"Verdict conforme", "la stupeur", "l'étonnement"... Les réactions après la condamnation de Joël Le Scouarnec à 20 ans de réclusion criminelle

L'ex-chirurgien pédocriminel Joël Le Scouarnec a été condamné mercredi 28 mai à 20 ans de réclusion criminelle dont deux tiers en peine de sûreté par la cour criminelle du Morbihan après trois mois d'audience. L'ex-chirurgien a également été condamné à une mesure de suivi socio-judiciaire pendant 15 ans. En revanche, Joël Le Scouarnec, âgé de 74 ans, n'écope pas de rétention de sûreté.  

"C’est un verdict qui est conforme aux réquisitions", a réagi sur franceinfo Emmanuel Daoud, avocat et co-président de l'association Lawyers for Women après l’annonce de la condamnation. "Il semble que ce soit un verdict qui corresponde à la matérialité des faits et à la reconnaissance de ces faits par M. Le Scouarnec, et par l’ensemble des arguments qui ont été débattus pendant trois mois", complète l’avocat.

"Stupeur" et "étonnement" après la condamnation

"Pourquoi la justice n'a pas eu le courage de prononcer cette rétention de sûreté ?", a vivement exprimé sur franceinfo la présidente de l'association La Voix de l'Enfant. Martine Brousse ne cache pas son sentiment : "Il y a de la colère. En général, nous ne discutons pas les décisions de justice, mais là ce que nous remettons en cause, c'est que la rétention de sûreté n'a pas été prononcée. Quand allons-nous la prononcer ? Combien d'enfants devront être massacrés par une seule personne pour la prononcer ?", s'indigne-t-elle. 

"Il y a beaucoup d’étonnement du côté des avocats de parties civiles", s'est exprimé sur franceinfo Laure Boutron-Mormion, avocate pénaliste spécialisée dans la défense des mineurs. "On peut évidemment saluer cette condamnation, simplement, il y avait cette question de la mise en place de la rétention de sûreté qui aurait permis, éventuellement, un coussin de garantie pour évaluer son éventuelle dangerosité, à date, au moment où il pourrait sortir", analyse-t-elle.

"Ça peut vouloir dire que le travail de la défense et les aveux successifs de Joël Le Scouarnec ont payé."

Laure Boutron-Mormion, avocate pénaliste spécialisée dans la défense des mineurs

à franceinfo

"La cour criminelle n’a pas souhaité mettre en place ce système-là et ça donne un enseignement, c’est qu’elle estime, qu’aujourd’hui, la dangerosité de M. Le Souarnec est moindre que ce qu’elle était il y a 20 ans", explique l’avocate.  

L’avocate a notamment représenté l’association "Face à l’inceste", l'une des parties civiles. Sa présidente, Solène Podevin, a aussi réagi sur franceinfo : "C’est de la stupeur. C’est une peine maximale certes, mais sans rétention de sûreté donc libérable aux deux tiers. On a entendu 'honte à la justice' par exemple, des silences, des pleurs. Je pense que l’attente était plus importante que seulement 20 ans avec deux tiers de sûreté".   

"Accompagnons toutes ces victimes"

La présidente de l'Association L'enfant Bleu, invité aussi sur franceinfo, est prudente : "Là, il y a eu le procès, donc c’est très actif, c’est très fort, mais après ? C’est l’après que je voudrais mettre en lumière auprès des pouvoirs publics. Accompagnons toutes ces victimes"

"Au sein de notre association, nous avons des groupes de paroles pour des adultes qui ont été victimes pendant leur enfance et on a une liste d’attente absolument incroyable et pas pour le procès de M. Le Scouarnec mais en général", explique Isabelle Debré.  

"Ce qu’il faut aujourd’hui, nous insistons encore là-dessus, c’est accompagner ces victimes."

Isabelle Debré, présidente de l'association L'enfant Bleu

à franceinfo

La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, "prend acte" du verdict dans un communiqué que franceinfo a pu consulter, en notant qu'il n'y a pas eu de rétention de sûreté. Pour la Ciivise, le temps "de la réparation des victimes doit maintenant advenir" ainsi que celui des "responsabilités institutionnelles". Selon la Commission, c'est tout un système qui "doit se remettre en question" alors qu'il "n'a pas su arrêter un pédocriminel en série."  

Ces remises en question doivent passer, pour la Ciivise, par des changements "législatifs et règlementaires", ajoutant par ailleurs que "le garde des Sceaux en a parlé, mais sans donner de précision. Nous insistons sur l’urgence de mettre en œuvre le contrôle d’honorabilité systématique et régulier de tous les professionnels au contact de mineurs, de former tous les professionnels au repérage et au signalement." 

La Commission enfin explique dans ce communiqué qu'elle "proposera dans les semaines qui viennent, une démarche de travail commune aux victimes de ce médecin, celles pour lesquelles les faits ont été jugés et celles pour lesquelles les faits sont prescrits".