Comment le "check" s'est imposé dans la vie de tous les jours
De la rue à la Maison Blanche, le check, une alternative à la poignée de mains, s'est complètement banalisé. Le documentaire "Shake this out", diffusé jeudi soir sur France 4, revient sur l'ascension de ce geste, hérité de la période esclavagiste aux Etats-Unis.
Il a donné un sérieux coup de jeune à la classique poignée de mains. En quelques années, le "check" est devenu un geste complètement banalisé aux Etats-Unis, comme en France et dans la plupart des pays européens. Certains font juste cogner leurs poings fermés, d'autres qui y ajoutent une accolade. Mais sans doute peu d'entre eux connaissent les origines du check, sur lesquelles revient un documentaire, Shake this out, diffusé sur France 4, jeudi 23 avril à 23h55.
Des esclaves à la Maison Blanche
Retour en novembre 2008. Ausoir de son élection à la présidence des Etats-Unis, Barack Obama surprend tout le monde, en saluant son épouse, Michelle, d'un fist bump. Un geste d'à peine deux secondes, les poings fermés, en signe de complicité. Aussi appelé DAP (pour "dignity and pride", dignité et fierté), shake (secouer), ou pound (frapper), ce geste, inédit dans la sphère politique, intrigue immédiatement. Certains médias, comme la chaîne conservatrice Fox News, s'interrogent : "Que signifie cette nouvelle façon de se saluer ? Et si c'était un signe jihadiste ?"

L'origine n'a évidemment rien à voir. Symbole de la culture afro-américaine, le check est né à la fin de la période esclavagiste aux Etats-Unis, au XIXe siècle. "Il y avait des voies ferrées construites sous les villes pour cacher les esclaves, qu'on transportait du sud vers le nord, pour qu'ils obtiennent leur liberté, raconte Theodor Leonsis, propriétaire de l'équipe de basket des Washington Wizard. Il fallait qu'ils gardent le silence, qu'ils se dissimulent. Pendant le trajet, ils levaient le poing entre eux, en signe de liberté. Habitués à avoir les poignets liés dans le dos, et les pieds enchaînés, le simple fait de lever le bras était un signe de liberté."
Dans les années 1960, alors que la ségrégation raciale s'applique dans tout le pays, la communauté noire reprend à son compte le poing levé, en signe de solidarité face aux discriminations qu'elle subit. Dans le même temps, à plusieurs milliers de kilomètres de là, les soldats afro-américains engagés dans la guerre du Vietnam y rajoutent des variations. Le check prend alors la forme d'un pound (les poings posés l'un sur l'autre simultanément), en signe de réconfort et de soutien.
Mais le poing levé ne devient vraiment un symbole à l'échelle du monde que lors des Jeux olympiques de Mexico, en 1968, lorsque les deux athlètes noirs Tommie Smith et John Carlos lèvent un poing recouvert d'un gant noir sur le podium de l'épreuve du 200 mètres, pour protester contre la condition des Noirs aux États-Unis.

Un symbole de la culture urbaine
Au fil des ans, le check se transforme, se réinvente, et se généralise peu à peu au sein de la communauté noire. La même qui a popularisé le hip hop dans les années soixante-dix dans les ghettos noirs. Le check se développe dans la rue, et devient une expression de fraternité avec tous ceux qui partagent la même culture.
Le rappeur américain 20Bello lui consacre même une chanson, Dap it up, dans laquelle il incite les gens à faire ce geste plutôt que d'utiliser les armes : "On ne tue pas quand on serre la main, du moins, pas dans notre culture", confie-t-il aux documentaristes Joachim Barbier et Julian Nodowlsky.
Le check, la "coolitude" pour tous
Alors comment expliquer que le check, symbole de la sous-culture urbaine, soit arrivé à la Maison Blanche ? "La 'coolitude', c'est le propre de Barack Obama, explique à francetv info Nacira Guénif-Souilamas, professeure à Paris VII, spécialiste des pratiques identitaires. Quand il est arrivé au pouvoir, tout le monde a dit qu'il était cool, et son usage fréquent du check est venu renforcer cette image."


Si le check de Barack Obama apparaît comme un signe de décontraction, c'est aussi du fait de sa couleur de peau. "Son geste est légitime et accepté puisqu'il est Noir. Durant sa campagne, lorsqu'il allait voir les électeurs du sud de Chicago, c'est probable qu'il se soit présenté par des checks plutôt que des poignées de mains, précise Nacira Guénif-Souilamas. Par contre, si Georges W. Bush avait fait ça, cela aurait été perçu comme un affront. Le check aurait été politisé, et vidé de tout son sens."
Le président américain ne "checke" d'ailleurs pas avec n'importe qui : des Noirs, des jeunes, des enfants… Mais rarement avec des Américains blancs de 50 ou 60 ans ! Sur la chaîne américaine Comedy Central, le duo Key & Peele s'était d'ailleurs moqué de ce "check sélectif".
En France, une geste générationnel
Si Barack Obama a popularisé le check aux États-Unis, pas sûr que François Hollande en fasse de même en France. "Il n'est pas identifié à un peuple opprimé, décrypte Nacira Guénif-Souilamas. Le check en France est surtout une question générationnelle, dénuée de toute dimension raciale."
Produit de la mondialisation, il s'est petit à petit transmis par le hip hop, la danse, jusqu'à devenir un marqueur des cultures urbaines. "D'ailleurs, le marketing s'en sert aujourd'hui pour vendre ses produits à destination de la jeunesse", explique la spécialiste. A durée variable et gestuelle plus ou moins acrobatique,"c'est un geste de reconnaissance, qui montre qu'on appartient au même groupe."
De là à savoir si le check supplantera, un jour, la classique poignée de main… "Le vrai signe de changement, reprend Nacira Guénif-Souilamas, ca sera le jour où une femme blanche arrivera à Washington, et fera un check pour se présenter !"
*Shake it out - Une histoire de la salutation, diffusion le 23 avril sur France 4, à 23h55.
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