"C'est exactement ce qu'ils cherchaient" : des créateurs de contenus sur TikTok regrettent la mise en avant d'influenceurs controversés dans les auditions de la commission d'enquête

Article rédigé par Margaux Queffélec
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Différents influenceurs ont été auditionnés dans le cadre de la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs en juin 2025. (Capture d'écrans.)
Différents influenceurs ont été auditionnés dans le cadre de la commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs en juin 2025. (Capture d'écrans.)

Alors que les auditions de la commission d'enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs se terminent jeudi 25 juin, certains créateurs de contenus regrettent qu'elles aient été une vitrine pour des influenceurs plus controversés.

"On aurait eu beaucoup plus à apprendre en écoutant les créateurs qui tentent d'avoir une approche plus éthique des réseaux sociaux", estime Anna Baldy, connue sous le pseudo @grandebavardeuse sur le réseau social TikTok, où elle vulgarise des concepts de sciences sociales. La créatrice aux 200 000 abonnés a été auditionnée par la commission sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, mardi 3 juin, notamment au côté du journaliste HugoDécrypte. "Il y avait beaucoup moins de députés à notre audition qu'à celle de ces influenceurs problématiques, ils étaient trois dans la salle", regrette-t-elle.

En effet, une dizaine de parlementaires ont assisté aux auditions de Nasdas, AD Laurent, Alex Hitchens, Julien et Marion Tanti, mardi 10 juin. Ces influenceurs ont été convoqués par la commission après une enquête en ligne, à laquelle ont répondu 30 000 personnes, qui posait notamment la question "Quels sont les influenceurs qui vous choquent ?", explique le député socialiste Arthur Delaporte, président de la commission.

Provocations et vidéos virales

De nombreuses séquences issues de ces auditions ont par la suite été relayées sur les réseaux sociaux : blague douteuse de l'acteur de films pornographiques AD Laurent, invective de l'influenceur Nasdas sur le salaire des députés ou encore l'influenceur masculiniste Alex Hitchens, en visioconférence, qui raccroche au nez des députés. "Dans ces auditions, il n'y avait pas vraiment de réflexion autour de l'usage de TikTok mais plutôt une volonté de leur part de se laver de toute accusation. On n'a rien appris in fine", affirme Anna Baldy. De son côté, le président de la commission estime que ces auditions ont permis de comprendre leur "modèle économique qui fonctionne sur le clash permanent".

@grandebavardeuse

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♬ son original - Bavardage

Diffusées à large échelle sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels, ces séquences ont surtout fait connaître au grand public ces figures controversées des réseaux sociaux. "C'est exactement ce que ces créateurs de contenus problématiques cherchaient", regrette Anna Baldy.

"Tout leur modèle économique se base sur le fait de dire les choses les plus choquantes possibles pour obtenir derrière la plus grande visibilité."

Anna Baldy, @grandebavardeuse sur TikTok

à franceinfo

"Cette visibilisation s'est aussi faite à leur détriment", tempère Arthur Delaporte. Des parents l'ont remercié de leur avoir fait connaître le contenu de ces personnalités auquel leurs enfants sont exposés.

Experts pertinents et "contenus abrutissants"

Selon le député, ces auditions ultra-médiatisées ont surtout "invisibilisé" celles d'autres experts "passionnants", entendus par la commission depuis le mois de mars "qui n'ont pas eu l'écho qu'elles auraient dû avoir". Morgan Lechat - plus connu sous le pseudo @monsieurlechat94 -, professeur de physique chimie aux 425 000 abonnés sur TikTok, dresse le même constat. Également auditionné, il a suivi toutes les auditions des psychiatres, docteurs en neurosciences ou encore ingénieurs. "Ces experts n'ont pas d'audience de base alors que nous, nous avons pu relayer une partie de nos propos sur nos réseaux sociaux et leur donner une certaine portée", explique-t-il.

@monsieurlechat94 Alors quel est ton score ? En espérant que ce soit clair comme de l’eau de roche 🏝️ #physique #chimie #quiz #fun ♬ son original - monsieurlechat94

Une portée importante pour montrer qu'il n'y a pas que des "contenus abrutissants" sur TikTok, mais aussi "du bon", selon l'enseignant qui est régulièrement interpellé par des élèves dans ses commentaires pour les aider dans leurs révisions. Présent sur les réseaux sociaux depuis 2020, il constate que ses élèves utilisent désormais TikTok comme moteur de recherche et c'est pourquoi il est important pour lui d'être présent sur la plateforme. "S'il y a un cadre sain, notamment pour les mineurs, les réseaux peuvent aussi apporter beaucoup de belles choses", ajoute-t-il.

Un rapport d'enquête à venir

"On est très loin des chorégraphies consommées en masse il y a cinq ans. Aujourd'hui, l'usage s'est diversifié", abonde Anna Baldy. Ses vidéos, qui durent parfois jusqu'à huit minutes, sur des sujets complexes tels que la pensée du philosophe allemand Schopenhauer, cumulent des centaines de milliers de vues, "alors qu'on associe souvent TikTok à un outil de scrolling sur lequel on ne passe pas plus de 15 secondes par vidéo".

Toutes ces auditions, qui avaient pour but "d'éclairer" les députés sur la question de la régulation du réseau social TikTok donneront lieu à un rapport parlementaire, rédigé par la rapporteure macroniste Laure Miller. "Les influenceurs problématiques ne représentent que 3% des personnes auditionnées donc leur propos ne représentera pas beaucoup plus que 3% de rapport", conclut Arthur Delaporte.

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