Attaque à la préfecture de police de Paris : quelles failles ont permis à Mickaël Harpon de ne pas être repéré ?
L'enquête montre que plusieurs signaux indiquant un profil inquiétant n'ont pas été détectés à temps par les autorités.
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Après le temps du deuil, celui des questions. Les premiers éléments de l'enquête sur Mickaël Harpon, l'auteur de l'attaque meurtrière à la préfecture de Paris, montrent que plusieurs alertes ont été ignorées par les autorités sur son inquiétant profil.
Habilité secret défense, ce fonctionnaire de police, qui a tué quatre de ses collègues, jeudi 3 octobre, aurait pourtant dû être particulièrement surveillé. Radicalisation, frustrations, clé USB contenant des informations importantes… Autant de signaux qui ne sont pas remontés à la hiérarchie. Passage en revue.
Son approbation de l'attentat de "Charlie Hebdo" n'a pas été signalée
En 2015, Mickaël Harpon a "une vive querelle" avec un collègue au sujet de l'attaque meurtrière contre le journal satirique Charlie Hebdo en janvier, selon un rapport interne de la préfecture de police de Paris. "C'est bien fait", aurait-il déclaré. L'incident est rapporté verbalement en juillet 2015 à un fonctionnaire de la sous-direction de la sécurité intérieure (SDSI) chargé des signalements de radicalisation, mais n'est pas formalisé.
En l'absence d'autres éléments inquiétants, les collègues de Mickaël Harpon et les membres de la SDSI mis au courant s'accordent alors à dire qu'il n'y a "aucun souci" avec lui. Aucun signalement écrit n'est donc effectué, d'autant que son habilitation secret défense a déjà été renouvelée depuis deux ans et est valable jusqu'en avril 2020. En outre, les policiers n'ont pas pour habitude de dénoncer leurs collègues, explique à franceinfo Nicolas Pucheu, délégué de l'Unsa Police en région parisienne. "Le problème, chez nous, c'est qu'il y a une forme d'omerta. C'est-à-dire que, culturellement, on s'interdit d'écrire contre un collègue. Il y a une forme de solidarité chez nous. La police, ça reste une grande famille."
Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, s'est prononcé, lundi 7 octobre, pour le signalement automatique de tout fonctionnaire dès qu'un soupçon de radicalisation pèse sur lui.
Ses contacts avec des salafistes n'ont pas été relevés
Converti à l'islam depuis une dizaine d'années, Mickaël Harpon "allait à la mosquée mais avait une pratique [religieuse] normale", selon une voisine interrogée par les enquêteurs. Le Parisien révèle toutefois qu'il "était en contact très étroit avec un prédicateur musulman, connu des services de renseignement pour être salafiste, dont les autorités considèrent qu'il prônait une pratique très rigoriste de sa religion. Des contacts qui remontent à quelques mois."
Selon le procureur antiterroriste, les investigations ont "permis d'établir des contacts entre l'auteur des faits et plusieurs individus susceptibles d'appartenir à la mouvance islamiste salafiste".
Son profil psychologique a été insuffisamment creusé
Souffrant de troubles auditifs "lourds", Mickaël Harpon avait fait part en février de certaines "frustrations" liées à son handicap qui semblaient freiner sa carrière, selon le rapport de la préfecture de police. Ces frustrations ont-elles été minimisées ?
"Un de ses collègues décrit un Harpon introverti, fragile, souffrant d’un complexe d’infériorité, écrit Le Figaro. Une autre source évoque une souffrance au travail et, en garde à vue, son épouse évoque aussi un malaise professionnel. Sans parler de la crise psychotique que le tueur aurait traversée devant sa famille la nuit précédant son crime. Dans ce contexte, on peut estimer que son suivi psychologique n’a pas été très performant."
Son habilitation secret-défense a été renouvelée
Aux yeux d'Eric Roman, membre du syndicat France Police-Policiers en colère interrogé sur franceinfo, "il y a toujours des failles dans notre système". "Nous avons extrêmement peur que [Mickael Harpon] ait pu récupérer les identités, les adresses de tous les collègues travaillant au renseignement de la préfecture de police, et qu'il ait pu les donner à un tiers", alerte le syndicaliste.
L'enquête permettant l'habilitation secret-défense est très poussée, mais elle n'est menée qu'au moment de l'octroi et du renouvellement de cette habilitation. Dans ce laps de temps, qui varie en fonction des missions et de la classification de l'agent, mais qui durer plusieurs années, il peut être "impossible de détecter une radicalisation", explique à franceinfo Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement. L'habilitation de Mickaël Harpon, octroyée en 2003, a été renouvelée en 2008 et en 2013. Soit avant l'incident signalé en 2015. Mais comme aucun signalement n'a été effectué depuis, son habilitation était valable jusqu’au 24 avril 2020.
Les enquêteurs travaillant sur l'attaque de la préfecture de police ont retrouvé une clé USB au contenu jugé inquiétant sur le lieu de travail de Mickaël Harpon. Cette clé comportait de nombreuses vidéos de propagande du groupe Etat islamique.
Elle a aussi permis à l'informaticien de stocker "des données personnelles correspondant à plusieurs dizaines de ses collègues de la préfecture de police. Sans que l'on sache, pour l'instant, s'il les a extraites lui-même, ou s'il en disposait dans le cadre de ses fonctions habituelles", révèle Le Parisien. Les enquêteurs cherchent désormais à savoir s'il avait l'intention de les communiquer à des tiers ou de s'en servir à d'autres fins. La clé a été découverte parmi divers ordinateurs et supports informatiques saisis en perquisition. Grâce à son habilitation secret-défense et à son emploi d'informaticien, Mickael Harpon avait, note Le Figaro, "un large accès aux secrets de son service : coordonnées de policiers de la préfecture de police, individus surveillés par le service".
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