Arnaque au faux Brad Pitt : quatre indices pour démasquer les "brouteurs", ces escrocs qui jouent avec les sentiments de leurs victimes

Depuis dimanche, l'histoire d'Anne, arnaquée par des escrocs qui se sont fait passer pour la star hollywoodienne Brad Pitt, passionne les réseaux sociaux, livrant la victime à une vague de cyberharcèlement. Si la quinquagénaire doit faire face à de nombreuses moqueries de la part des internautes, elle est loin d'être la seule à avoir fait les frais d'arnaques aux sentiments sur internet.

En 2023, 278 703 infractions liées au numérique ont été enregistrées par les forces de sécurité intérieures (contre 255 320 en 2022), et pas moins de 9 Français sur 10 ont déjà été confrontés à une situation de malveillance informatique, qu'il s'agisse d'escroqueries, de cyberharcèlement ou d'injures, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur. Concernant les arnaques sentimentales, l'Institut national de la consommation estime que des milliers de personnes sont touchées chaque année, et que près de 80% d'entre elles sont des femmes de plus de 50 ans.

Surnommés "brouteurs", ces arnaqueurs, souvent originaires d'Afrique de l'Ouest, opèrent sur les réseaux sociaux et tentent d'extorquer de l'argent à leurs victimes en jouant sur leurs sentiments et leurs émotions. Leurs scénarios sont bien rodés, il est donc facile de tomber dans leur piège. Pour autant, certains signes permettent d'identifier les potentiels escrocs. A l'aide de deux "chasseurs de brouteurs", franceinfo vous donne quatre conseils pour éviter de tomber dans le piège.

1 Des signes à repérer dès les premiers messages

Lorsqu'un "brouteur" prend contact avec vous, certains signes peuvent vous alerter. D'après Centho, un youtubeur et chasseur d'arnaqueurs, des doutes peuvent s'installer lorsqu'une personne vous contacte sur un réseau social et vous demande directement de changer d'application pour aller sur une messagerie chiffrée, comme WhatsApp, Signal ou Telegram.

Selon le youtubeur, ils utilisent des numéros bien particuliers, "dits "on/off", c'est-à-dire que l'on peut les désactiver et les réactiver quand on veut. Ces numéros leur permettent d'avoir un numéro français sans être sur le territoire." D'après lui, il faut particulièrement se méfier des numéros commençant par 06 44, 07 56 et 07 80.

Enfin, certaines formulations, telles que "ah d'accord", "ah ok", "bah", se retrouvent fréquemment dans les conversations des "brouteurs" qu'il traque. D'après David, alias Meta Brouteur sur les réseaux sociaux, les mots employés peuvent également être un indicateur. "Lorsque le français est approximatif, cela peut donner des indices", assure-t-il à franceinfo.

2 Des indices se cachent dans les documents et les photos envoyés

Qui dit scénario bien rodé, dit documents trafiqués. Les "brouteurs" vont bien souvent envoyer des documents pour faire croire que leur fable est réelle. Pièce d'identité, facture, contrat... Les escrocs se procurent des documents usurpés ou les modifient eux-mêmes. "La plupart du temps, la date ne correspond pas, il y a des fautes dans le nom, ou une police d'écriture qui n'est pas la bonne, liste Centho. Ces documents sont en général peu crédibles." Analyser en détail les documents envoyés est donc un bon moyen de débusquer un arnaqueur.

Les photos peuvent aussi donner des indices. "Il est utile de faire des recherches inversées à partir des photos qu'ils envoient", conseille Meta Brouteur. La plupart des moteurs de recherche disposent de cet outil. Il suffit d'y déposer une image et le moteur de recherche retrouvera les sites sur lesquels elle apparaît, donc si elle est originale ou non.

"Si la recherche inversée ne donne rien, cela ne veut pas dire que vous n'êtes pas face à un 'brouteur'. Il peut très bien avoir volé la photo sur un compte privé", nuance-t-il. Les images peuvent également être générées à l'aide d'une intelligence artificielle. Les logiciels étant de plus en plus performants, il est parfois difficile d'identifier les fausses images. Mais certains détails mettent la puce à l'oreille : un aspect général trop lisse et plastique, ou des détails des mains ou du visage incohérents sont de bons moyens de détecter les "deepfakes".

3 Le ton utilisé est révélateur

Pour faire fonctionner leur plan, les arnaqueurs tentent d'établir un lien avec leur victime. C'est d'autant plus le cas dans le cadre des arnaques aux sentiments. Dans ce scénario, le "brouteur" aborde la victime en exprimant, au fil des échanges, des sentiments amoureux ou amicaux forts à son égard. Les messages sont bien souvent les mêmes pour chaque proie. Lorsque vous avez un doute, n'hésitez pas à copier et coller ces messages dans un moteur de recherche. Les résultats peuvent faire apparaître les témoignages d'autres victimes.

Pour Centho, il faut vite déceler ce comportement afin d'éviter de tomber dans le piège. "Si la personne avec qui vous discutez tente de vous faire sentir spécial, surtout lorsque vous lui parlez de vos problèmes, c'est un indice, juge-t-il. Si la personne vous met sur un piédestal très rapidement aussi." Sur la page dédiée à l'escroquerie sentimentale, le gouvernement prévient : "Méfiez-vous si la personne promet toujours de vous rencontrer, mais trouve toujours une excuse pour ne pas le faire."

Néanmoins, ces conseils peuvent être difficiles à appliquer étant donné que la victime est souvent sous l'emprise du malfaiteur. "Au début, la personne ne vous demande rien, donc beaucoup ne doutent pas. Par la suite, les victimes refusent de croire que ça puisse être faux", constate Meta Brouteur.

4 L'argent entre toujours dans la discussion

L'appât du gain motive ces escrocs, qui en arrivent toujours à une demande financière. Si les scénarios peuvent être différents, le processus est similaire. "Ils demandent d'envoyer de l'argent via des coupons PCS, Transcash, Neosurf... Des moyens de paiement intraçables, détaille Centho. Ces coupons leur permettent de récupérer l'argent facilement, sans avoir besoin de créer un compte bancaire en France."

Pour les deux spécialistes, dès lors que l'on reçoit une demande d'argent, même pour une petite somme, c'est une arnaque. "Il ne faut jamais accepter d'envoyer de l'argent, peu importe le montant, car le 'brouteur' va continuer et en demandera davantage", alerte Centho. "N'envoyez jamais d'argent à une personne avec laquelle vous n'avez communiqué qu'en ligne ou par téléphone", conseille le site du gouvernement. Une fois que l'argent est dans la poche de l'escroc, il est difficile, voire impossible de le récupérer.

Si certains signes permettent d'identifier les "brouteurs", tous n'utilisent pas les mêmes techniques. Cybersurveillance.gouv.fr conseille donc aux internautes d'être vigilants concernant les informations qu'ils divulguent sur les réseaux sociaux et les sites de rencontre, car elles pourraient être utiles aux escrocs.

Vous pensez avoir été victime ? Pour obtenir des conseils, vous pouvez contacter la fédération France Victimes au 116 006 (appel et service gratuits) et la plateforme Info-Escroqueries du ministère de l'Intérieur au 0 805 805 817 (appel et service gratuits).