Reportage "Valoriser le produit pour pêcher moins et gagner autant" : sur le Bassin d'Arcachon, les petits bateaux de pêche ne restent pas à quai

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Article rédigé par Olivier Chauve
Radio France

Du Finistère à la frontière espagnole, environ 300 bateaux resteront à quai jusqu'au 20 février pour protéger les cétacés des captures accidentelles. Les plus petits navires, comme ceux qui utilisent les techniques de pêche les plus sélectives, peuvent cependant poursuivre leur activité.

Pas de vacances forcées pour Paul Fournier Laroque, marin-pêcheur indépendant installé à Lège-Cap-Ferret, sur le bassin d'Arcachon, en cette fin janvier. Le "Nelayan", son petit bateau de 6,90 mètres, n'est pas concerné par l'interdiction faite aux bateaux de plus 8 mètres de sortir pêcher pendant un mois. Cette mesure a été prise pour protéger les dauphins dans la zone en limitant les captures accidentelles, immobilisant ainsi la trentaine de grands chalutiers et fileyeurs, bloqués en face du bassin, dans le port d'Arcachon.

Même à l'intérieur du bassin, les dauphins peuvent s'y aventurer, principalement l'été. Pas de risque pour autant pour Paul d'effectuer une prise accidentelle. Il utilise des filets dits encerclants, une technique avec laquelle "il n'y a jamais eu de prises de dauphins", précise-t-il. Les trois filets de 400 mètres de long chacun sont rangés sur le pont. À l'aide de son sondeur, Paul repère ce qui pourrait être du poisson pour décider de l'endroit où il va jeter ses filets. Il reviendra relever son premier filet après avoir lancé à l'eau le dernier.

"On a des poissons très calibrés avec cette technique", explique le pêcheur. Il faut imaginer un filet de tennis dans lequel viennent se coincer les poissons en nageant : les plus petits passent entre les mailles, les plus gros butent dedans et s'en défont facilement. "Et s'il y a des individus qu'on ne veut pas, on les remet directement à l'eau, le poisson est resté coincé moins d'une heure". Ils ne sont pas non plus écrasés au fond comme avec un chalut ou une senne.

Resté peu de temps dans des filets très sélectifs, l'ensemble des poissons pourront être commercialisés. (OLIVIER CHAUVE / RADIO FRANCE)
Resté peu de temps dans des filets très sélectifs, l'ensemble des poissons pourront être commercialisés. (OLIVIER CHAUVE / RADIO FRANCE)

Les trois filets remontés, il est temps de faire le bilan. "Beaucoup de daurades grises, des daurades marbrées, quelques daurades royales et quelques mules", détaille Paul. Suffisant pour rentabiliser la sortie en mer ? "Pour les petits bateaux comme nous, c'est compliqué de travailler qu'avec des criées. Il n'y a pas longtemps, les daurades sont parties à un euro le kilo, assure-t-il, assez rageant vu la qualité du produit extra-frais qu'on leur propose". Alors, pour varier ses débouchés, Paul se tourne vers Poiscaille, une entreprise qui centralise et commercialise le poisson dans toute la France sous forme de paniers.

"L'avantage, c'est qu'eux fixent les prix à l'avance, donc quand on part en mer, on sait à peu près combien on va gagner : là les daurades grises ça va se vendre à 8 euros le kilo, les daurades marbrées, c'est 12,5 euros/kilo, les mules entre 6 et 7, et les daurades royales c'est 16 euros". Résultat : après un an et demi à son compte, le pêcheur se verse entre 1 500 et 2 000 euros par mois.

Retour au port d'Arcachon pour vider les filets, trier, vider et laver le poisson. S'il n'est pas convaincu pas l'impact direct de cette interdiction de pêche sur les captures accidentelles de cétacés, Paul reconnaît que cela "tombe en plein pendant la reproduction du bar et de la sole, ça fait un petit peu de repos pour le poisson". Pour autant, cet arrêt des plus gros navires ne devrait pas lui bénéficier directement. "L'année dernière, on pensait que ça allait avoir un impact sur le prix du poisson, mais les mareyeurs et les poissonniers ont mis leurs employés au chômage technique, ils n'ont pas fait d'efforts et préfèrent garder leur circuit classique. Ça ne donne pas envie de travailler avec eux", déplore-t-il.

De retour au port, Paul Fournier Laroque trie le poisson par espèces, et détaille à Poiscaille sa pêche du jour qui sera expédiée quelques heures plus tard. (OLIVIER CHAUVE / RADIO FRANCE)
De retour au port, Paul Fournier Laroque trie le poisson par espèces, et détaille à Poiscaille sa pêche du jour qui sera expédiée quelques heures plus tard. (OLIVIER CHAUVE / RADIO FRANCE)

À l'inverse, pour Paul, la solution, c'est de "valoriser le produit", et que de plus en plus de pêcheurs utilisent des circuits plus courts et plus équitables comme Poiscaille, et ne pas être trop "gourmand" : "Cela leur permettrait de pêcher moins et de gagner autant". Face à cette période d'interdiction de pêche pour certains, le pêcheur comprend que beaucoup de ses collègues "ne soient pas contents, mais au final ça leur fait de la ressource pour toute l'année", notamment l'été où le poisson se vend plus cher.

Car les volumes de pêche débarqués sur les côtes européennes ne cessent de baisser. De 7 millions de tonnes au début des années 1990, on est passé 30 ans plus tard à un peu plus de 4 millions. À la criée d'Arcachon, c'était 1 300 tonnes en 2019 : une production bien valorisée, puisque le prix moyen au kilo y est le deuxième plus élevé parmi les criées françaises. Un résultat qui s'explique en partie par les espèces pêchées localement, comme la sole, qui se vendent à des tarifs relativement élevés. 

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