Incursions russes : jusqu’où l’Otan doit-elle aller pour défendre son espace aérien ?

Les incursions de drones et d’avions russes dans le ciel de pays membres de l’Otan ravivent un débat sensible : faut-il aller jusqu’à abattre ces appareils ? L’exemple turc de 2015, qui avait failli déclencher une crise majeure avec Moscou, reste dans toutes les mémoires.

Article rédigé par Angélique Bouin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
L'un des trois avions de combat Rafale déployés en Pologne par la France dans le cadre d'une opération de l'Otan appelée "Sentinelle orientale", le 13 septembre 2025. (- / ETAT MAJOR DES ARM?ES)
L'un des trois avions de combat Rafale déployés en Pologne par la France dans le cadre d'une opération de l'Otan appelée "Sentinelle orientale", le 13 septembre 2025. (- / ETAT MAJOR DES ARM?ES)

Les récentes intrusions d’appareils russes dans l’espace aérien polonais et estonien posent une question délicate aux pays membres de l’Otan : doivent-ils abattre les avions de Moscou qui franchiraient leurs frontières ?

"En 2015, un avion russe a survolé la Turquie, il a fallu 12 secondes pour que le président turc fasse abattre cet avion russe. Depuis, il n’y a plus un seul avion russe qui survole la Turquie", rappelait, jeudi 25 septembre, sur franceinfo (canal16) l’eurodéputée Nathalie Loiseau, spécialiste des questions de défense.

L’incident turco-russe a failli tout faire basculer

En novembre 2015, en marge de la guerre en Syrie, un avion de chasse russe accusé d’avoir violé l’espace aérien turc a été détruit par un F-16 turc. Ankara avait diffusé des enregistrements radio pour prouver que les pilotes russes avaient été avertis. Moscou, furieux, avait nié toute incursion et accusé la Turquie d’avoir agi sans sommation.

La tension fut alors extrême, car la Turquie, membre de l’Otan, aurait pu invoquer l’article 5 du traité. Ce texte, considéré comme le cœur de l’Alliance atlantique, prévoit qu’une attaque contre un pays membre est une attaque contre tous. En cas de riposte russe, Ankara aurait donc pu entraîner ses alliés dans un conflit direct avec Moscou.

L’Otan face au dilemme de la riposte

À l’époque, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait fait le choix de la fermeté, sans que Vladimir Poutine ne surenchérisse. Mais cet épisode illustre la fragilité de la situation. "Il y a un point d’équilibre à trouver entre fermeté et volonté d’éviter l’escalade", souligne Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otan, aujourd'hui secrétaire général de l’ASD  (L'Association des industries aérospatiales et de défense de l'Europe).

Selon lui, l’Otan ne doit pas s’interdire d’abattre un avion qui représenterait un danger, mais elle dispose aussi "d’une large gamme d’outils pour montrer ses muscles", notamment en renforçant ses moyens, en se donnant, par exemple, plus de moyens pour intercepter plus vite les appareils violant l’espace aérien de ses membres.

Le risque d’une Troisième Guerre mondiale ?

Pour certains experts, le danger réside dans la possibilité d’un dérapage. "Une erreur, une violation, une réaction excessive – et un affrontement local peut déclencher une Guerre Mondiale", alerte l’Américain Allen Frazier dans une tribune sur le site Military.com.

Ces épisodes rappellent à quel point la ligne rouge entre dissuasion et confrontation reste ténue pour l’Otan.

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