: Témoignages "Un coup de pouce pour trouver des pépites" : comment TikTok et Instagram influencent l'organisation des voyages
Les réseaux sociaux, notamment chez les jeunes, sont devenus indispensables pour programmer des vacances. Mais les destinations choisies souffrent parfois du surtourisme engendré par l'aspect viral de TikTok et Instagram.
Les dernières vacances d'Eglantine ont commencé sur TikTok. La jeune femme de 25 ans est tombée sur "une vidéo de danse traditionnelle géorgienne" et l'a envoyée à des amies. Les discussions et la puissance de l'algorithme du réseau social chinois, qui l'a inondée de contenus sur la Géorgie, ont fait le reste. "On a regardé plein de vidéos et on s'est dit que ça avait l'air beau et pas si touristique, alors on y est allées", explique cette employée dans une agence de voyages, dont la connaissance du pays du Caucase se limitait jusqu'ici à une expérience dans un restaurant géorgien et des vagues souvenirs de cours d'histoire.
L'arrivée dans la capitale Tbilissi, le choix du parcours, les restaurants, les activités : tout le voyage d'Eglantine et sa bande a été minutieusement préparé sur le réseau social. "TikTok, c'est un peu mon Google. Je le prends comme un moteur de recherche. Je tape des mots-clés et je regarde les résultats les plus pertinents. Cela me permet de repérer des lieux, des itinéraires", détaille la touriste originaire du Val-de-Marne.
La génération Z particulièrement ciblée
Dans un monde de plus en plus numérique, le tourisme n'échappe pas à l'influence toujours plus grande des réseaux sociaux, avec ses codes, son instantanéité et sa popularité. Les contenus touristiques ont ainsi progressé de 410% entre 2021 et 2025 sur TikTok, alors que plus de deux millions de posts liés au tourisme ont été recensés l'an dernier sur Instagram, selon Le Monde. "Les différentes études sur le sujet ont montré que les réseaux sociaux avaient un impact dans le choix des destinations, et en particulier auprès de la fameuse génération Z [ceux qui sont nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010]", explique Bertrand Réau, professeur de sociologie au Cnam et spécialiste du tourisme.
Pour les touristes interrogés par franceinfo, TikTok et Instagram ont carrément remplacé les guides de voyage traditionnels comme le Routard, en perte de vitesse ces dernières années. Selon Philippe Orain, directeur éditorial des Guides Michelin Voyage & Cultures cité par Le Monde, la vente des guides a baissé de 6% entre 2023 et 2024. "J'ai 25 ans et je fais partie des gens nés avec internet. J'ai l'habitude de tout chercher sur mon téléphone, et je n'ai pas l'impression d'avoir besoin d'un guide papier", témoigne Eglantine, qui évoque aussi l'argument du prix et la praticité dans son utilisation des réseaux sociaux. "Trois astuces pour voyager à petit prix", "Cinq choses à faire en Colombie", "Les meilleurs restaurants de Séville"… Quelques minutes suffisent sur TikTok, où les vidéos sont plus courtes et plus dynamiques que sur Instagram.
"Des pays comme le Kazakhstan ou l'Ouzbékistan, je savais à peine que ça existait il y a quelques années. Les réseaux sociaux permettent de visibiliser certains endroits, et même d'offrir un regard différent des médias traditionnels", juge aussi Eglantine, consciente malgré tout que "tout n'est pas vrai" sur TikTok.
"On peut y trouver tout et n'importe, notamment des bêtises sur des voyages qui tournent mal ou des attrape-touristes", rigole Julien, 30 ans. Ce cadre chez EDF voyage régulièrement, entre petits week-ends et grandes vacances, et ses voyages commencent toujours par des recherches minutieuses sur son téléphone. "Dès que je vois un endroit qui m'intéresse, je l'épingle sur ma carte Google Maps où l'on peut enregistrer des lieux, des restaurants, des plages. J'utilise Instagram pour faire le gros du travail, car les utilisateurs que je suis ont mon âge et font le même type de voyages que moi, et ensuite, je peaufine avec TikTok : à force de regarder des vidéos, l'algorithme sait où je vais."
Un surtourisme façonné par les réseaux sociaux
Le trentenaire, qui utilise aussi certains guides et les blogs pour approfondir ses recherches et y trouver "des explications sur les lieux", utilise les réseaux dans toutes les étapes qui précèdent son voyage. "Quand je commence à chercher des billets d'avion, mon algorithme me propose encore plus de contenus", constate celui qui prépare un voyage de quelques mois en Asie du Sud-Est.
Mais les réseaux sociaux ne sont pas seulement des outils qu'on utilise avant un voyage. Ils sont aussi un moyen de trouver un concert, un restaurant ou des conseils de dernière minute, une fois sur place, comme le confie Simon. "C'est mon coup de pouce pour trouver des pépites. Le matin en vacances, j'utilise TikTok pour m'occuper ou si je sèche sur un lieu : lorsque j'étais à Montréal, j'ai tapé 'art contemporain + Montréal' et j'ai trouvé une expo pour la journée", détaille l'étudiant de 20 ans, dont les choix sont, comme tous, influencés par les nombreux créateurs de contenus spécialisés dans les voyages et le tourisme.
Les plus populaires comme Fitclaire, Noholita ou Bruno Maltor sont suivis par un million de followers ou presque, selon les plateformes. On les voit se filmer, de la Namibie à la Malaisie, en passant par la Crète, mais aussi la France. Ils y montrent leurs bons plans, leurs restaurants préférés ou les activités qui les ont emballés, en n'oubliant jamais de mentionner les nombreux partenaires et marques qui les soutiennent et des fois les invitent. Une étude de Greenpeace, qui portait sur une année de contenus, avait ainsi pointé que près d'un contenu sur deux (46%) publié par les 20 influenceurs "voyage" les plus suivis en France était sponsorisé. Les influenceurs avaient aussi été épinglés pour la surreprésentation des voyages en avion dans leurs contenus, alors que l'aviation représente 2 à 6% des émissions mondiales de CO2 responsables du changement climatique.
Même si certains influenceurs promeuvent un autre tourisme – voyages en train ou à vélo, tourisme de proximité – le poids des réseaux sociaux n'est pas sans conséquence sur les destinations à la mode, les populations et les écosystèmes. L'île indonésienne de Bali est devenue un haut lieu du surtourisme, où des badauds patientent parfois longtemps pour une photo devant un miroir ou une plage, tout comme Santorin en Grèce ou les calanques de Marseille en France. "Les réseaux sociaux produisent une homogénéisation des parcours, qu'on avait déjà constatée avec les guides et les tour-opérateurs, et une nouvelle forme de standardisation avec ses effets de mode, sa quête de validation sociale et les afflux massifs que peuvent engendrer les images idéalisées des lieux", note le chercheur Bertrand Réau.
Et maintenant ChatGPT
Eglantine se refuse ainsi à voyager dans "des endroits qui sont davantage des musées que des lieux de vie", alors que Julien fait tout pour éviter les lieux bondés lors de ses voyages. Avec plus ou moins de réussite. "Lorsqu'on parle du surtourisme, je pense à une anecdote : en avril, je me suis rendu sur une plage très connue des réseaux sociaux à Chypre. Il y avait un point de vue et beaucoup de monde, j'ai eu l'impression d'être berné", explique le trentenaire, qui a trouvé quelques jours plus tard une autre plage superbe grâce… à un guide touristique.
"Maintenant, je me dis que les endroits sous-exposés sont peut-être mieux."
Julien, cadre chez EDFà franceinfo
Au lieu de Bali, Julien ira donc à Lombok, une île voisine, lors de son futur road trip en Asie du Sud-Est. En plus de TikTok, le cadre chez EDF se sert de ChatGPT pour tout planifier. L'intelligence artificielle générative lui sert à organiser ses trajets entre les îles d'Indonésie. "C'est bien pour les grandes lignes, mais quand on creuse et qu'on veut des précisions, ChatGPT est à côté de la plaque. Il nous a proposé une liaison aérienne qui n'existe plus et il s'est aussi trompé sur des volcans", sourit Julien.
Simon, dont la mère utilise parfois l'intelligence artificielle pour simplifier ses vacances, y résiste encore, "même si la simplicité [l'a] happé". "Maintenant, on peut réserver des vacances en quatre heures, sans passer un coup de fil, c'est pratique et confortable", constate ce dernier, qui aimerait se fixer un défi : se passer des réseaux sociaux pour ses prochaines vacances.
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