L'Europe s'inspire de Donald Trump pour sauver la filière de l'acier

Face à l'effondrement d'une filière qui multiplie les plans sociaux sous la pression de la concurrence chinoise, la Commission européenne propose un traitement de choc, en suggérant d'imposer des droits de douane de 50% sur les importations, qui seraient limitées à 10% du marché. Un protectionnisme digne du président américain, mais aux résultats incertains.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des employés à l'aciérie ArcelorMittal sur leur site de Dunkerque, , le 11 février 2022. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)
Des employés à l'aciérie ArcelorMittal sur leur site de Dunkerque, , le 11 février 2022. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

Le clin d'œil de l'histoire est là pour mesurer la révolution culturelle. Alors que l'acier est à la base de la construction européenne (fondation de la Communauté Européenne du charbon et de l'acier en 1952), c'est sur ce secteur que l'Europe s'apprête à tourner le dos à une longue tradition d'ouverture de son marché et de libre concurrence.

Dans un alliage de "sauve-qui-peut et de "quoi qu'il en coûte", l'Europe s'apprête en effet à fermer son marché à double tour. Une rupture radicale proposée pour voler au secours d'une filière au bord de l'effondrement, avec environ 100 000 emplois supprimés sur les 10 dernières années, dont 18 000 sur la seule année 2024. Pour stopper l'hémorragie, la Commission européenne a repris, mardi 7 octobre, une formule très protectionniste, chère à Donald Trump. Elle suggère de limiter les importations dans l'UE à 10% du marché, et d'imposer des droits de douane de 50% sur l'acier importé, soit le même niveau de taxe que celui instauré par le président américain.

Contrer la Chine 

Si ce projet de réforme renvoie à la méthode Trump, il s'agit surtout d'une riposte... à la Chine ! Pékin a littéralement inondé le marché ces dernières années, en appliquant des prix très faibles qui étranglent la production européenne. Du dumping social pour la Commission européenne, car les entreprises chinoises bénéficient de subventions très généreuses de l'État.

Des aides massives, mais qui n'expliquent pas tout. Si leur production est si bon marché, c'est aussi parce qu'elles ont moins subi la flambée des prix de l'énergie, et qu'elles peuvent réaliser des économies d'échelle incomparables avec la concurrence. Le résultat est spectaculaire. La Chine a produit en 2024 plus de 1 000 millions de tonnes d’acier, soit plus de la moitié de la production mondiale, quand l'Allemagne, premier producteur européen, atteint seulement 37 millions de tonnes, et qu'à peine plus de 10 millions de tonnes sortent des usines françaises.

La crainte de mesures de rétorsions 

Si les annonces de la Commission rassurent le secteur, qui estime que "des centaines de milliers d'emplois seront sauvés", la mesure devrait fatalement conduire à des hausses de prix en Europe, car les entreprises qui produisent en aval, à partir d'acier, vont le payer plus cher. L'impact sera, par exemple, de "50 euros de plus sur le prix total d'une voiture, et d'un euro pour une machine à laver", selon les estimations des experts de la Commission.

Des calculs qui ne tiennent pas compte d'éventuelles représailles chinoises, et qui ne suffisent pas à rassurer toute une partie de l'industrie, en Allemagne notamment, où l'on redoute les conséquences en chaîne de ces hausses de coûts de production. La question risque de faire débat en Europe, où certaines voix plaidaient pour abandonner la filière et privilégier une baisse des coûts pour l'industrie grâce à l'acier chinois bon marché.

Pour en revenir à Donald Trump, pour qui la mesure s'annonce presque indolore dans la mesure où l'Europe n'importe pratiquement pas d'acier américain, il est sans doute destinataire d'un autre message en filigrane. En s'attaquant frontalement à la Chine, la Commission espère sans doute disposer d'un nouveau levier dans ses négociations, et le convaincre de revoir ses tarifs à la baisse.

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