Etoiles de David, mains rouges… Ces tentatives d'ingérences "hybrides" qui ont déjà visé la France

Alors que des têtes de cochon ont été retrouvées devant des mosquées, la justice rapporte que les faits ont été commis par des individus de nationalité étrangère. Une action menée selon le parquet dans le but "manifeste de provoquer le trouble au sein de la nation" et qui n'est pas sans rappeler de précédentes opérations.

Article rédigé par franceinfo - Valentin Moylen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Une photo montre des étoiles de David taguées sur la façade d'un bâtiment à Paris, le 31 octobre 2023. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)
Une photo montre des étoiles de David taguées sur la façade d'un bâtiment à Paris, le 31 octobre 2023. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Après la découverte de neuf têtes de cochons devant des mosquées d'Île-de-France mardi 9 septembre, le parquet de Paris a indiqué mercredi qu'elles ont "été déposées par des personnes de nationalité étrangère", "dans une volonté manifeste de provoquer le trouble au sein de la nation". Une opération qui rappelle au moins quatre précédentes affaires attribuées à de possibles ingérences étrangères et recensées par l'Agence de vérification de Radio France, comme les étoiles de David à l'automne 2023 ou les mains rouges retrouvées sur le Mémorial de la Shoah en mai 2024.

Octobre 2023 : des étoiles de David retrouvées dans Paris

Plusieurs centaines d'étoiles de David bleues réalisées au pochoir avaient été découvertes sur des façades d'immeubles à Paris et en banlieue parisienne fin octobre 2023, peu de temps après l'attaque du Hamas en Israël. Un couple de Moldaves avait été interpellé et le commanditaire présumé, un opposant politique moldave proche de Moscou, Anatoli Prizenko, a été identifié. Il a reconnu auprès de Radio France avoir ordonné l'opération, évoquant un "acte de soutien envers les juifs". Le 9 novembre 2023, le Quai d'Orsay dénonce une ingérence numérique russe en s'appuyant sur l'analyse de Viginum, l'agence chargée de surveiller les ingérences numériques étrangères. Elle a identifié 1 095 faux comptes sur la plateforme X, qui ont partagé 2 589 publications liées aux étoiles de David taguées à Paris, ainsi que les deux photos prises lors de la première opération, dans la nuit du 26 au 27 octobre, à un moment où elles n'avaient été vues nulle part ailleurs. Tout indique que les animateurs de ces faux comptes étaient informés, voire complices, de l'opération. L'objectif était de faire croire à un acte antisémite pour déstabiliser la société française.

Mai 2024 : des mains rouges sur le mur des Justes du Mémorial de la Shoah

Dans la nuit du 13 au 14 mai 2024, des "mains rouges" - symbole pouvant être lié au lynchage de soldats israéliens à Ramallah, en Cisjordanie, en 2000 - sont peintes sur le mur des Justes du Mémorial de la Shoah à Paris. Dans cette affaire, quatre Bulgares doivent être jugés cet automne par le tribunal correctionnel de Paris. Au cours de l'information judiciaire s'est dessinée l'hypothèse d'"une action susceptible de correspondre à une action de déstabilisation de la France orchestrée par les services de renseignements russes", a indiqué le parquet. Le service Viginum a également observé "une instrumentalisation par des acteurs liés à la Russie".

Juin 2024 : des cercueils déposés au pied la tour Eiffel

Cinq cercueils sont retrouvés au début du mois de juin 2024, devant la tour Eiffel, avec une banderole portant l'inscription "soldats français de l'Ukraine". Trois hommes, nés en Bulgarie, en Allemagne et en Ukraine ont été interpellés. Le mode opératoire de la fuite des suspects apparaît commun aux précédentes affaires d'ingérence. Après avoir déposé ces faux cercueils, les auteurs devaient prendre un bus en direction de l'Allemagne ou de la Belgique. L'un d'eux était d'ailleurs en lien avec l'un des hommes suspectés d'avoir tagué des mains rouges sur le Mémorial de la Shoah, d'après une source policière contactée par franceinfo. Moscou est, là encore, soupçonné d'être derrière cet acte de déstabilisation.

Mai 2025 : de la peinture verte aspergée sur plusieurs lieux juifs à Paris

Le Mémorial de la Shoah, deux synagogues et un restaurant, situés dans le centre de Paris, ainsi qu'une troisième synagogue dans le 20e arrondissement, ont été aspergés de peinture verte dans la nuit du 30 au 31 mai 2025. Trois hommes de nationalité serbe sont interpellés, réactivant la piste d'une ingérence étrangère. "On est visiblement dans un scénario comparable à ce qu'on a vu pour les étoiles et les mains rouges", avait confié une source proche du dossier à franceinfo. La Serbie, où se sont installées plusieurs dizaines de Russes ces trois dernières années, n'a jamais coupé ses liens historiques et politiques avec la Russie et n'a imposé aucune sanction à Moscou depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022.

Des ingérences étrangères "hybrides"

Ces cinq affaires font penser à des ingérences étrangères dites "hybrides", combinant des méthodes traditionnelles et des méthodes numériques. L'objectif est de déstabiliser la société et d'essayer de diviser sur des sujets très sensibles comme l'antisémitisme ou l'islamophobie. Dans un rapport parlementaire publié début juillet, la députée socialiste Marie Récalde et sa co-rapporteure macroniste Natalia Pouzyreff ont expliqué qu'il s'agissait d'une "guerre cognitive" qu'il fallait gagner, rappelant que les ingérences étrangères qui véhiculent de fausses informations n'ont pas forcément pour objectif de convaincre le public, mais plutôt "d'instiller le doute généralisé pour discréditer les démocraties libérales".

En mars 2025, Emmanuel Macron avait brandi la "menace russe" lors d'une allocution sur la sécurité en Europe. La Russie "organise des attaques numériques contre nos hôpitaux, pour en bloquer le fonctionnement. La Russie tente de manipuler nos opinions, avec des mensonges diffusés sur les réseaux sociaux. Et au fond, elle teste nos limites et elle le fait dans les airs, en mer, dans l'espace et derrière nos écrans", avait déclaré le président de la République.

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