Édito
Autoroute A69 : un test pour l'État de droit en France

Un vent illibéral souffle outre-Atlantique et atteint les démocraties européennes. Si dans le cas de l'autoroute A 69 les épisodes judiciaires peuvent sembler interminables et parfois contradictoires, au final : la loi prévaut.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'A69 chemine sur environ 53 kilomètres et traverse vingt communes entre le Tarn et la Haute-Garonne. (REMY GABALDA / MAXPPP)
L'A69 chemine sur environ 53 kilomètres et traverse vingt communes entre le Tarn et la Haute-Garonne. (REMY GABALDA / MAXPPP)

Le feuilleton politico-juridique de l’autoroute A 69 Castres-Toulouse a connu un nouveau rebondissement lundi 24 mars puisque l’État a fait appel de la décision du tribunal administratif qui avait ordonné l’arrêt de ce chantier fortement contesté par des mouvements écologistes. On peut se féliciter de cette décision, comme les quelques milliers de manifestants favorables à l’A69 qui s’étaient rassemblés sur les lieux le 8 mars. Ou au contraire, la déplorer et accuser le gouvernement de "s’acharner contre l’intérêt du territoire" comme le fait le collectif écologiste qui mène la fronde. On peut regretter les sommes déjà engagées ou s’inquiéter du coût faramineux qu’entraînerait un arrêt définitif des travaux. Mais ce dossier est un cas d’école dont on peut se féliciter.
 
Si les juridictions se contredisent, jugent et se déjugent, pour l’heure, force reste à la loi et tout le monde s’y plie. Ce qui ne va plus forcément de soi tant l’État de droit est aujourd’hui contesté au cœur même de démocraties que l’on croyait solides. Une rébellion impulsée aux États-Unis par Donald Trump qui s’applique à mettre au pas les agences indépendantes et à démanteler l’État fédéral à grands coups de décrets souvent inconstitutionnels. Cette entreprise de démolition se heurte à de nombreux recours en justice, et le président américain va jusqu’à réclamer la destitution de certains juges fédéraux qui osent lui résister. Ce grand vent illibéral atteint l’Europe, la Slovaquie ou la Hongrie dont le Premier ministre Viktor Orban vient de promettre de "liquider" prochainement juges, ONG et médias, ces "punaises" dit-il. Et voilà qu’en Israël, Benyamin Nétanyahou cible la procureure générale et fustige à son tour "l’État profond", ce fantasme trumpiste agité par tous les populistes. 
 

La France également affectée


La France n'est pas immunisée contre cette dérive illibérale. À l’automne 2024, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ne jugeait-il pas que l’État de droit n’était "ni intangible, ni sacré". A l’énoncé du réquisitoire la visant, Marine Le Pen avait, elle, dénoncé une "très grave atteinte à la démocratie" et exhorté à "la révolte" les "millions de Français privés d’espérance". Si elle est lourdement condamnée lundi prochain, sans doute opposera-t-elle la "voix du peuple" aux décisions d’un prétendu "gouvernement des juges". Le Conseil constitutionnel est aussi de plus en plus souvent ciblé. Laurent Wuaquiez a même inventé un "coup d'État de droit" lorsque les Sages ont largement censuré la dernière loi immigration.

Face à ces pressions militantes de tous ordres, le droit n’a pas toujours le dernier mot. Édouard Philippe n’avait-il pas cédé aux zadistes en renonçant à l’aéroport de Notre-Dame des Landes pourtant validé par la justice et un référendum local ? Alors c’est vrai, l’État de droit, ce sont des procédures longues, complexes, souvent coûteuses. Mais, c’est d’abord un bien précieux, indépassable, l’ultime règle commune pour se protéger de l’arbitraire. 

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