Entre gros sous et kung-fu, la chute du chef du temple Shaolin en Chine

Le moine supérieur du célèbre monastère a été arrêté et démis de ses fonctions, sur fond d'accusations de malversations financières. Installé au temple depuis l'adolescence, et à la tête de l'institution depuis 26 ans, il avait maintenu la renommée du temple et de sa communauté, en la transformant en un juteux business.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L’abbé Shi Yongxin, moine supérieur du célèbre temple Shaolin, berceau du kung-fu chinois, est soupçonné de détournement de fonds. (CHINAFOTOPRESS/MAXPPP)
L’abbé Shi Yongxin, moine supérieur du célèbre temple Shaolin, berceau du kung-fu chinois, est soupçonné de détournement de fonds. (CHINAFOTOPRESS/MAXPPP)

C'est une oasis de sérénité, nichée au cœur de la province du Henan, berceau de la civilisation chinoise. Posé dans le cadre verdoyant du mont Song, l'une des cinq montagnes sacrées du pays, le monastère Shaolin, vieux de plus de 1 500 ans, est devenu l'un des lieux les plus emblématiques de l'empire du Milieu, et l'un des emblèmes du bouddhisme à travers le monde.

Sa communauté de moines bouddhistes y perpétue la tradition du zen et de la méditation, et elle a développé au fil des siècles une "spécialité maison" : l'enseignement des arts martiaux, et plus particulièrement, du kung-fu Shaolin. Une pratique séculaire devenue marque déposée planétaire, à coups de films et de documentaires.

On vient désormais du monde entier pour appréhender et tenter de maîtriser la discipline, des personnalités comme Richard Nixon ou Vladimir Poutine ont déjà poussé la porte du temple, et il y a quelques semaines seulement, c'est la star du basket français, Victor Wembanyama, qui séjournait au monastère pour une retraite spirituelle et sportive...

Derrière la "zénitude", une vie sulfureuse

La sérénité des lieux s'est pourtant subitement évaporée, avec l'arrestation, en fin de semaine dernière, du maître des lieux. L’abbé Shi Yongxin, moine supérieur du temple depuis 1999, a été arrêté et démis de ses fonctions, suite à des soupçons de malversations.

L'homme de 60 ans est visé par de lourdes accusations : "détournement de fonds, abus de bien public, violation grave des préceptes bouddhistes, et entretien prolongé de relations inappropriées avec des femmes". Un casier chargé, qui vient s'ajouter aux rumeurs insistantes qui pesaient sur le moine depuis plusieurs années. La rançon du succès, voulait-il croire, car en un quart de siècle, l’abbé Shi Yongxin a fait passer l'institution dans une autre dimension, en pariant sur l'internationalisation, et en développement une stratégie commerciale digne des plus grandes entreprises.

De l'immobilier au biscuit vegan, une "marque" juteuse

Shaolin était devenu un empire, à partir d'une idée simple mais fructueuse : déposer la marque "Shaolin" et l'associer à toute une gamme de produits. Dans l'immobilier, la santé, le tourisme ou la bijouterie, Shi Yongxin a mis du Shaolin à toutes les sauces, jusqu'aux biscuits vegan. Ajoutés aux formations de kung-fu réalisées au temple, ces revenus ont fait décoller les résultats annuels au-delà des 60 millions d'euros, et bondir le capital social que le moine supérieur détenait à 80%.

Après plusieurs enquêtes, étouffées ou incomplètes, "l'abbé-PDG" a fini par être rattrapé, et l'affaire fait forcément réagir en Chine, car l'homme disposait d'une forte notoriété. Sur les réseaux sociaux chinois, les articles sur l'affaire ont dépassé les 500 millions de vues, et sous l'œil attentif de Pékin, le bureau du temple a rapidement nommé un successeur, qui pourra méditer sur la célèbre maxime : l'habit ne fait pas le moine.

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