Frappes israéliennes à Doha : pour un dirigeant qatari, "Benyamin Nétanyahou a tué tout espoir de libérer les otages à Gaza"

Au lendemain de la frappe israélienne qui a visé des dirigeants du Hamas à Doha, le Premier ministre du Qatar a fermement réagi dans une interview donnée à la chaîne américaine CNN. Il estime que le dirigeant israélien a "tué tout espoir de libération des otages" et s'interroge sur la suite à donner à la médiation gérée par le petit émirat depuis le 7-Octobre.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, lors d'une conférence de presse à la suite des frappes israéliennes à Doha, le 9 septembre 2025. (KARIM JAAFAR / AFP)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, lors d'une conférence de presse à la suite des frappes israéliennes à Doha, le 9 septembre 2025. (KARIM JAAFAR / AFP)

La parole est rare chez les dirigeants du Qatar. La discrétion est presque une tradition dans le petit émirat, malgré un poids diplomatique de plus en plus important dans la région. Il fallait donc un événement majeur pour pousser le Premier ministre à prendre la parole, et la frappe israélienne qui a détruit mardi un immeuble de la capitale, Doha, en ciblant des dirigeants du Hamas, en est un.

Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani a répondu à la chaîne américaine CNN, mercredi 10 septembre, pour qualifier l'attaque israélienne de "terrorisme d'État". Avec un ton posé, mais des formules ciselées, le dirigeant qatari a jugé qu'avec "ce que Nétanyahou a fait hier : il a tué tout espoir de libérer les otages à Gaza". 

Un peu plus tôt dans la journée, le chef du gouvernement israélien avait justifié son offensive, et mis en garde l'émirat. "Je dis au Qatar, et à toutes les nations qui hébergent des terroristes : vous devez soit les expulser, soit les traduire en justice", expliquait le Premier ministre israélien. La réponse de son homologue a été plutôt cinglante. "Nous n'acceptons pas une telle menace de la part de quelqu'un comme Netanyahou" rétorque le cheikh Mohammed Al Thani, "il nous demande de les poursuivre, mais c'est lui qui doit être traduit en justice ! [...] Il brise toutes les lois, ne respecte pas le droit international, c'est quoi la suite ?".

Une déclaration d'une sévérité inédite, accompagnée d'une remise en cause du rôle de médiateur joué par l'émirat dans les négociations entre l'État hébreu et les dirigeants du Hamas. Le Qatar "réévalue tout" concernant son implication dans de futurs pourparlers, assure le dirigeant, qui ajoute avoir estimé que le Premier ministre israélien "ne faisait que nous faire perdre notre temps"...

Le Qatar, médiateur devenu incontournable

Il faut remonter un peu le temps pour comprendre le rôle joué par l'émirat dans ce dossier, et la manière avec laquelle il s'est imposé comme un interlocuteur essentiel à de nombreux pays.

Il y a plus de 15 ans, à partir de 2011, c'est notamment à la demande des États-Unis que des dirigeants du Hamas ont été accueillis à Doha. À l'époque, l'émirat apportait un soutien financier au mouvement islamiste, en réponse au blocus de la bande de Gaza, mais le Hamas était principalement soutenu par l'Iran. Washington cherchait un autre interlocuteur, et l'ouverture d'un bureau du Hamas à Doha est apparue comme une opportunité, pour faciliter d'éventuelles négociations. Le Qatar est alors devenu un "canal" de communication, et un important bâilleur de fonds, en finançant le Hamas au nom du soutien au peuple palestinien, avec l'approbation de la Maison Blanche et du gouvernement israélien.

Pour le petit émirat, ce rôle de médiateur est devenu un moyen de prendre du poids dans la région, et de s'assurer de puissants soutiens en devenant un pion incontournable du jeu diplomatique. Un rôle de médiateur que le Qatar a aussi adopté pour les discussions entre les États-Unis et les Talibans, avant le retrait américain d'Afghanistan. Un statut qui devait lui épargner d'être visé, ce qui valait jusqu'à la frappe survenue mardi, et qui pourrait donc marquer un tournant.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.