"Ça ressemble à de la vraie Guinness" : en Irlande, des parents qui servent de la bière sans alcool à leurs enfants créent la polémique

Le député irlandais Alan Kelly s'est fait le porte-voix devant ses collègues, d'un barman de sa circonscription, ulcéré de voir certains parents commander des pintes 0% pour leurs enfants. Cette situation ne serait pas isolée en Irlande. Du côté des professionnels du secteur, la réponse est unanime : ces bières sans alcool sont produites pour les adultes et n'ont pas vocation à être servies à des mineurs.

C'est une question de principe et d'image, selon Noel Anderson, propriétaire de plusieurs pubs à Dublin. "Personnellement, je ne servirais pas une bière sans alcool à un enfant, dit-il. Et je campe sur cette position. Si vous êtes un autre client et que vous voyez un garçon de 12 ans en train de boire une pinte, ça renvoie une très mauvaise impression".

Une fois la bière posée sur la table, il est difficile de distinguer une bière authentique de sa version sans alcool. C'est ce que de nombreux patrons de pubs rapportent à Brian Foley, porte-parole de la VFI, une organisation qui représente les débitants de boissons dans les zones rurales d'Irlande. "Le problème, c'est que ça ressemble beaucoup à de la vraie Guinness, ou de la vraie Heineken, déplore-t-il.

"La perception, c'est qu'un enfant est en train de boire une pinte de stout ou de lager. Et puis, plus tard dans la journée, ou dans la soirée, il devient difficile de savoir si ce mineur boit une version alcoolisée ou non."

Brian Foley, porte-parole de la VFI

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Un flou visuel d'autant plus préoccupant que la Guinness, la bière emblématique de l'Irlande, est en plein boom chez les jeunes. Longtemps associée aux fans de rugby ou aux hommes d'un certain âge, la Guinness séduit désormais la Gen Z, portée par des "Guinnfluencers", ces influenceurs qui en font la promotion, comme Kim Kardashian.

Vide juridique et banalisation de l’alcool chez les jeunes

Alors les appels à une clarification, voire à une modification de la législation, se multiplient, car la loi, en Irlande, interdit bien la vente d'alcool aux mineurs. Mais ces règles ne s'appliquent pas aux alternatives sans alcool. Même si l'industrie affirme que ces produits ne sont pas adaptés aux moins de 18 ans, cela n'est indiqué nulle part sur le produit lui-même. "Si on refuse de servir un enfant, il faudrait qu'on soit sûr de nos droits, explique Noel Anderson, pour ne pas risquer qu'un parent s'en prenne à nous, en disant : 'On a refusé de servir mon enfant'. Parce qu'après, on ne sait pas où ça peut mener. Malheureusement, ici, on a quand même une certaine culture du procès. Donc, à mon sens, il faudrait éclaircir un peu les choses."

Sheila Gilheany, directrice de Alcohol Action Ireland, qui lutte contre l'alcoolisme, dénonce aussi un angle mort législatif : "Pour moi, ce ne sont pas des boissons sans alcool ordinaires. Ce n'est pas la même chose que parler de jus d'orange." 

"Ces produits doivent être placés dans la même catégorie que les boissons alcoolisées, à la fois en raison de leur marque, mais aussi de leur odeur, de leur goût, très proches de la version alcoolisée."

Sheila Gilheany, directrice de Alcohol Action Ireland

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Selon Sheila Gilheany, le problème avec les produits 0%, c'est que "c'est un terrain glissant. On commence par ceux-là, puis on se dit tout compte fait, allons-y pour la version classique." Chez les jeunes, ce serait donc une porte d'entrée vers la consommation d'alcool. En Irlande, aujourd'hui encore, trois personnes meurent chaque jour à cause de l'alcool.