"Il va falloir que l'on fasse un geste" : la macronie prête à des compromis avec les socialistes en prévision de l'après-Bayrou
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Les soutiens d'Emmanuel Macron anticipent l'issue du vote de confiance de lundi et tournent leur regard vers le PS afin de trouver une force d'appoint à l'Assemblée. De leur côté, les socialistes sont prêts à négocier, mais sur la base de leurs propositions.
"La séquence est pour l'instant à 100% réussie pour nous", se félicite un proche d'Olivier Faure auprès de France Télévisions. Le patron du Parti socialiste a de quoi se réjouir : revoilà les siens au centre du jeu politique à la faveur de la chute programmée de François Bayrou. Le Premier ministre va demander, lundi 8 septembre, la confiance des députés, qu'il est à peu près certain de ne pas obtenir. La totalité des oppositions ont annoncé leur intention de voter contre. Y compris les socialistes, qui avaient un temps négocié avec le patron du MoDem et ne l'avaient pas censuré lors du vote du budget 2025.
La France s'apprête ainsi à plonger dans la saison 3 de la série Dissolution produite par Emmanuel Macron. Après la censure du gouvernement Barnier début décembre 2024, et la très probable chute de François Bayrou, le président de la République va devoir se choisir un Premier ministre qui aura la délicate mission de durer. Et donc de nouer des compromis à l'Assemblée nationale. La macronie n'a de regard que vers un seul camp : le PS et ses 66 députés, capables d'apporter une force d'appoint au bloc central. Le chef de l'Etat a appelé lui-même son camp à discuter avec les socialistes. "Il faut faire le choix de travailler avec le PS, décider qu'ils sont nos interlocuteurs", assure un influent député du groupe Ensemble pour la République (EPR). "Ce qui ne veut pas dire faire un budget socialiste", nuance aussitôt le même élu.
"Mieux vaut leur céder quelques milliards"
C'est là que les ennuis commencent. Sur quelle base les uns et les autres sont-ils prêts à faire des concessions ? A cette heure, il est encore prématuré de rentrer dans le détail mais les déclarations d'intention sont légion. Au sein de la macronie, ils sont ainsi nombreux à afficher leur volonté d'aboutir à un accord avec le Parti socialiste et à multiplier les clins d'œil, à l'image de Gérald Darmanin. Le ministre de la Justice, cité comme "premier ministrable", avait mis au cœur de sa rentrée politique dans son fief du Nord à Tourcoing, le 31 août, la notion d'"empathie sociale" et qualifié le PS de "grand parti d'opposition responsable". Les députés du bloc central sont eux aussi majoritairement favorables à un pacte de non-censure avec le PS.
"Nous sommes prêts à des efforts, des compromis, pour le bien du pays", fait savoir l'entourage de Gabriel Attal, le président du groupe EPR à l'Assemblée. "Je pense qu'il faut trouver un consensus avec le PS. Mieux vaut leur céder quelques milliards que de se repayer une crise politique, il n'y a pas de doute là-dessus", assure le député macroniste Jean-René Cazeneuve, ancien rapporteur du budget. D'autres vont même plus loin et acceptent de faire l'inventaire du bilan d'Emmanuel Macron et de sa doxa économique.
"Il faut que l'on accepte de faire notre aggiornamento et que l'on arrête de dire que notre politique de l'offre est un bijou diamantaire qui ne peut être touché, sans quoi personne ne viendra à nous."
Un député macronisteà franceinfo
"Il va falloir que l'on fasse un geste", ajoute le même parlementaire, "peut-être sur la réforme des retraites, plus certainement sur l'impôt sur les hautes fortunes". La taxation des hauts patrimoines et des plus fortunés est le sujet sur lequel le bloc central cogite pour tenter de trouver des passerelles avec le PS. Le parti d'Olivier Faure, qui a présenté un contre-budget, défend la création d'une taxe de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, inspirée par l'économiste Gabriel Zucman et censée rapporter 15 milliards d'euros.
En l'état, la taxe Zucman fait figure de repoussoir dans une très grande majorité du camp présidentiel, à commencer par François Bayrou qui l'a particulièrement critiquée, lors de son interview aux quatre chaînes d'information. Elle se heurtera "au nomadisme fiscal", a-t-il mis en garde. "La taxe Zucman ? C'est hors de question. C'est l'ISF en pire", s'étrangle également un député du camp présidentiel, qui penche plutôt pour la pérennisation dans le temps de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Mais, certains, situés à l'aile gauche de la macronie, sont prêts à se laisser tenter. "On sait très bien que cette taxe pour avoir des effets doit être appliquée sur le plan européen. Mais, il y a aussi des éléments de symboles importants pour entraîner aussi nos concitoyens", assure le député macroniste Stéphane Travert, encarté au PS avant de rejoindre Emmanuel Macron en 2016.
"Si la taxe Zucman vient en débat, je la voterai au titre du symbole que cela représente et pour montrer la volonté politique."
Stéphane Travert, député de la Mancheà franceinfo
Les socialistes, eux, sentent bien qu'ils ont la main et espèrent même se retrouver à Matignon pour conduire les négociations. "On veut une grosse ouverture [chez les macronistes], pas une petite", souligne un poids lourd du PS. "Nous revendiquons de défendre nos propositions en conduisant l'action du gouvernement, voilà le point de départ, assure Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l'Assemblée. Pour la suite, nous verrons ce qu'elle sera."
"Ce sera des accords au cas par cas"
Les socialistes sont conscients qu'ils ne sont pas en capacité d'appliquer la totalité de leur contre-budget qui prévoit de réduire le déficit de 21,7 milliards d'euros 2026, environ deux fois moins que les 44 milliards proposés par François Bayrou. "Nous ne disons pas comme Mélenchon : 'C'est tout le programme, rien que le programme'. Mais nous faisons nôtre la phrase de Jaurès : 'Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel'", glisse Patrick Kanner, le patron des sénateurs PS. La menace d'une dissolution en cas d'échec des futures négociations ne leur fait pas peur non plus.
"Si on est à Matignon, on pourra faire des choses intéressantes et vite. Si on n'y est pas, on sera prêts à aller à la table des négociations, mais avec le couteau entre les dents. On ne se laissera pas marcher sur les pieds."
Un poids lourd du PSà franceinfo
Les socialistes sont également attachés à plusieurs grands principes qui guident leur contre-budget : le rythme de la réduction du déficit qui doit être plus lent que celui proposé par François Bayrou, le fait que l'"on ne touche pas aux classes moyennes et populaires" mais que "l'on demande un effort significatif" aux plus fortunés, mais aussi la suspension immédiate de la réforme des retraites.
S'il persiste des divergences de fond majeures entre les deux camps, la question de la méthode n'est pas non plus partagée. Les élus du bloc central veulent trouver un accord au Parlement, en même temps que la formation du futur gouvernement. "Je pense que le président doit laisser le gouvernement démissionnaire tant qu'il n'y a pas d'accord parlementaire du PS à LR, plaide le député EPR Ludovic Mendes. Il ne faut pas un gouvernement qui soit issu du socle commun comme si de rien n'était, sans accord. On a fait l'erreur avec Barnier, on a refait l'erreur avec Bayrou."
Au contraire, le parti à la rose entend lui négocier dans l'hémicycle sur la base de son programme. "Ce sera des accords au cas par cas, il n'y aura pas de pacte généralisé", fait savoir un cadre du PS. "On proposera la taxe Zucman, la suspension de la réforme des retraites et on en débattra au Parlement. On peut trouver des majorités", assure Arthur Delaporte, porte-parole du groupe PS à l'Assemblée. Les socialistes mettent en avant une "concession" qu'ils ont l'intention de faire et qu'ils avaient déjà annoncée l'année dernière. "La concession, c'est la renonciation au 49.3, une concession majeure sur la méthode", livre Arthur Delaporte. Reste à trouver des accords sur le fond.
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