"Je n'allais plus à l'école, j'allais voir les médecins" : au procès de l'attentat de Nice, des familles racontent comment elles ont été brisées
Nouvelle semaine de témoignages éprouvants au procès de l'attentat de Nice. Les victimes se succèdent à la barre et racontent aussi les conséquences sur des familles entières, et notamment sur les enfants et les adolescents.
La photo d'Hadja, 42 ans, l'aînée de la fratrie s'affiche en sépia sur l'écran derrière les juges dans la salle d'audience, mercredi 28 septembre. Face à cette image : ses deux sœurs, Seloua et Sabra. Elles sont venues témoigner, main dans la main. Elles commencent à raconter le soir du 14 juillet, et la disparition de leur grande sœur, que tout le monde cherche pendant de longues journées. La famille doit attendre et apprend quatre jours plus tard qu'elle a été tuée par le camion.
C'est donc une famille brisée qui ressort de l'attentat. Rapidement, il y a les reproches : pourquoi était-elle seule ? Pourquoi Seloua était-elle plus loin dans Nice ? Pourquoi Sabra n'a-t-elle pas donné plus de nouvelles à certains proches en Algérie pendant tous ces jours de recherche ? Des reproches qui s'ajoutent à la douleur et qui font tout éclater. Les deux sœurs décrivent à la barre les fêtes de l'Aïd, les fêtes de famille qu'on n'ose plus se souhaiter. Seloua a beaucoup pris la parole pour raconter ces dernières années dans les médias, elle est aussi très engagée dans une association.
Les reproches et la douleur qui ont tout fait éclater pour la grande fratrie. Les deux sœurs, décrivent à la barre les fêtes de l'Aïd et les fêtes de famille qu'on n'ose plus se souhaiter. Seloua a beaucoup raconté tout cela ces dernières dans les médias. Elle est très engagée dans une association. Sa sœur Sabra, l'a fait beaucoup moins : "Ça a été une délivrance pour moi", dit-elle, soulagée, après avoir témoigné à la barre.
"C'est un devoir de mémoire, pour ne pas oublier. Ça va rester dans l'Histoire et il ne faut pas qu'on oublie, il ne faut pas que ça recommence."
Sabraà franceinfo
Seloua, elle, a voulu montrer que sa famille était rassemblée, six ans après le drame. "On était une famille unie et j'espère que les autres membres de ma famille m'ont écoutée, qu'ils comprennent que c'est pour eux aussi, pour notre famille, qu'on se soutient. C'était aussi cela le symbole d'intervenir à deux, pour donner du sens à cette horreur", explique-t-elle. Sabra et Seloua racontent aussi la dévastation des quatre enfants de leur grande sœur. Inès, par exemple, avait 9 ans, elle était sur la promenade avec sa mère. Elle s'est murée dans son monde, et vit désormais dans une utopie. Les deux tantes ajoutent que les deux grands frères d'Inès portent en eux une violence difficile à gérer.
Le difficile "après" des enfants et adolescents
Ce soir-là, des dizaines d'enfants et adolescents sont présents et traumatisés par la scène. Deux familles en ont témoigné à la barre mercredi. D'abord, un grand garçon, âgé de 22 ans aujourd'hui, 16 ans en 2016. Il décrit, avec une voix saccadée et un mouchoir en main, la terreur d'avoir vu passer le camion à quelques millimètres de lui ce soir-là. Il explique ensuite les dépressions, "je n'allais plus à l'école, car il y avait des moqueries, des camarades qui ne me croyaient pas", raconte-t-il. "Je n'allais plus à l'école, j'allais voir les médecins", poursuit-il. Ses parents et son frère sont présents pour l'accompagner, derrière lui. Eux aussi racontent leur enfer depuis six ans.
Puis Houria Bouzelif se présente à la barre. Mère célibataire d'Ilian, qui avait 10 ans le 14 juillet 2016, il en a 17 aujourd'hui. Elle raconte comment, en rentrant chez eux en Corse, après l'attentat, son garçon s'est mis à faire des crises, des cauchemars. Le retour au collège a aussi été très difficile. "Il dormait en cours, au fond de la classe. Il s'endormait tout seul parce qu'il ne dormait pas la nuit. Il faisait pipi au lit, au milieu de la nuit, alors on se lève, on lave", raconte-t-elle, encore éprouvée. Houria revient aussi sur "les difficultés au quotidien", "l'agressivité" de son fils, qui "avait vraiment beaucoup de colère".
"On est de confession musulmane, et la question qu'il se pose juste après les attentats, c'est : Maman, est-ce que c'est normal qu'un musulman tue un musulman ? Ça a été sa première inquiétude."
Houria, maman d'Ilianà franceinfo
Houria raconte encore les insultes de ses camarades. À cette époque, Ilyan a failli être expulsé du collège. Sa mère cherche alors un accompagnement psychologique, mais il lui faut attendre un an et demi à Ajaccio. Elle finit par prendre trois emplois, aide-soignante, ambulancière, agent de sécurité la nuit, pour pouvoir payer des séances thérapeutiques de sport, de la danse, de la boxe à son fils.
Aujourd'hui, devant la Cour d'assises spécialement composée, le garçon est là, à 17 ans, derrière sa mère. Il la prend par les bras quand elle craque à la barre. Il précise aussi à la cour : "ce soir-là, j'ai cru que c'était la fin du monde". C'était cela tous ses cauchemars. Aujourd'hui, à 17 ans, il prépare son bac.
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