Reportage "C'est aussi de la résistance" : malgré la guerre en Ukraine, à l'Opéra de Kharkiv, les spectacles continuent pour "sauver l'âme des spectateurs"

Article rédigé par Simon Le Baron, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1min
Julia Antonova, soliste à l'opéra de Kharkiv, considère son art comme un acte de résistance. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Julia Antonova, soliste à l'opéra de Kharkiv, considère son art comme un acte de résistance. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

L'Opéra de Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, à 30 km du front, continue de proposer des spectacles malgré la menace permanente. Sauf que les représentations ne se déroulent plus dans la grande salle de 1 500 places, mais dans l'abri anti-bombes du bâtiment.

L'art comme thérapie face à la guerre. Manteau de fourrure blanche et porte-cigarettes, Julia Antonova interprète une Venus qui ressemble étrangement à Marilyn Monroe. La soliste explique que son mari est secouriste mais qu'elle aussi défend son pays à sa manière. "Mon mari sauve les gens physiquement. Moi, je sauve l'âme des spectateurs", déclare-t-elle.

Dans ce bunker de 400 places, toujours à guichets fermés, le spectacle du soir ressemble à une grande fête, comme pour conjurer le sort. "C'est aussi de la résistance, explique Julia Antonova. C'est en quelque sorte notre position de combat, de défendre les gens contre cette atmosphère négative, parce que c'est impossible de vivre dans ce stress permanent."

Depuis juin 2024, les représentations de l'opéra de Kharkiv, en Ukraine, se déroulent dans un véritable bunker aux normes de sécurité maximales. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Depuis juin 2024, les représentations de l'opéra de Kharkiv, en Ukraine, se déroulent dans un véritable bunker aux normes de sécurité maximales. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

"Ce n'est pas seulement un médicament"

Le directeur Ihor Tuluzov raconte que souvent, lors des alertes, des passants viennent se réfugier dans le bunker. "On n'arrête pas le spectacle parce que la sécurité est maximale, raconte le directeur. Ils ont en plus le plaisir de l'opéra, pour eux, c'est un bonus", sourit-il.

À l'affiche, c'est Énéide, de l'Ukrainien Mykola Lyssenko. Il n'y a plus aucun compositeur russe au programme ou presque. "Stravinsky, Prokofiev, on continue à les jouer, parce qu'ils ont des racines ukrainiennes, indique Ihor Tuluzov. Mais Tchaikovsky, Moussorgsky, en ce moment, on n'en veut pas."

Depuis le début du conflit avec la Russie, Ihor Tuluzov, le directeur de l'opéra de Kharkiv ne programme plus d'opéras russes. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Depuis le début du conflit avec la Russie, Ihor Tuluzov, le directeur de l'opéra de Kharkiv ne programme plus d'opéras russes. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Sept employés du théâtre sont au front, un autre est morts. L'art "n'est pas seulement un médicament, poursuit le directeur de l'opéra. C'est une sorte d'arme avec laquelle nous combattons contre cette terrible invasion." La réplique grandeur nature d'une mitrailleuse trône d'ailleurs dans le bureau du directeur.

Le reportage de Simon Le Baron et Gilles Gallinaro à Kharkiv

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