Viols de Mazan : alors que s'ouvre son nouveau procès, le seul accusé ayant fait appel maintient avoir été "piégé" par Dominique Pelicot

En décembre, la cour criminelle de Vaucluse avait condamné Husamettin Dogan, ouvrier du bâtiment, à neuf ans de prison. Alors que s'ouvre lundi son procès en appel à Nîmes, le quadragénaire maintient la version selon laquelle il pensait que Gisèle Pelicot avait consenti une rencontre libertine, à son domicile, en juin 2019.

Article rédigé par Mathilde Goupil - avec AFP
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Gisèle Pelicot quitte le tribunal d'Avignon (Vaucluse), le 26 novembre 2024. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)
Gisèle Pelicot quitte le tribunal d'Avignon (Vaucluse), le 26 novembre 2024. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

C'est probablement la dernière page d'une affaire historique. Près d'un an après le retentissement mondial du procès dit des viols de Mazan, le procès en appel d'un des 51 condamnés démarre, lundi 6 octobre à Nîmes (Gard), en présence notamment de Gisèle Pelicot. A l'origine, 16 autres hommes avaient interjeté appel, avant de jeter l'éponge, par crainte de la pression médiatique ou d'une peine alourdie, selon leurs avocats.

En décembre, la cour criminelle du Vaucluse avait condamné Husamettin Dogan, ouvrier du bâtiment de 43 ans, à neuf années de prison pour "viols aggravés", mais il avait bénéficié d'un mandat de dépôt différé pour raison de santé. Cet homme, marié et père d'un enfant porteur de trisomie 21, comparaîtra donc libre lors de ce procès, qui devrait durer trois ou quatre jours seulement.

"On dirait que ta femme, elle est morte"

En première instance, le quadragénaire s'était présenté comme une victime de Dominique Pelicot, qui l'avait filmé en train de violer son épouse, une nuit de juin 2019, à leur domicile à Mazan (Vaucluse). L'accusé, qui avait échangé avec le père de famille sur internet en vue d'une rencontre, avait répété à la cour qu'il pensait que la victime avait consenti à un échange libertin et qu'elle simulait l'endormissement.

"On dirait que ta femme, elle est morte", avait-il pourtant lancé à Dominique Pelicot, alors qu'il s'affairait sur le corps inconscient de sa femme. Après avoir entendu la victime en train de "ronfler", il s'était finalement enfui, sans prévenir les autorités. "Je ne suis pas un violeur, c'est un truc trop lourd à porter pour moi. (…) C'est son mari : j'ai jamais pensé que ce type-là, il pouvait faire ça à sa femme", s'était-il défendu face à la cour.

Dominique Pelicot avait fermement contesté avoir piégé l'homme. "Il a demandé à ce qu'elle [Gisèle Pelicot] ait les yeux couverts, car il avait peur qu'elle se réveille. Cela prouve qu'il était au courant depuis le début", avait-il expliqué. Ce dernier, qui n'a pas fait appel de sa condamnation à vingt ans de prison, sera extrait de sa cellule mardi pour être entendu comme témoin.

"Il n'est pas question pour Dominique Pelicot de changer d'optique ou de posture", a expliqué à l'AFP son avocate, Béatrice Zavarro, qui rappelle que les premiers mots de son client à Avignon avaient été : "Je suis un violeur et tous les hommes dans cette salle sont des violeurs." "M.Pelicot a vécu un grand moment qui était son procès, durant trois mois et demi. Le plus gros est fait, finalement. Là, il n'est pas question de refaire son procès, mais de faire celui de l'appelant"', ajoute-t-elle auprès de franceinfo.

"Il en veut beaucoup à Dominique Pelicot"

Pour ce second procès, Husamettin Dogan a fait appel "de la question de sa culpabilité comme de sa peine", a confirmé à franceinfo l'un de ses avocats, Jean-Marc Darrigade. "Il conteste toujours s'être rendu au domicile du couple dans l'intention de violenter quiconque", assure ce dernier. S'il "respecte Mme Pelicot, dont on sait tous qu'elle est la victime dans cette affaire, il en veut beaucoup à Dominique Pelicot, par qui il considère avoir été piégé", ajoute-t-il. En première instance, Sylvie Menvielle, l'autre avocate d'Husamettin Dogan, avait évoqué "un jeu sexuel à trois", estimant que Gisèle Pelicot était consciente lors des actes sexuels imposés par son client.

Outre le fait que l'accusé sera cette fois-ci seul dans le box, la principale différence du procès qui démarre lundi réside dans le fait que la cour sera composée de jurés populaires. Depuis une réforme judiciaire entrée en vigueur en 2023, la grande majorité des crimes de viol ne sont, en effet, plus jugés par une cour d'assises en première instance, mais par une cour criminelle départementale, composée de cinq juges professionnels. Mais en appel, l'ancien système, qui allie jurés et magistrats, perdure.

Impossible de savoir si ce changement sera ou non favorable à l'accusé, ses avocats se voulant néanmoins optimistes. "C'est un auditoire différent, qui peut être sensible à des arguments qui ne sont pas forcément juridiques", assure Jean-Marc Darrigade. "On ne connaît rien de la vie intime des jurés, et l'univers du libertinage peut leur être complètement étranger, mais on peut tous faire l'effort d'intégrer ces codes et de se demander, dans ce contexte-là, comment [son client] a-t-il pu réagir comme il l'a fait."

Comme lors du premier procès, Gisèle Pelicot sera présente lors des débats. "Elle se serait bien passée de cette épreuve à nouveau" mais "elle vient pour expliquer qu'un viol est un viol, qu'il n'y a pas de petits viols", a confié à l'AFP l'un de ses avocats, Antoine Camus. Un de ses trois enfants, Florian, sera à ses côtés pour la soutenir, selon ce dernier. Devenue une icône féministe à son insu, la septuagénaire devrait de nouveau pouvoir compter sur le soutien du public. Plus de 100 journalistes sont accrédités pour ce nouveau procès, témoignant du maintien de l'intérêt pour une affaire qui a largement dépassé les frontières françaises.

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