Interview Gestuelle, tics, posture... La première apparition du pape Léon XIV décortiquée par une analyste comportementale

Les images du nouveau pape au balcon de la basilique Saint-Pierre regorgent d'indices sur son état d'esprit pendant ce moment très ritualisé. Véronique Millet, consultante en analyse comportementale, revient en détail sur cette séquence.

Article rédigé par franceinfo
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Le nouveau pape, Léon XIV, le 8 mai 2025 au balcon de la basilique Saint-Pierre (Vatican). (TIZIANA FABI / AFP)
Le nouveau pape, Léon XIV, le 8 mai 2025 au balcon de la basilique Saint-Pierre (Vatican). (TIZIANA FABI / AFP)

Une première apparition scrutée à la loupe. Le pape Léon XIV s'est exprimé au monde entier, jeudi 8 mai, au balcon de la basilique Saint-Pierre (Vatican), après son élection comme successeur de François. Son intervention a suscité un torrent de réactions, notamment de la part de nombreux fidèles de l'Eglise ou de dirigeants politiques. Une séquence décortiquée par Véronique Millet, consultante en analyse comportementale, qui évoque différents indices sur l'état d'esprit du pape à ce moment-là.

Franceinfo : Qu'est-ce qui vous a frappée après cette apparition du nouveau pape ?

Véronique Millet : La première des choses qu'on regarde, c'est la stature globale du corps. On peut imaginer, lorsqu'on retrouve devant cette grande foule, cette pression de par ses nouvelles fonctions, même s'il sourit. Mais quand il arrive, il a un sourire plutôt "social", qui va plutôt être soudé sur la gauche, mais avec un élément de tension personnelle sur la droite.

Ce moment est très ritualisé, avec ses propres codes... Est-ce que Léon XIV a eu une gestuelle particulière ?

Il y a une gestuelle que j'ai trouvée très sympathique. Au départ, quand il lève la main, il lève en fait les deux mains et, très rapidement, il pose la main gauche sur sa croix, tout en laissant sa main droite levée, orientée vers le peuple qui est face à lui. Comme pour souligner la notion de rassemblement entre l'Eglise et le peuple. Alors qu'il aurait très bien pu laisser ses deux mains levées. Un élément important : c'est sa main gauche qui est posée sur la croix. En synergologie, on va dissocier le côté droit du côté gauche. Côté gauche, c'est votre cœur, c'est ce qui vous touche, ce qui vous concerne, ce que vous aimez, c'est vous. Et puis l'extérieur, le social, le travail, les autres, c'est le côté droit. 

Il y a aussi des indices plus discrets ou fugaces qui trahissent son état d'esprit ?

Si vous regardez le début de son intervention et la fin, vous verrez que lorsqu'il salue, son corps est beaucoup plus souple à la fin, parce qu'il est ravi, il a rempli sa mission. Il a eu aussi quelques petits soubresauts, il s'imprègne du moment, tout en ayant des éléments de stress, qu'on va pouvoir lire sur de grandes respirations ou une déglutition.

"Un autre geste assez drôle : une sorte de reniflement, qu'il fait tout le temps et notamment à la fin de son intervention, quatre fois à la suite. Comme un tic qui montre que le corps se détend."

Véronique Millet, consultante en analyse comportementale

à franceinfo

Et parfois de manière très discrète, il piétine. Ces éléments montrent son émotion d'être devant tout le monde et de prendre la parole, parce qu'il sait qu'il est très écouté.

Dans son discours justement, quelles sont les choses qui vous ont interpellée ?

Ce qui est très intéressant, c'est ce premier mot avec lequel il commence, la "paix". Il va le dire six fois en une minute. Il y a une vraie insistance sur ce mot pour pouvoir le faire résonner et en faire le fil conducteur de sa prise de parole. Et quand il le dit, on a un soulèvement des sourcils et une bouche grande ouverte, comme lorsque vous voulez convaincre. Ses yeux s'écarquillent pour pouvoir asseoir son propos et regarder le public. Le mot "tous" a également résonné, c'est à la fois le peuple, l'humanité, la famille, c'est le nous, qui est aussi dit très souvent. Puis au moment où il prononce cette phrase : "Aidez-nous, aidez-vous les uns les autres à construire des ponts", et quand il parle du "mal", son regard est accroché sur ses feuilles, il n'est absolument pas dans l'improvisation, ce qui montre bien que l'ensemble des mots qu'il a écrits et choisis sont très importants. D'ailleurs, dans cette partie, ses sourcils sont un peu comme en colère, en tension, pour montrer l'importance de ces "ponts", et l'idée de pouvoir agir, avancer. Et dans la dernière partie, où il va plus parler de lui, la voix va devenir plus profonde et le corps va devenir plus souple, et son regard quitte ses feuilles, il est en direct avec le public.

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