Trois questions sur le "mur antidrones" réclamé par plusieurs pays européens visés par des incursions imputées à la Russie

Une dizaine de pays souhaitent mettre en place un tel système de défense commun. Ils comptent s'appuyer sur l'exemple ukrainien, qui a développé un système de détection pour se protéger des attaques de la Russie.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un drone A1-Falke photographié en action lors d'un exercice de défense anti-drone dans le cadre d'un exercice militaire, le 26 septembre 2025, à Hambourg, dans le nord de l'Allemagne. (TOBIAS SCHWARZ / AFP)
Un drone A1-Falke photographié en action lors d'un exercice de défense anti-drone dans le cadre d'un exercice militaire, le 26 septembre 2025, à Hambourg, dans le nord de l'Allemagne. (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

Les Européens cherchent une parade. Après les incursions dans le ciel européen d'une vingtaine de drones et de trois avions de combat russes, les pays de l'UE souhaitent renforcer leur défense, principalement aux abords de la Russie. Un nouveau survol de drones d'origine inconnue, au-dessus de la plus grande base militaire du Danemark, a été constaté, vendredi 26 septembre au soir, a annoncé la police danoise. Une dizaine de pays, dont plusieurs qui ont connu des incursions imputées à Moscou, considèrent désormais comme une "priorité" la mise en place d'un "mur antidrones". Les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 doivent en discuter mercredi lors d'une réunion informelle à Copenhague.

D'où vient l'idée d'un "mur antidrones" ?

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a avancé l'idée d'un "mur de drones" européen lors d'un discours le 10 septembre devant le Parlement européen. La proposition a fait du chemin et se retrouve dorénavant défendue par une dizaine de pays. La Pologne, l'Estonie ou encore la Roumanie ont récemment vu leur espace aérien violé par des appareils russes. A ces incursions répétées vient s'ajouter le survol de drones, d'origine inconnue à ce stade, au Danemark, et qui ont contraint les autorités à fermer l'aéroport de Copenhague en début de semaine.

La Pologne, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie, la Finlande, la Hongrie, la Bulgarie, le Danemark ainsi que l'Ukraine, également invitée, ont participé, en vidéo, à une réunion organisée vendredi par le commissaire européen à la Défense, Andrius Kubilius. "Nous devons agir rapidement", a déclaré ce dernier dans un entretien à l'AFP. "Nous devons agir en tirant toutes les leçons de l'Ukraine et en construisant ce mur antidrones ensemble avec l'Ukraine."

Kiev doit intercepter chaque nuit ou presque des centaines de drones lancés par la Russie sur son territoire. Le pays est d'ailleurs l'un des très rares sur le continent à fabriquer des drones antidrones. "L'Ukraine a construit un système de capteurs acoustiques dès le début de la guerre, en un laps de temps très court", a expliqué Andrius Kubilius à l'AFP. "Je pense que nous aussi pouvons faire cela assez rapidement", a-t-il ajouté.

Comment le dispositif fonctionne-t-il ?

En premier lieu, les Etats inquiets de ces percées dans leur espace aérien comptent muscler leurs capacités de détection des drones. Il s'agit, d'ici à un an, selon un responsable de l'UE, d'avoir un réseau de "capteurs", terrestres ou par satellites, capables de détecter des drones et de les "tracer" aux frontières orientales de l'Europe, des pays baltes à la Bulgarie.

La deuxième étape consistera à mettre en place des systèmes d'interception, plus lourds et plus coûteux. "C'est extrêmement compliqué. On parle de tout petits drones qu'il va falloir détecter avec des radars spécifiques", explique sur LCI Gaëtan Powis, journaliste défense pour Air & Cosmos. "Il faut pouvoir être flexible, déplacer ces systèmes, et c'est là que ça devient extrêmement compliqué au vu du territoire à couvrir."

L'UE ne part pas d'une feuille blanche et doit pouvoir s'appuyer sur le projet de coopération militaire baptisé "Baltic Drone Wall". Il s'agit d'une combinaison de systèmes de surveillance utilisant notamment de l'intelligence artificielle. Le programme, qui vise à renforcer la frontière orientale de l'UE et de l'Otan, a été lancé en début d'année par la Pologne, la Finlande, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, et implique plusieurs entreprises. Deux d'entre elles affirment que certaines parties de la technologie du mur de drones sont déjà déployées, mais elles attendent de voir si d'autres pays européens souhaitent acquérir cette technologie, détaille Euronews

L'Europe compte également s'appuyer sur l'exemple ukrainien. Kiev s'apprête d'ailleurs à passer à l'étape suivante avec un "mur électronique" opérationnel sur les 1 300 km de la ligne de front. Ce système baptisé Atlas est constitué d'un réseau de 8 500 détecteurs de drones couplé à un centre de commandement intégré avertissant automatiquement toutes les unités concernées.

Combien un tel dispositif peut-il coûter ?

Le coût de ce nouvel "écosystème" de protection n'a pas encore été évalué. L'ancien Premier ministre lituanien l'estime à "plusieurs milliards d'euros, pas des centaines de milliards". La facture pourrait être en partie réglée, selon le commissaire européen Andrius Kubilius, par les 150 milliards d'euros de prêts récemment mis à disposition des 27 par la Commission européenne.

Ce projet de mur devrait être plus économique que les missiles ou les avions de chasse lancés par l'Otan contre les drones russes récemment entrés en Pologne. "Sur les 27 drones retrouvés en Pologne, on n'en a détecté que 19 et on n'en a intercepté que quatre, en faisant décoller des avions qui coûtent entre 20 000 et 40 000 euros de l'heure de vol et en tirant des missiles qui coûtent 1,2 million d'euros chacun", détaille sur TV5 Monde Xavier Tytelman, ancien aviateur militaire et expert en défense.

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