"L'enseignement de la natation est mauvais en France" : comment expliquer le grand nombre de noyades chaque été ?
Sepuis le 8 juillet, et en trois jours, neuf personnes sont mortes noyées, sur tout le territoire. Et l'été ne fait que commencer.
Trois enfants, retrouvés morts dans un lac de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), dimanche 8 juillet. Le même jour, dans le Maine-et-Loire, trois jeunes se sont noyés dans la Loire, ainsi qu'une femme de 24 ans à Trouville-sur-Mer (Calvados). Mardi 10 juillet, une fillette de 8 ans est morte dans une piscine artificielle à Ingrandes (Maine-et-loire) tandis que dans les Côtes-d'Armor, une Allemande de 58 ans s'est noyée près d'une plage d'Erquy.
Selon le baromètre de santé 2016 de Santé publique France, un peu plus d'un Français sur sept déclare ne pas savoir nager. Et la noyade reste l'un des fléaux de l'été : entre le 1er juin et le 5 juillet, l'organisme a recensé 257 noyades accidentelles, ayant entraîné la mort de 50 personnes. Comment expliquer, été après été, un si grand nombre de décès ? Jean-Michel Lapoux, secrétaire général de la Fédération des maîtres-nageurs, dispense à franceinfo quelques explications.
Franceinfo : Qu'est-ce qui explique ce nombre si élevé de noyades ?
Jean-Michel Lapoux : Vous avez le problème des enfants qui apprennent à nager. Actuellement, vous avez des méthodes d'enseignement qui sont mauvaises. On a déchargé en grande partie cet enseignement des maîtres-nageurs pour le donner aux instituteurs, qui souvent ne savent pas nager eux-mêmes, ou mal. Résultat, on a des enseignements de la natation qui peuvent durer une, deux voire trois années scolaires. Ces groupes occupent les piscines et les autres gamins ne peuvent pas y aller. Il y a des classes qui vont systématiquement à la piscine et d'autres, jamais.
Autre problème : il manque actuellement sur le marché du travail 1 200 maîtres-nageurs en France pour la saison estivale. Pourquoi ? Parce que l'examen pour devenir maître-nageur, depuis 1985, est trop long et trop cher : il coûte entre 4 000 et 8 000 euros et dure une année à temps plein. Il n'y a plus qu'une poignée de chômeurs subventionnés qui le passent, et tous les ans, on est en déficit de maîtres-nageurs. Dans beaucoup de petites villes, il n'y en a pas, il y a des BNSSA [Brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique], des remplaçants, qui peuvent surveiller mais qui ne peuvent pas enseigner. On a alerté 40 députés cet hiver, qui sont intervenus à l'Assemblée pour réclamer un nouveau diplôme, mais le gouvernement n'a pas bougé.
L'attitude des Français est-elle aussi problématique ?
A la plage, vous avez en général une surface surveillée, délimitée par des drapeaux. Mais vous voyez autant de gens en dehors de cette zone que dedans. Tout le monde s'en fiche, des baignades surveillées. Tout le monde se dit que ça n'arrive qu'au voisin. Vous avez des enfants qui sont presque abandonnés sur les plages par leurs parents… Et évidemment, après, tout le monde pleure quand ils disparaissent.
Pour les piscines familiales, c'est au bon vouloir des propriétaires qui mettent, ou non, un grillage, qui installent ou non un système d'alarme. Le schéma, c'est presque toujours le même : ce sont des familles qui ont des enfants grands ou sachant nager. Elles invitent des amis qui ont des enfants plus petits, qui eux ne savent pas nager. Les morts, en général, surviennent à ce moment-là. Ou alors, ce sont des gens qui ne surveillent pas.
Que faudrait-il faire, selon vous ?
Si j'ai un conseil pour les parents, c'est quand vous avez un hôtel ou un camping avec piscine sans maître-nageur, n'y allez pas. Quand vous êtes invités chez des amis qui ont une piscine non clôturée, n'y allez pas. Peut-être que ça poussera les gens à clôturer. Aujourd'hui, personne ne fait la police, personne ne surveille, personne ne récolte une amende à cause d'une piscine non clôturée…
Concernant les plages, on en a actuellement en France qui sont très grandes et l'on est bien obligés de mettre en place des zones surveillées, mais les gens n'y vont pas. Il faut inciter les parents à habituer les enfants à se baigner dans ces zones-là.
Et pour améliorer l'enseignement de la natation ?
Moi, je ne vois pas l'avenir en rose. On est en train de fermer de plus en plus de piscines municipales. Et en natation scolaire, je ne pense pas qu'on mettra des crédits supplémentaires pour avoir des maîtres-nageurs…
Là, on fait de la présence. Vous voyez un instituteur qui utilise une perche et demande aux enfants de traverser le bassin un par un, pendant que les autres attendent. Un enfant, il passe combien de temps à faire de la natation, sur 40 minutes de cours ? Quatre minutes ? Ce n'est pas ça, une leçon de natation ! Pour corriger tout ça, il faudrait vraiment que l'enseignement de la natation en école se fasse avec bouée et avec un maître-nageur. Des cours de 25-30 minutes, pas plus, en une dizaine ou une quinzaine de leçons, sans y passer toute une année scolaire.
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