Assassinat d'Yvan Colonna : défaut de vigilance, failles dans la vidéosurveillance... Ce qu'il faut retenir du rapport de l'inspection générale de la justice sur la prison d'Arles
Le rapport conclut que l'ex-directrice de la maison centrale et un surveillant ont failli. La Première ministre, Elisabeth Borne, a annoncé des procédures disciplinaires.
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Il fait 62 pages. Le rapport (document PDF) sur les circonstances de l'assassinat d'Yvan Colonna à la maison centrale d'Arles (Bouches-du-Rhône), début mars, a été mis en ligne dans la soirée du jeudi 28 juillet par l'Inspection générale de la justice. Elle y pointe plusieurs "manquements" de la part de deux agents, un surveillant et l'ancienne directrice de l'établissement. Matignon, qui a "décidé de suivre l'intégralité des recommandations", va engager des "procédures disciplinaires" à leur encontre. Franceinfo vous résume les quatre éléments essentiels de ce document.
Un "net défaut de vigilance" du surveillant chargé des activités
Il est 10h13, ce 2 mars, lorsqu'Yvan Colonna se trouve dans la salle de sport de la centrale. Il est "allongé au sol, pratiquant des exercices de musculation". Franck Elong Abe, un codétenu radicalisé, va alors "pénétrer dans la salle de sport, refermer la porte, puis sauter à pieds joints" sur l'indépendantiste corse. Page 24, le rapport décrit "neuf minutes d'extrême violence" qui "illustrent un véritable acharnement".
L'agression ne s'interrompt qu'à partir du moment où Yvan Colonna reste inerte au sol. Franck Elong Abe (que les auteurs du rapport appellent "X") "quitte la salle et y revient trente secondes plus tard, muni de son chariot de nettoyage". "Il ôte les sacs poubelle" qu'il avait utilisés pour étouffer sa victime, "puis ressort à nouveau".
C'est seulement à ce moment-là que le surveillant chargé des activités de l'établissement va intervenir. "Si le surveillant a déclenché son alarme sans délai, la mission relève au visionnage une certaine nonchalance dans sa manière de procéder", note le rapport, qui va jusqu'à décrire une "réactivité modérée". Les auteurs soulignent "le net défaut de vigilance" du surveillant "pourtant expérimenté", qui "n'a pas suffisamment déployé une surveillance active". Concrètement, il est "resté, sans aucun motif, éloigné du couloir menant au lieu des faits".
"Le professionnalisme de cet agent a été altéré par une routine conjuguée à une proximité avec les protagonistes. La mission considère que ce défaut de vigilance est susceptible de constituer un manquement disciplinaire."
L'Inspection générale de la justicedans son rapport
Une "mauvaise exploitation des images des caméras de vidéosurveillance"
C'est le deuxième point qui retient l'attention de la mission d'inspection : la vidéosurveillance, et précisément sa "mauvaise" utilisation. On apprend dans le rapport que les caméras étaient mal positionnées. "Visualiser le secteur activités, en particulier la salle de cardiotraining où s'est déroulée l'agression, aurait supposé une modification du paramétrage". Mais cela n'a pas été fait.
Cette "mauvaise exploitation des images des caméras de vidéosurveillance", dit le rapport, a été "accentuée par le défaut de maîtrise de ce dispositif par l'agent en fonction au poste d'information et de contrôle (PIC) au moment des faits". "Celui-ci, comme ses collègues", n'avait "pas été formé à l'utilisation correcte du matériel pourtant essentiel pour une complémentarité avec la surveillance active".
C'est en effet ce que le fonctionnaire a expliqué aux auteurs du rapport : "Le surveillant en poste a indiqué à la mission ne pas avoir [repositionné les caméras] parce qu'il ne maîtrisait pas le fonctionnement de l'équipement et qu'il n'avait pas été formé depuis à l'utilisation d'un matériel nouvellement installé". Ainsi, "par crainte d'une mauvaise manipulation, il a préféré s'abstenir alors qu'un simple clic lui aurait permis de faire glisser une caméra sur son écran et choisir ainsi une autre zone à contrôler".
Une "négligence répétée" de l'ancienne cheffe d'établissement
Elle aussi va faire l'objet de "procédures disciplinaires". Corinne Puglierini, l'ancienne directrice de la prison d'Arles, est pointée du doigt pour son "insuffisance de management". Le rapport note "l'absence, à plusieurs reprises, d'orientation" de Franck Elong Abe "en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER)". Cette décision aurait dû être prise "en juillet 2019 par le directeur de l'administration pénitentiaire puis, ultérieurement, traitée par la cheffe d'établissement, d'abord en février 2020 puis à trois autres reprises en novembre 2020, mai 2021 et janvier 2022". "En ne partageant pas l'information utile à la gestion de la détention de l'auteur des faits avec son adjointe et les autres personnels de direction", Corinne Puglierini "a fait preuve d'une négligence répétée".
Malgré leur statut de détenus particulièrement signalés (DPS), "rien n'interdisait" à la direction de la prison d'Arles "de donner du travail au service général de l'établissement" à Yvan Colonna et Franck Elong Abe. Le second est en effet ce qu'on appelle un "auxi", c'est-à-dire un détenu autorisé à travailler dans la prison et qui peut donc se déplacer plus librement.
Simplement, poursuit le rapport, le comportement carcéral de Franck Elong Abe avait bien été porté à la connaissance de Corinne Puglierini. Page 22, les auteurs du rapport évoquent la "personnalité à tout le moins perturbée" du détenu, "une personnalité qui questionne tant les personnels, tous corps et fonctions confondus, que ses codétenus. Tous s'attachent à décrire un homme plutôt solitaire, imbu de lui-même, pouvant se montrer hautain et peu accessible aux remarques qui lui sont faites".
Une administration qui "n'a pas tenu son rôle"
Mais la chaîne de responsabilités semble plus large. Page 6, les inspecteurs de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Marseille sont aussi épinglés. Les auteurs du rapport leur reprochent de ne pas "s'inquiéter" suffisamment "de ne pas être plus informés de l'évolution d'une personne détenue à la situation pénale sensible tandis que sa fin de peine se rapprochait". Concrètement, "ils n'ont réagi que très partiellement, début 2020, puis tardivement deux ans plus tard en janvier 2022" alors qu'"ils auraient dû exercer un suivi plus complet" des avis émis par la commission dangerosité de la prison.
Les mêmes critiques sont adressées à la mission de lutte contre la radicalisation violente et à la sous-direction de la sécurité pénitentiaire de l'administration centrale. Les auteurs du rapport leur reprochent de "n'avoir pas tenu leur rôle en matière de suivi d'une personne détenue TIS", c'est-à-dire considérée comme terroriste islamiste.
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