Reconnaissance de l'État de Palestine : "Nous avons une responsabilité historique, une responsabilité devant les peuples et devant l'histoire", insiste Dominique de Villepin
Lundi 22 septembre, alors qu'Emmanuel Macron doit reconnaître au nom de la France l'existence de l'Etat de Palestine, Léa Salamé reçoit Dominique de Villepin dans le JT du 20 Heures.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour le regarder en intégralité.
L'ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, est l'invité du 20 Heures, lundi 22 septembre. Il réagit à la reconnaissance par la France de l'État de Palestine.
Léa Salamé : dans un peu plus d'une heure, donc, Emmanuel Macron va reconnaître au nom de la France l'État de Palestine. Est-ce à vos yeux un moment historique ?
Dominique de Villepin : Oui, c'est un moment historique, d'abord parce que c'est un message d'espoir, même si c'est un espoir ténu pour les Palestiniens compte tenu de la tragédie humanitaire qui se joue aujourd'hui à Gaza et du drame qui se joue en Cisjordanie. Mais c'est aussi un appel à la responsabilité du gouvernement israélien, qui est aujourd'hui emporté par un hubris après la barbarie du 7 octobre, après le terrible acte terroriste du Hamas. Mais cet appel à la responsabilité doit conduire Israël à ouvrir les yeux sur ce qui se joue aujourd'hui et à ne pas céder à la tentation, jour après jour, du Grand Israël.
Mais ce n'est pas du tout. Vous avez entendu la réaction de Benjamin Nétanyahou, qui dit qu'il n'y aura jamais d'État palestinien, qu'il juste terroriste et promet en représailles de doubler le nombre de colonies en Cisjordanie, c'est-à-dire du projet du grand Israël.
Dominique de Villepin : Et c'est pour cela que la reconnaissance de l'État palestinien pose un cadre politique. Deux États, dont on veut espérer qu'un jour ils pourront vivre côte à côte. Mais c'est un cadre politique qui justement nous sort de la situation d'exception où est aujourd'hui Israël, qui est poussé à l'idée en continu d'agrandir son territoire, porté par cette idée religieuse du grand Israël.
Et nous le savons avec en face des forces terroristes, des forces islamistes qui elles-mêmes sont portées par un idéal religieux. Et c'est pour cela que l'engagement qui est pris par la communauté internationale à travers la déclaration de New York et l'acte qui se déroule en ce moment, c'est un engagement très fort de mettre de côté le Hamas, de démilitariser le Hamas, ce qui doit nous offrir la possibilité aujourd'hui d'agir en faveur des otages, à travers la négociation, car nous savons que la politique de force ne mènera pas à cette libération.
C'est donc la seule solution. La question est : est-ce que les otages sont aujourd'hui la primauté, la première préoccupation du gouvernement israélien ? Je crains que la première préoccupation soit celle de cette grande ambition politique de se rêver d'un Grand Israël. La communauté internationale, elle est là pour rappeler Benjamin Nétanyahou à ses devoirs, à sa responsabilité à un moment où un génocide se déroule à Gaza.
Vous employez le mot de génocide, qui n'a pas été pour l'instant qualifié par la justice internationale.
Dominique de Villepin : Elle a parlé de risques plausibles de génocide. Dans la convention de 1948, il est prévu que c'est une nécessité de prévention et de répression. C'est-à-dire que tous les États sont obligés de prendre des mesures conservatoires pour empêcher ce risque génocidaire de se produire.
Oui, mais pour l'instant, la Cour internationale de justice n'a pas jugé sur le fond de cette affaire-là. Les mots ont un sens, mais au-delà de Benjamin Nétanyahou, que répondez-vous ?
Dominique de Villepin : Les mots ont un sens. Quand la France a parlé de génocide au moment où se déroulait le génocide rwandais, elle n'a pas attendu qu'il y ait un verdict ni des juristes ni des historiens. C'est un devoir de tout État de la communauté internationale.
Dominique de Villepin, qu'est-ce que vous répondez à ceux, en dehors de Benjamin Nétanyahou, qui disent que reconnaître l'État de Palestine aujourd'hui, c'est une récompense pour le Hamas, alors qu'il reste une vingtaine d'otages vivants aux mains du Hamas à Gaza, et une vingtaine de corps qui n'ont pas été rendus ? Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
Dominique de Villepin : C'est un travestissement de la réalité. Nous savons tous deux choses. La première, c'est que le Hamas veut la destruction de l'État d'Israël. Le Hamas n'a jamais voulu la reconnaissance d'un État palestinien. La deuxième chose, c'est que le gouvernement Nétanyahou, depuis plus de dix ans, a tout fait pour renverser le Hamas : 1 milliard 500 millions de dollars ont été versés au Hamas avec l'acceptation du gouvernement Nétanyahou par le Qatar, dans un cadre qui est celui du pari de ce gouvernement de développer le Hamas contre l'autre branche palestinienne du Fatah.
Donc aujourd'hui, c'est cette responsabilité-là que le gouvernement israélien doit regarder en face puisque les pays arabes, les pays européens, la communauté internationale se proposent de mettre de côté le Hamas pour donner naissance à une nouvelle autorité palestinienne qui assumera ses responsabilités avec les États arabes à Gaza. Donc il y a aujourd'hui une réponse, une solution alternative qui doit permettre d'obtenir la libération des otages, qui doit être le premier objectif dans cette nouvelle période.
Hier, vous avez déclaré sur Radio J : "Emmanuel Macron devra rendre des comptes pour son inaction devant le désastre de Gaza." Qu'est-ce que ça veut dire ? Devant qui doit-il rendre des comptes ? Devant une commission ? Devant la justice internationale ?
Dominique de Villepin : Tous les responsables publics, français, européens, pays arabes, pays internationaux, ont une responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui. Est-ce que nous faisons tout ce que nous pourrions faire ? Non. Nous avons des outils pour faire pression aujourd'hui sur le gouvernement israélien, en particulier l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël.
Il ne s'agit pas de punir le peuple israélien. Il s'agit de faire pression sur un gouvernement qui aujourd'hui agit en forcené. Dans ce contexte-là, nous avons une responsabilité historique, une responsabilité devant les peuples et devant l'histoire. Et nous le savons puisque d'autres drames, qui n'avaient peut-être pas la même gravité, se sont déroulés. Rappelez-vous dans l'affaire de l'intervention en Irak, le gouvernement britannique a dû faire l'objet d'une commission d'enquête. Dans d'autres drames, il y a eu des tribunaux ad hoc.
Donc vous espérez une commission d'enquête contre Emmanuel Macron ?
Dominique de Villepin : Mais ce que j'espère, c'est que chacun puisse tirer les leçons avant même d'attendre que la catastrophe soit portée jusqu'au bout. Aujourd'hui, il y a un plan poursuivi par le gouvernement de Benjamin Nétanyahou, où ce plan, c'est à la fois la déportation de deux millions de Gazaouis en dehors du territoire. Et c'est une politique qui visera à annexer ce territoire, comme d'ailleurs la Cisjordanie. Ce plan du Grand Israël, nous ne pouvons pas le cautionner. Ce plan du Grand Israël, aujourd'hui, il se fait au détriment de la vie des otages. Il faut que chacun, aujourd'hui, prenne ses responsabilités devant la communauté internationale.
Merci d'avoir été avec nous aujourd'hui, Dominique de Villepin.
Parmi Nos sources :
Dominique de Villepin a été secrétaire général de l’Elysée, ministre des Affaires étrangères, c’est lui qui dira non à la guerre en Irak à l’Onu en 2003. Il fut ministre de l’Intérieur avant de devenir Premier ministre.
Diplomate de formation, c’est un homme de droite, proche de Jacques Chirac, il a récemment lancé son parti La France Humaniste.
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