Usage des réseaux "massif et précoce", "attentes fortes de protection"… Les pratiques numériques des ados dévoilées dans une enquête de l'Arcom

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une adolescente consulte son téléphone sur son lit aux Pays-Bas, le 17 juillet 2025. (ROBIN UTRECHT / ANP MAG / AFP)
Une adolescente consulte son téléphone sur son lit aux Pays-Bas, le 17 juillet 2025. (ROBIN UTRECHT / ANP MAG / AFP)

Après avoir interrogé 2 000 jeunes de 11 à 17 ans, le régulateur de l'audiovisuel et du numérique dresse le portrait d'une génération ultraconnectée, mais consciente des dangers existant sur les plateformes.

Des adolescents "pas naïfs" mais parfois démunis face aux risques des plateformes. Dans une étude* consacrée à la protection des adolescents en ligne, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dévoile, jeudi 25 septembre, une photographie "inédite" des pratiques numériques des 11-17 ans et de leur regard sur les risques associés à ces usages. Franceinfo présente les principaux enseignements de cette enquête, qui démontre la place centrale des plateformes dans la sociabilité et les préoccupations des ados.

Un usage "massif et précoce" des plateformes

C'est la confirmation d'une jeunesse accro aux réseaux. Quatre adolescents sur cinq utilisent chaque jour au moins une plateforme comme YouTube, Snapchat, TikTok, Instagram ou Twitch. Cette habitude commence très tôt, parfois avant 10 ans, et elle s'intensifie avec l'âge, jusqu'à atteindre un taux d'utilisation quotidienne de 96% chez les jeunes âgés de 17 ans.

En moyenne, les mineurs interrogés jonglent entre trois et quatre plateformes chaque jour, avec une appétence particulière pour YouTube, Snapchat et TikTok. A l'approche de l'âge adulte, c'est Instagram qui devient le réseau le plus consulté (71% chez les 17 ans).

Cet attachement aux plateformes semble "massif" et "de plus en plus précoce", si bien qu'elles sont devenues "incontournables" pour les adolescents, observe l'Arcom. Elles répondent à une quête de divertissement, d'évasion et d'information, mais aussi, en premier lieu, à un "besoin d'appartenance et de lien social". Ainsi, une adolescente de 16 ans interrogée dans le panel témoigne : avant de rejoindre les réseaux sociaux, "j'étais comme si je n'avais pas vraiment une vie sociale comme les autres (...) parce que ça m'isolait des groupes de classe ou des groupes d'amis".

Une exposition généralisée à plusieurs "formes de risques"

S'ils vantent les "contenus éducatifs" et la "vie sociale riche" à laquelle les plateformes leur permettent d'accéder, les adolescents sont aussi conscients des "risques graves" auxquels ils peuvent être exposés en ligne. Ils citent spontanément l'hyperconnexion, le cyberharcèlement ou encore l'exposition à des contenus inadaptés ou à des arnaques. Autant de risques auxquels ils ont été sensibilisés par leurs parents ou à l'école, "mais aussi à la suite d'expériences vécues, parfois douloureuses", relève l'Arcom.

Cette confrontation aux risques des plateformes est très concrète pour une majorité des adolescents. Elle prend diverses formes selon l'âge, avec un cyberharcèlement plus fréquent chez les plus jeunes et une exposition aux contenus haineux, violents ou pornographiques plus courante chez les plus âgés.

L'Arcom relève par ailleurs "une hiérarchie claire" établie par les adolescents entre différents risques. S'ils considèrent que le cyberharcèlement et les sollicitations d'adultes mal intentionnés sont des pratiques graves, ils "banalisent" l'hyperconnexion et l'exposition aux contenus choquants, "les acceptant comme partie intégrante de leur expérience en ligne". De même, ils tendent à en minimiser les conséquences "pour eux-mêmes", bien qu'un jeune sur trois reconnaisse un "impact négatif" des plateformes sur sa santé mentale.

Près d'un jeune sur deux reconnaît contourner les règles fixées à la maison

Face aux risques, "les adolescents s'estiment majoritairement prudents" et "développent des stratégies d'autorégulation", relève l'étude. Huit utilisateurs sur dix affirment ainsi veiller à ne pas partager d'informations personnelles avec des inconnus ou limiter l'accès à leurs données et publications à des personnes de confiance. Après une exposition à un contenu choquant, ils sont 71% à avoir mis en place au moins une action (discussion avec un proche, modification de compte...).

Les parents, nettement plus inquiets pour leur progéniture, s'avèrent très impliqués dans l'encadrement des pratiques. Des règles sur l'usage du numérique sont instaurées dans 94% des foyers, à commencer par l'interdiction à certaines heures et la prohibition d'une partie des applications existantes. Près de la moitié des parents ont activé un outil de géolocalisation de leur enfant et un tiers surveillent son activité en ligne.

"Les mineurs comprennent le besoin des parents d'instaurer certaines règles et contrôles" pour "les protéger", mais "certains vivent mal le fait d'être privés de leur liberté", surtout en grandissant, relève l'Arcom. Si bien que 45% des jeunes interrogés reconnaissent régulièrement contourner les règles instaurées. Quels que soient les dispositifs utilisés (comptes pour ados, contrôle parental, etc.), ils doivent "s'accompagner d'un dialogue", mais celui-ci s'avère "parfois difficile" du fait des écarts de perceptions et de connaissances numériques entre les adolescents et leurs parents, souligne le régulateur.

Par ailleurs, malgré l'interdiction d'accès aux réseaux sociaux avant 13 ans, fixé dans les conditions générales d’utilisation des plateformes, "le contournement de la limite d'âge s'avère souvent aisé" et près de deux tiers des adolescents reconnaissent avoir déjà menti sur leur âge pour s'y inscrire, rapporte l'Arcom.

Des "attentes élevées" envers les plateformes et les adultes

Au-delà de la vérification de l'âge, des dispositifs de prévention et d'aide existent sur les plateformes (vidéos de sensibilisation, blocage de contenus, orientation vers des associations de prévention du suicide, etc.), mais ces outils "ne sont pas toujours adaptés aux adolescents" et "restent insuffisants", estime le régulateur. Les jeunes eux-mêmes jugent facile de signaler des contenus, de bloquer des profils ou d'agir sur les algorithmes pour éviter certains types de publications, mais ils utilisent "peu" ces possibilités et se montrent partagés sur la réponse apportée à leurs signalements.

Dès lors, la moitié des adolescents estiment que les plateformes n'en font pas assez pour les préserver et expriment le souhait d'être davantage soutenus et protégés. "Les adolescents ont de fortes attentes d'accompagnement", qui sont d'autant plus prononcées chez les filles, les collégiens et ceux "qui ont été exposés aux risques", relève l'étude. Ils souhaitent ainsi plus d'outils, de modération ou encore de sensibilisation de la part des plateformes. D'autres acteurs, comme les parents, l'école ou les institutions publiques, sont également invités à se mobiliser pour plus de formations, de prise en charge des victimes et de sanctions des contrevenants.


* Etude quantitative menée par l'institut Ipsos BVA pour l'Arcom auprès de 2 000 mineurs âgés de 11 à 17 ans et auprès de leurs parents, du 9 au 23 avril 2025, sous la forme d'un questionnaire en ligne. Ce travail a été complété par une enquête qualitative réalisée par le même organisme, du 19 février au 6 mars 2025, auprès de 28 jeunes de 11 à 17 ans lors d'entretiens individuels ou en groupes de trois amis.

Pour signaler toute situation de harcèlement ou de cyberharcèlement, que vous soyez victime ou témoin, il existe un numéro de téléphone gratuit, anonyme et confidentiel, le 3018, accessible du lundi au samedi, de 9 heures à 20 heures. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère de l'Education nationale.

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