"C'est comme jeter un caillou dans une mare" : comment un tremblement de terre au large de la Russie peut-il provoquer un tsunami dans tout l'océan Pacifique ?
La géologue Anne Replumaz explique à franceinfo les causes du séisme survenu au large du Kamtchatka, qui a déclenché des alertes au tsunami jusqu'en Amérique du Sud.
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Un effet papillon. Alors qu'un séisme d'une magnitude de 8,8 est survenu au large de la péninsule russe du Kamtchatka, mercredi 30 juillet, de nombreux pays de l'océan Pacifique sont passés en alerte tsunami. Des vagues de plusieurs mètres sont redoutées dans des régions pourtant éloignées du foyer de départ du tremblement de terre, telles que les côtes du Japon, de la Polynésie française ou du Pérou.
Pour comprendre le phénomène, franceinfo s'est entretenu avec Anne Replumaz, géologue à l'institut des sciences de la Terre de Grenoble, spécialiste des séismes.
Franceinfo : Pourquoi le séisme a-t-il eu lieu dans cette région de Russie ?
Anne Replumaz : La région du Kamtchatka est connue pour être propice à ce genre de séisme. Tous les pays autour de l'océan Pacifique sont, en effet, situés sur une zone dite de subduction. Dans ce secteur, la plaque océanique du Pacifique s'enfonce sous la plaque continentale de la Russie, des Philippines ou du Japon. C'est d'ailleurs cette même plaque qui est à l'origine du séisme de 2011 et de la catastrophe de Fukushima.
La plaque océanique accumule de l'énergie au fil des ans et coulisse d'un seul coup, en quelques secondes, sous le continent. Comme la croûte océanique est plus lourde, elle plonge sous la plaque terrestre et libère de l'énergie, ce qui crée un tremblement de terre.
Si le séisme sur cette zone était prévisible, pourquoi était-il impossible de savoir précisément quand il allait avoir lieu ?
Aujourd'hui, on étudie le cycle sismique, c'est-à-dire qu'on va mesurer la vitesse à laquelle s'accumule l'énergie sur la plaque océanique, à l'interface avec la plaque terrestre. Mais on ne sait pas quand la subduction va s'opérer.
Généralement, un séisme de ce genre se produit tous les cent ans, mais le phénomène peut arriver plus tôt, comme vingt ou cinquante ans après le dernier tremblement de terre.
"Plus il y a de temps entre deux séismes, plus la magnitude est forte, et inversement."
Anne Replumaz, géologue à l'institut des sciences de la Terre de Grenobleà franceinfo
Le dernier séisme au Kamtchatka a eu lieu en 1952. Ce qui explique la magnitude de 8,8 pour celui-ci. Une mesure impressionnante, mais qui n'a rien à voir avec la gravité du séisme de 2011, et sa magnitude de 9,1. Une différence de 0,3 point sur l'échelle de Richter est en effet très significative, car cette échelle est exponentielle.
Comment ce séisme a-t-il provoqué un tsunami ?
Dans ce genre de gros séismes, c'est une partie entière de la zone de subduction, dont la taille est estimée à 400 kilomètres de long et 150 kilomètres de large, qui a connu une rupture. En glissant l'une par rapport à l'autre, lorsque la plaque s'enfonce, elle crée un mouvement vertical plus ou moins fort selon la magnitude. Cela crée un mouvement de l'eau au-dessus, qui va se propager.
Si les ondes sismiques se propagent en quelques secondes, le moment où les vagues vont atteindre les côtes est plus difficile à prévoir. Cela prend plusieurs heures. Mais cela donne le temps de donner l'alerte et de mettre les centrales nucléaires à l'arrêt, comme au Japon. Seuls les pays ayant une politique de gestion des risques efficace et qui ont construit des digues suffisamment hautes sur les côtes plates peuvent cependant prévenir les dégâts.
Comment expliquer que des pays si éloignés de la Russie, comme l'Equateur ou le Pérou, soient aussi concernés par une alerte au tsunami ?
C'est comme lorsque l'on jette un caillou dans une mare : cela crée une onde qui se diffuse sur la surface de l'eau et va revenir une fois qu'elle va toucher le bord. Sauf qu'avec de telles magnitudes, cette onde se propage sur des milliers de kilomètres, sur les rives des pays avec une ouverture sur l'océan Pacifique.
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Les vagues vont aussi effectuer un mouvement de va-et-vient, une fois qu'elles ont atteint les côtes. Néanmoins, plus le territoire est situé loin du lieu de départ du séisme, plus la force du mouvement va s'atténuer. Les vagues sont plus grandes en Russie actuellement qu'elles ne le seront au Japon, ou au Pérou.
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