Arrestation de Mohamed Amra en Roumanie : ce que l'on sait du coup de filet qui a permis d'interpeller le narcotrafiquant et dix autres suspects

Neuf mois après son évasion meurtrière dans l'Eure, le fugitif a été interpellé samedi à Bucarest, avant une série d'arrestations dans son entourage en France, en Espagne et aux Pays-Bas.

Article rédigé par franceinfo
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Le narcotrafiquant français Mohamed Amra quitte le palais de justice de Bucarest (Roumanie) après sa présentation à un juge, le 23 février 2025. (DANIEL MIHAILESCU / AFP)
Le narcotrafiquant français Mohamed Amra quitte le palais de justice de Bucarest (Roumanie) après sa présentation à un juge, le 23 février 2025. (DANIEL MIHAILESCU / AFP)

Du péage d'Incarville dans l'Eure à Bucarest en Roumanie, c'est une cavale de neuf mois qui a pris fin pour Mohamed Amra, samedi 22 février. Ce Français de 30 ans, narcotrafiquant condamné à 13 reprises, était en fuite depuis le 14 mai 2024, quand un commando l'avait extrait d'un fourgon, tuant deux agents pénitentiaires. Au lendemain de son arrestation, Mohamed Amra a été présenté dimanche à un juge roumain en vue de sa remise aux autorités françaises. Dans le même temps, un coup de filet en France, en Espagne et aux Pays-Bas a permis l'interpellation de 10 personnes soupçonnées d'être impliquées dans son évasion ou sa cavale. Voici ce que l'on sait de ces opérations.

Une interpellation à Bucarest malgré un changement d'apparence

Après l'évasion violente et meurtrière de Mohamed Amra, des opérations d'envergure avaient été lancées sur le territoire français, mobilisant plusieurs centaines de policiers. Dès le lendemain, Interpol avait aussi, à la demande des autorités françaises, émis une notice rouge transmise aux forces de l'ordre des 195 pays membres de l'organisation afin de faciliter son arrestation à l'étranger. Un appel à témoins avait aussi été lancé en juillet, sans succès.

Mohamed Amra a finalement été arrêté samedi après-midi près d'un centre commercial de Bucarest. Les enquêteurs français avaient "détecté son départ à l'étranger et alerté leurs homologues", affirme la procureure de Paris, Laure Beccuau, dans un communiqué dimanche. Le narcotrafiquant, interpellé alors qu'il sortait d'un VTC, était installé depuis quelques jours dans un appartement d'un quartier résidentiel de la capitale de Roumanie, a appris franceinfo de source proche du dossier. "La police roumaine l'a localisé, identifié et capturé dans les 48 heures suivant la première information selon laquelle il se trouvait sur notre territoire", a affirmé le ministre de l'Intérieur roumain, Catalin Predoiu. 

Et ce alors même que le multirécidiviste avait changé d'apparence, comme en témoignent les images de la police roumaine. Cheveux et barbe teints en roux, lunettes rondes sur le nez, ce Mohamed Amra ne ressemble plus beaucoup à celui de la photo diffusée par Interpol. "En dépit du changement de coloration de ses cheveux, l'identification de l'intéressé [a été] confirmée par une reconnaissance faciale et la comparaison d'empreintes digitales", a fait savoir dimanche la procureure de la République de Paris.

Un retour en France prévu "dans les 30 jours"

Le fugitif a été présenté à un juge de Bucarest dimanche. Il est arrivé tout sourire au tribunal entouré d'une importante escorte policière. Durant l'audience, Mohamed Amra a accepté d'être remis à la France, a annoncé son avocate. Il "ne reconnaît pas les faits commis, mais souhaite respecter la décision des autorités françaises qui veulent le juger", a déclaré Maria Marcu. Il pourrait être extradé sous 30 jours, selon l'avocate. La France et la Roumanie doivent encore se coordonner pour fixer les conditions du transfert, pour qu'il soit réalisé en toute sécurité.

Un coup de filet à la recherche de complices

Entre samedi soir et dimanche matin, dix nouvelles interpellations ont eu lieu dans le cadre de l'enquête sur l'évasion sanglante et la cavale de Mohamed Amra. Certains sont soupçonnés d'avoir été des membres du commando qui a attaqué le fourgon, d'autres d'avoir aidé à préparer l'évasion ou à cacher le fuyard, a détaillé la procureure de Paris. Parmi les gardés à vue se trouve notamment l'homme soupçonné d'avoir abattu les deux agents pénitentiaires, a appris franceinfo de source proche du dossier.

Deux de ces arrestations ont eu lieu à l'étranger, en Espagne et aux Pays-Bas. Les huit autres suspects ont été interpellés à Evreux (Eure), à Rouen et au Havre (Seine-Maritime). Des armes de poing et au moins un fusil de type kalachnikov ont été retrouvés lors des perquisitions. Des téléphones portables ont également été saisis et vont être exploités par les enquêteurs.

Une coopération des services saluée de toutes parts

Dans cette affaire, la procureure de Paris Laure Beccuau a salué "la transversalité des services, et la convergence des spécialités des enquêteurs, comme des magistrats" qui "ont été les leviers de la conduite des opérations". "Cette enquête est l'illustration (...) de l'absolue nécessité d'une coopération internationale rapide et efficace", a-t-elle insisté, adressant ses pensées aux victimes et à leurs proches.

Sur TF1, Bruno Retailleau a aussi félicité cette coopération entre les équipes policières et judiciaires. Sur X, François Bayrou a souligné un "magnifique succès de notre police nationale". Emmanuel Macron a, lui aussi, vanté "un formidable succès" depuis le Salon de l'agriculture à Paris.

Dans une lettre adressée dimanche aux agents pénitentiaires, endeuillés par l'évasion de mai, Gérald Darmanin a souligné leur "professionnalisme et détermination". Le ministre de la Justice a aussi mis en avant plusieurs mesures qu'il préconise : "Dans les prochains jours, je proposerai à l'Assemblée nationale qu'un nouveau régime de détention, inspiré des lois italiennes anti-mafia, soit instauré pour les détenus les plus dangereux afin que plus jamais une affaire Amra ne soit possible." Il rappelle aussi qu'une prison de "haute sécurité" doit voir le jour le 31 juillet, destinée à mettre à l'isolement total les "100 plus gros narcotrafiquants" de France.

Les familles des deux agents tués par le commando en mai, Arnaud Garcia et Fabrice Moello, ont aussi réagi à l'arrestation de Mohamed Amra, samedi, auprès de l'AFP et par la voix de leurs avocats, évoquant toutes deux un "soulagement".

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