie du Royaume-Uni, où Margaret Thatcher est élue en 1979, elle atteint les Etats-Unis de Ronald Reagan, et même la France du socialiste François Mitterrand. En quelques années, la doctrine du libre marché s'impose comme idéologie dominante, explique dans le documentaire l'économiste et députée européenne Aurore Lalucq. Les Etats réduisent leurs dépenses, privatisent les entreprises publiques et dérégulent de larges pans de l'économie nationale, confirme l'ancien dirigeant de Veolia et EDF Henri Proglio, associé au cabinet américain d'audit et de conseil Arthur Andersen entre 1973 et 2004, qui livre son expertise.
"L'usine du monde" à la conquête des marchés
La France est l'un des pays occidentaux les plus touchés. Selon l'Insee, la part de l'industrie manufacturière dans le produit intérieur brut est tombée de 17% à 11% entre 1995 et 2017 en France. Cette ère post-industrielle s'installe au fil des années. Mais c'est surtout l'entrée, en 2001, de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui accélère la tendance, décrit le documentaire. L'ouverture de l'immense marché intérieur chinois enthousiasme les Occidentaux qui espèrent exporter massivement leurs produits, mais la désillusion s'installe rapidement.
"La Chine est devenue très vite un énorme producteur. Beaucoup plus vite d'ailleurs que personne ne l'avait jamais pensé", reconnaît Pascal Lamy, ancien directeur de l'OMC. Difficile alors d'imaginer, pour les Européens, que la croissance économique chinoise allait être si fulgurante, décrivent les protagonistes du documentaire. La Chine devient rapidement "l'usine du monde" et exporte à tout-va. Sa main-d'œuvre à bas coût et ses prix cassés par rapport à la concurrence occidentale la rendent redoutablement compétitive. L'industrie française est percutée de plein fouet.
"Un abandon politique"
Les usines ferment, entraînant une terrible casse sociale. Entre 1995 et 2017, la France perd 900 000 emplois manufacturiers, soit une baisse de 27%, selon l'Insee. L'Hexagone est bien plus touché que ses voisins. Le déclin est de 13% dans l'Union européenne et de 6% en Allemagne. "Toute une série d'entreprises ou de filières industrielles françaises vont se retrouver en concurrence accrue avec des pays à bas coût de main-d'œuvre ou de production, donc on va accentuer la désindustrialisation", résume Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d'entreprise à l'Institut français d'opinion publique (Ifop).
Arnaud Montebourg, l'ancien ministre de l'Economie et du Redressement productif, entre 2012 et 2014, sous la présidence de François Hollande, se souvient de l'ampleur des dégâts : "Quand la Chine est arrivée, ça a été une déferlante. On a perdu le textile, la maroquinerie, les biens d'équipement, les machines-outils, on a tout perdu (...) Cet abandon-là, est un abandon politique." La priorité est donnée à l'époque à la consommation au détriment de la production, comme en atteste Pascal Lamy. "Cette division internationale du travail qui procède de l'ouverture des échanges, est très efficace pour le consommateur et elle est très pénible pour une partie des travailleurs", concède-t-il.
La Chine ne se contente pas de fabriquer des produits conçus par des entreprises occidentales, elle se met également à concevoir des produits dans des secteurs de pointe, comme l'automobile, pour un coût bien moins élevé qu'en Europe et rafle de nombreux marchés, observe David Cousquer, spécialiste des données économiques sur l'emploi et l'investissement en France, créateur de Trendeo. "Les Chinois ont rattrapé à toute vitesse [les Occidentaux] et ont excellé sur les nouveaux secteurs, constate Geoffroy Roux de Bézeux, président du Medef de 2018 à 2023. Tout ce qui est électronique n'est, aujourd'hui, pratiquement plus fabriqué en Europe et 100% fabriqué en Asie."
Les délocalisations, les fermetures d'usines et les licenciements se multiplient. Entre 1980 et 2007, l'industrie française passe de 5,3 millions à 3,4 millions d'emplois, soit une baisse de 36%, selon la direction générale du Trésor. La part de l'industrie dans l'emploi total recule de 24% à 13%.
"Ça génère de la frustration, de la souffrance"
Ces pertes d'emplois successives affectent profondément un monde ouvrier en perte de repères, relève Fabien Gache, ancien ouvrier de chez Renault. "Ça génère de la frustration, de la souffrance... Les gens vont vous dire : 'Mais, j'ai perdu mon boulot parce que ce sont les Roumains qui nous ont piqué le boulot, ce sont les Turcs, ce sont les Marocains.' (... ) Et ça, c'est quand même le terreau du vote pour l'extrême droite, de détourner les gens des causes qui génèrent leurs problèmes", confie-t-il dans le documentaire.
Ces dernières années, les crises internationales successives ont fait prendre conscience aux dirigeants que la France devait renouer avec son indépendance industrielle. L'actuel locataire de l'Elysée, Emmanuel Macron, a fait de son plan de réindustrialisation un des axes de sa politique.
Le documentaire "Qui a tué l'industrie française ?" réalisé par Ella Cerfontaine est diffusé dimanche 25 mai à 21h05 sur France 5 et est visible sur la plateforme france.tv.
À regarder
-
Rihanna, reine des streams sans rien faire
-
Que changera la suspension de la réforme des retraites si elle est votée ?
-
Salaire : êtes-vous prêts à jouer la transparence ?
-
Ici, des collégiens dorment à la rue
-
Nouvelle éruption d'un volcan dans l'est de l'Indonésie
-
Cœur artificiel : l'angoisse des greffés Carmat
-
Pourquoi le vote du budget peut te concerner
-
Le nouveau ministre du Travail rouvre les débats sur les retraites
-
Laurent Nuñez, nouveau ministère de l'Intérieur, se confie sur les attentats de 2015
-
Adèle Exarchopoulos : "Quand le monde se résigne à banaliser la violence... Ce qui reste, c'est le collectif"
-
Un mois après sa mort, le message de Charlie Kirk résonne encore
-
Le rappeur SCH déclare sa flamme à Marcel Pagnol dans un film d'animation consacré au célèbre cinéaste
-
Plan de paix pour Gaza : quatre nouveaux corps d'otages ont été remis à Israël
-
SFR bientôt racheté par ses concurrents ?
-
Musée Chirac : braqué puis cambriolé en 48 heures
-
Otages israéliens : révélations sur leur détention
-
Réforme des retraites : suspendue pour 3,5 millions de Français
-
Gouvernement de Sébastien Lecornu : censure ou pas censure ?
-
Coup d'envoi de la vaccination contre la grippe
-
Skai Isyourgod, le phénomène du rap chinois
-
Délit de fuite : la vie brisée de Marion
-
Disparition des coraux : une menace pour l'humanité
-
Bac de maths en 1ère, une bonne nouvelle ?
-
Une minute de silence en hommage à ces profs tués
-
IA : des paysages touristiques trop beaux pour être vrais ?
-
Sébastien Lecornu annonce la suspension de la réforme des retraites jusqu'à l'élection présidentielle
-
Pourquoi ton lycée pro est en grève aujourd’hui
-
La joie des Palestiniens libérés des prisons israéliennes
-
Le prix Nobel d'économie est pour la suspension de la réforme des retraites
-
François-Xavier Bellamy défend la posture de Bruno Retailleau qui chute dans les sondages
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter