Narcotrafiquants transférés à la prison de Vendin-le-Vieil : Gérald Darmanin visé par une plainte pour abus d'autorité

Un détenu transféré dans cette prison de haute sécurité reproche au ministre de la Justice d'avoir ordonné ce transfèrement "en s'affranchissant de l'obligation d'établir des liens préexistants entre le détenu, depuis la détention, et des réseaux de criminalité ou de délinquance organisée", selon son avocat.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, à la sortie du Conseil des ministres, à l'Elysée, à Paris, le 11 juillet 2025. (SERGE TENANI / HANS LUCAS / AFP)
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, à la sortie du Conseil des ministres, à l'Elysée, à Paris, le 11 juillet 2025. (SERGE TENANI / HANS LUCAS / AFP)

L'avocat d'un détenu qui vient d'être transféré à la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), Philippe Ohayon, a annoncé jeudi 24 juillet avoir déposé plainte pour abus d'autorité contre le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, devant la Cour de justice de la République (CJR). La plainte, dont l'AFP a eu connaissance, reproche au garde des Sceaux d'avoir ordonné ce transfert "en s'affranchissant de l'obligation d'établir des liens préexistants entre le détenu, depuis la détention, et des réseaux de criminalité ou de délinquance organisée". Il s'agit d'une obligation pourtant posée par le Conseil constitutionnel comme condition préalable à ces transfèrements.

Mi-juin, le Conseil constitutionnel a validé ce régime carcéral d'isolement, inclus dans la loi visant à lutter contre le narcotrafic, car les Sages estiment que le législateur avait "défini avec suffisamment de précision les motifs d'affectation dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée".

Plusieurs détenus ont récemment contesté leur transfèrement dans cet établissement. "On le conteste par principe", a par exemple expliqué à l'AFP May Sarah Vogelhut, avocate de Guy B., surnommé "Mareko Scarla" et qui purge une peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle, dont il a fait appel. Selon elle, son client, qui n'est à ce stade "condamné définitivement à rien", ne comprend pas pourquoi il a été désigné pour cette nouvelle prison ultra-sécurisée et "redoute beaucoup les parloirs avec un hygiaphone", une vitre séparant le détenu de son visiteur.

Le ministre "assume pleinement son action de grande fermeté"

"Gérald Darmanin assume pleinement son action de grande fermeté", écrit le ministre dans un communiqué en réponse à cette plainte. "Il rappelle que son action est intégralement guidée par la sécurité des agents pénitentiaires et des Français, dans un contexte où les narcocriminels représentent la première menace pour notre sécurité nationale. Les tentatives de déstabilisation n’affecteront en rien sa détermination à lutter de manière implacable contre la criminalité organisée et à protéger les Français par tous les moyens offerts par notre Etat de droit."

Les 17 premiers détenus parmi les 100 narcotrafiquants particulièrement dangereux que doit accueillir le quartier haute sécurité de cette prison sont arrivés mardi. Jeudi après-midi, 12 autres détenus y ont été incarcérés, a annoncé Gérald Darmanin sur X, "après un transfert sous très haute surveillance". "Ils sont répartis en plusieurs groupes, des groupes de cinq. Les autres ne se croiseront pas, l'idée étant de couper les détenus du monde extérieur afin de créer une 'bulle' au-dessus de cette prison", expliquait mercredi sur franceinfo Julien, surveillant dans ce centre pénitentiaire et secrétaire local UFAP-Unsa Justice. "La première nuit s'est bien passée. Pour le moment, tout est calme."

"Les conditions vont être extrêmement difficiles pour les détenus", déplorait mercredi sur franceinfo Christine d'Arrigo, avocate de l'un des 17 premiers détenus transférés mardi. C'est "un recul terrible sur le plan des droits de l'homme, des droits des détenus", déplorait-elle. L'avocate dénonce les conséquences du régime de l'isolement : "C'est une torture. Vous êtes 22 heures sur 24 heures enfermé dans votre cellule de six ou neuf mètres carrés, vous ne voyez personne."

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.