Protection de l'enfance : à quoi va servir le haut-commissariat voulu par Emmanuel Macron ?

Le président a annoncé samedi la nomination dès janvier d'un haut-commissaire en charge de l'Enfance, cinq jours après la nomination d'un gouvernement qui ne comptait aucun ministre dédié à cette question.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron, ici à Djibouti le 21 décembre 2024, a annoncé le 28 décembre la création d'un haut-commissariat à l'Enfance. (LUDOVIC MARIN / AFP)
Emmanuel Macron, ici à Djibouti le 21 décembre 2024, a annoncé le 28 décembre la création d'un haut-commissariat à l'Enfance. (LUDOVIC MARIN / AFP)

C'était une grande absente du gouvernement Bayrou. La protection de l'enfance ne figure plus explicitement dans l'intitulé du portefeuille d'aucun ministre, ce qui a provoqué l'inquiétude de nombreuses associations. Pour pallier ce manque, Emmanuel Macron a annoncé, samedi 28 décembre, la création en janvier d'un haut-commissariat à l'enfance. Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des familles, a salué sur X cette décision, tout en promettant de s'engager "dès les prochains jours personnellement pour nos enfants, notamment en faveur de la protection de l'enfance et de la petite enfance". Créer un haut-commissariat plutôt qu'un ministère dédié comporte des avantages, selon l'exécutif, tandis que les associations s'interrogent sur l'efficacité réelle de ce dispositif.

Un haut-commissariat pour résister à l'instabilité politique

Si le dossier de la petite enfance, géré par la ministre déléguée Agnès Canayer jusqu'à la censure du gouvernement Barnier, a disparu, ce serait donc pour être remplacé par un poste plus pérenne. Selon Le Figaro, qui révélait dès vendredi ce projet de création d'un haut-commissariat, il s'agit pour Emmanuel Macron d'externaliser ce dossier afin qu'il ne fasse pas les frais de l'instabilité politique. En effet, un haut-commissaire peut être gouvernemental ou administratif. Dans le deuxième cas, son poste est maintenu même en cas de remaniement ou de censure, un atout non négligeable depuis les élections législatives de juillet qui ont morcelé l'Assemblée en trois blocs. C'est ainsi qu'un certain François Bayrou, nommé haut-commissaire au Plan en septembre 2020, s'est maintenu à ce poste malgré six remaniements.

Or, l'instabilité ministérielle fait justement partie des obstacles pointés par les associations de protection de l'enfance. "Depuis un an, on a eu quatre ministres de la Famille et de l'Enfance", rappelle sur franceinfo Martine Brousse, présidente de l'association La Voix de l'enfant. "L'avantage du haut-commissariat est de permettre la stabilité", confirme le cabinet de la ministre de la Santé Catherine Vautrin, sollicité par franceinfo. Si la nature du futur haut-commissariat n'a pas encore été officialisée, il semble donc que l'exécutif penche pour lui donner un statut administratif et donc pérenne.

Un statut permettant une approche transversale

Pour mener à bien sa mission, le haut-commissariat devra travailler avec différents ministères, une approche plutôt validée par les associations. "L'enfant est traité en silo, à travers différents ministères : le Logement, la Famille, la Santé… Or, c'est important d'avoir une vision globale", plaide Florine Pruchon, coordinatrice de la Dynamique des droits de l'enfant, un réseau regroupant une trentaine d'associations. La responsable du pôle plaidoyer de SOS Villages d'enfants défend l'élaboration d'une feuille de route grâce à un travail interministériel associant les associations.

"Cela fait trois ans qu'on demande un haut-commissariat à l'enfance et la jeunesse", se réjouit de son côté Martine Brousse, car seul ce type de poste "permet une politique qui s'inscrit dans le temps, pluridisciplinaire et interministérielle". Externe au gouvernement, le haut-commissaire pourrait donc travailler avec différents ministres et pouvoirs publics, pour élaborer et faire appliquer des stratégies globales. Mais avec quels moyens ?

La question de la capacité d'action de ce haut-commissariat suscite déjà l'inquiétude des associations. "Le degré d'influence et de liberté d'action de précédents hauts-commissariats a parfois été limité", s'inquiète-t-elle, évoquant un "poids politique moindre" que celui d'un ministre, "moins de moyens humains" et "très peu de visibilité des travaux". Contrairement à un membre du gouvernement, un haut-commissaire au statut administratif ne siège pas en Conseil des ministres. "Nous continuons de réclamer un ministère de plein exercice, avec une vraie dimension politique", insiste donc Florine Pruchon.

Le risque d'une "mesure cosmétique" ?

"Pour que ce haut-commissariat puisse avoir un impact réel, il devra disposer des moyens humains et financiers nécessaires, être pleinement autonome et s'inscrire dans une dynamique interministérielle ambitieuse. À défaut, il risque de n'être qu'une mesure cosmétique", a réagi l'ancienne élue socialiste Adeline Hazan, présidente de l'Unicef France, dans un communiqué.

"On remplace le ministère de l'Enfance par un haut-commissaire dépourvu de poids politique, absent du Conseil des ministres et probablement incapable de remporter des arbitrages favorables. Vous pensez vraiment que ça va marcher ?", interroge sur X Lyes Louffok, militant engagé dans la protection de l'enfance et candidat LFI à l'élection législative partielle dans la 1ère circonscription de l'Isère.

Le périmètre de ce haut-commissariat, ses prérogatives, son éventuelle autorité sur certaines administrations et son budget seront également déterminants. "Il aura des moyens d'agir et il travaillera en lien étroit avec la ministre de la Santé", assure-t-on au ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. Sa mission et le nom de la personne choisie pour la mener pourraient être précisés dès le premier Conseil des ministres du gouvernement Bayrou, prévu le 3 janvier.

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