Faire une mauvaise chute en télétravail, est-ce un accident du travail ?

La vie professionnelle se termine parfois devant la justice. Dans "C'est mon boulot" au mois d'août, on explore des litiges qui ont marqué le droit du travail ces dernières années.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une mauvaise chute en télétravail peut donner lieu à un accident du travail, ou pas selon les cas. (DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)
Une mauvaise chute en télétravail peut donner lieu à un accident du travail, ou pas selon les cas. (DIGITAL VISION VECTORS / GETTY IMAGES)

Tomber et se blesser durant un jour de télétravail peut-il être considéré comme un accident du travail ? Tout dépend de l'heure, voire de la minute à laquelle le salarié s'est cassé la figure ! Voilà ce que montrent deux décisions de justice totalement opposées qui ont été rendues ces dernières années.

La première histoire concerne une intérimaire en télétravail dans sa maison. À 12h30, elle quitte son bureau à l'étage, descends l'escalier pour se rendre à la cuisine. Et là, patatras, elle tombe et se blesse. Bilan : 2 semaines d'arrêt de travail. La Caisse primaire d'assurance maladie conteste. Pour elle, ce n'était pas un accident du travail parce que la salariée était en pause déjeuner, en dehors des plages horaires du télétravail, et donc pas sous la subordination de son employeur. Peine perdue. Devant le tribunal judiciaire, puis devant la cour d'appel d'Amiens, la CPAM est déboutée. La chute est reconnue comme un accident du travail.

Les mêmes droits en télétravail qu'à l'entreprise

Comment la justice a-t-elle motivé sa décision ? Dans ce type d'affaire, "les juges font le parallèle avec une situation identique qui surviendrait dans l'entreprise", explique l'avocate Diane Buisson. "Quand un employé se casse la margoulette à la cantine, devant la machine à café, à la pause cigarette, dans le vestiaire, au parking, et même pendant ses trajets, avant ou après sa prise de poste, la jurisprudence considère toujours que c'est un accident du travail".

Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans l'entreprise stipule le Code du travail. Quant à la pause déjeuner, qui constitue une interruption courte, elle est assimilée à du temps de travail.

Une preuve en béton : l'heure de la déconnexion


Dans la deuxième affaire, la salariée en télétravail n'a pas eu de gain de cause. Elle a installé son bureau au sous-sol. À 16h01, fin de la journée, elle se déconnecte de son ordinateur. À 16h02, elle remonte son escalier, tombe, se fracture le coude et passe plusieurs jours à l'hôpital.

La Caisse primaire d'assurance conteste là aussi, affirmant qu'il ne s'agit pas d'un accident de travail. Et cette fois, elle a obtenu gain de cause. La même cour d'appel d'Amiens a estimé que la salariée n'était plus sous la subordination de son employeur, puisqu'elle avait terminé sa journée une minute avant. Avec une preuve béton : l'heure de sa déconnexion.


Tiens, question : est-ce que la chute dans l'escalier aurait pu être considérée comme un accident de trajet. "Non, répond l'avocate Diane Buisson, car l'accident de trajet doit avoir lieu entre l'entreprise et le lieu de travail". Dans le cas présent, la salariée était déjà à domicile.

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