Pillages, répression, couvre-feu... Que se passe-t-il à Madagascar, où des centaines de manifestants protestent depuis deux jours ?
Le mouvement initié par la jeunesse sur les réseaux sociaux se révolte contre les coupures d'eau et d'électricité, mais aussi pour le respect des droits fondamentaux.
Les manifestants restent mobilisés à Madagascar. Plusieurs centaines de Malgaches ont à nouveau marché pour protester contre le gouvernement, samedi 27 septembre, à Antananarivo. Les forces de l'ordre, déployées en grand nombre, ont empêché les manifestants d'approcher du centre-ville de la capitale, utilisant des grenades lacrymogènes pour les disperser. Ce rassemblement intervient deux jours après qu'une manifestation antigouvernementale interdite a dégénéré en heurts et en pillages. Voici ce que l'on sait de la situation sur place.
Une protestation contre les coupures d'eau et d'électricité
Pour la deuxième fois en trois jours, des manifestants ont répondu samedi un appel à descendre dans la rue pour protester contre les coupures incessantes d'eau et d'électricité. "Chez nous, cela fait trois ans qu'on n'a plus d'eau et qu'on a des coupures d'électricité tous les jours", confie une manifestante à Mayotte La 1ère. Les protestataires rassemblés à Antananarivo ont aussi brandi des pancartes avec des slogans comme "Nous sommes pauvres, en colère et malheureux", "Madagascar est à nous" et "Nos voix brillent plus que la lumière que vous refusez de nous donner".
La plupart des manifestants étaient vêtus de noir et avaient le visage couvert, certains arborant des chapeaux de paille colorés, devenus un symbole de défiance. En dépit de ses richesses naturelles exceptionnelles, Madagascar reste l'un des pays les plus pauvres de la planète. Près de 75% de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022, d'après la Banque mondiale. L'île est également classée 140e sur 180 pays dans l'indice de perception de la corruption de Transparency International.
Le ministre de l'Energie limogé
Le président malgache a tenté de reprendre la main vendredi. "J'ai entendu les revendications du peuple majoritaire sur le délestage et les pénuries d'eau", a déclaré Andry Rajoelina dans une vidéo. Disant avoir "eu les larmes aux yeux" depuis New York, où il s'était déplacé pour l'Assemblée générale de l'ONU, le chef d'Etat a "constaté que le ministre de l'Energie ne faisait pas son travail" et a annoncé le limoger.
Installé au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat, après un mouvement de contestation populaire en 2009, Andry Rajoelina a qualifié les événements de jeudi de "factuellement prémédités". "Il s'agit d'actes de déstabilisation et d'une forme de coup d'Etat", a-t-il accusé. A la suite de sa prise de parole, le mouvement a appelé à défiler samedi à partir de 10 heures depuis l'université d'Antananarivo.
Un mouvement parti de la génération Z
Les manifestants, jeunes et étudiants pour la plupart, sont appelés à se mobiliser via les réseaux sociaux, à travers un mouvement baptisé "Gen Z". Il s'agit d'une référence à la génération Z, les personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010. Le mouvement reprend par ailleurs à son compte le drapeau pirate tiré de la série japonaise One Piece, signe de ralliement déjà vu en Indonésie et au Népal dans des mouvements de contestation anti-régime.
Au-delà des coupures d'eau et d'électricité, les partisans de la "Gen Z" réclament le respect de leurs droits fondamentaux. Agé de 51 ans, Andry Rajoelina a été réélu fin 2023 lors d'un scrutin boycotté par l'opposition, auquel moins de la moitié des électeurs inscrits avait pris part. "Nos droits fondamentaux ne sont pas respectés, le droit de manifester pacifiquement, le droit de nous exprimer...", dénonce une manifestante auprès de Mayotte La 1ère.
Des violences qui ont fait au moins six morts
La police a dispersé, jeudi comme samedi, les groupes de manifestants avec des grenades lacrymogènes et des tirs de balles en caoutchouc. Jeudi, la manifestation avait été suivie d'incendies et de pillages. Un distributeur automatique de billets saccagé, des véhicules calcinés et des vitrines dévalisées en témoignent, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Malgré le déploiement des forces de sécurité, les domiciles de trois parlementaires proches du pouvoir ont été incendiés jeudi. Une station du téléphérique tout juste inaugurée, un des projets phares du gouvernement, a également été incendiée. Au total, cinq grandes villes du pays (Antsiranana, Majunga, Toliara, Antsirabe et Antananarivo) sont concernées par des couvre-feux nocturnes. Le mouvement s'est désolidarisé des scènes de pillages. Les gens "sont déjà pauvres et n'ont rien. Et ils prennent le peu qu'ils voient", explique un militant de la "Gen Z".
A Antsiranana (nord), des vidéos sur les réseaux sociaux montrent des centaines d'étudiants défilant vendredi en portant le corps de l'un d'entre eux, tué pendant les troubles. Ces images ont été confirmées à l'AFP par une source locale. Selon une source hospitalière, au moins six personnes ont perdu la vie, rapporte également La 1ère. L'ambassade de France a recommandé de "reporter pour l'instant tout projet de voyage".
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