De nombreux abus sexuels commis par des chanoines à l'abbaye de Saint-Maurice en Suisse entre 1950 et 2000

La RTS a révélé les abus sexuels commis par des chanoines de l'abbaye de Saint-Maurice, des faits qui remontent aux années 50 jusqu’au début des années 2000. Malgré les témoignages accablants, l’affaire a été classée en 2024.

Article rédigé par Jérémie Lanche
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
L'abbaye de Saint-Maurice, canton du Valais, Suisse, 5 juin 2022. (VINCENT ISORE / MAXPPP)
L'abbaye de Saint-Maurice, canton du Valais, Suisse, 5 juin 2022. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

En novembre 2023, la RTS, la Radio-Télévision suisse a révélé l'affaire de l'abbaye de Saint-Maurice. Elle diffuse plusieurs témoignages de victimes, abusées par au moins neuf religieux.

Les abus ont eu lieu dans le collège-lycée, à l’internat ou dans les paroisses où officiaient les chanoines de l’Abbaye de Saint-Maurice. Un établissement respecté, qui a formé un ancien président de la confédération suisse. Dans la majorité des cas, les faits remontent aux années 90 et au début des années 2000. Certains sont plus anciens. Catherine par exemple, grand-mère aujourd’hui, a été abusée par un religieux dans les années 50. Elle parle également pour son frère, lui aussi victime, et aujourd’hui décédé : "Je pense que ça a dû être fréquent puisqu’il était interne, il dormait là et ce chanoine était dans l’internat, il enseignait je crois. C’est une histoire de pouvoir. Quand même, un prêtre qui a une relation sexuelle dans la sacristie avec un gamin et qui va communier cinq minutes après, ça va ou bien ?". Après la diffusion du reportage, des dizaines d’autres victimes se sont manifestées pour raconter elles aussi ce qu’elles ont vécu.

Une affaire sans aucune suite judiciaire

L'abbaye a tout de suite voulu se placer du côté des victimes. "Nous comprenons le sentiment de dégoût", souligne le chanoine Antoine Salina, contraint d'organiser une conférence de presse après la diffusion du reportage de la RTS : "L’abbaye demande pardon à toutes les victimes des agissements de certains confrères chanoines au fil des temps. Il y avait un contexte culturel quand on remonte dans le temps et qui nous pousse absolument à un exercice de vérité et à un retour sur notre passé".

Le chanoine va même plus loin en admettant que, s’il n’était pas personnellement au courant de ces abus, l’Église a couvert pendant trop longtemps ce genre d’agissements. Cependant, il n’y aura aucune suite judiciaire à l’affaire Saint-Maurice. Une enquête a bien eu lieu, mais parce que tous les faits sont prescrits ou parce que leurs auteurs sont décédés, le dossier Saint-Maurice a été classé à l’automne 2024. Des religieux ont bien été écartés, mais le père abbé de la congrégation des chanoines de Saint-Maurice, accusé lui aussi de gestes inappropriés, a repris ses fonctions ce printemps avec l’accord du Vatican, mais contre l’avis d’une partie du clergé catholique suisse qui estime qu’il porte une responsabilité morale dans l’affaire.

Le cas de l'abbaye de Saint-Maurice n'est pas un cas isolé en Suisse

Il y a quelques semaines, les médias ont par exemple révélé une autre affaire. À quelques kilomètres de l’abbaye de Saint-Maurice, au moins six personnes affirment avoir été abusées par un prêtre. Au début du mois, la télévision suisse alémanique a diffusé une enquête sur des faits similaires commis par des moines bénédictins dans les années 60 et 70. Ces abus ont été couverts par les autorités locales de l’époque. L’Université de Zurich a publié une étude pour essayer de quantifier l’ampleur des abus sexuels dans et autour de l’Église en Suisse. Elle en a compté à peu près un millier depuis les années 50. Dans 30 % des cas, les abus ont été commis dans des foyers, des écoles ou des internats.

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