Édito
Discours de politique générale : la France va-t-elle enfin se convertir au parlementarisme ?

Lors de sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale mardi, Sébastien Lecornu a proposé d’inaugurer un nouveau mode de fonctionnement, insistant sur le rôle des parlementaires à remettre au cœur du pouvoir.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale à Paris, le 14 octobre 2025. (THOMAS SAMSON / AFP)
Sébastien Lecornu à l'Assemblée nationale à Paris, le 14 octobre 2025. (THOMAS SAMSON / AFP)

C'est une rupture : le Premier ministre "le plus faible de la Ve République" a proposé à l'Assemblée la plus déchirée des 60 dernières années, de prendre le pouvoir. En renonçant à utiliser l'article 49.3, Sébastien Lecornu s'est engagé à ce que, sur le budget comme sur tous les autres textes, les députés aient toujours le dernier mot. Il esquisse ainsi les contours d'une réinvention de notre démocratie représentative : "Le gouvernement propose, nous débattons, vous décidez !", a-t-il répété à plusieurs reprises.

Ce mode de fonctionnement, en vigueur chez la plupart de nos voisins, rompt, non pas avec les textes, mais avec la pratique de notre Ve République si présidentielle, si verticale. Une vraie révolution culturelle : "Que cent fleurs s'épanouissent !", disait le président Mao. "Que mille amendements jaillissent !" a répondu en écho le Premier ministre Lecornu.

Une opportunité à saisir ?

Il ne le propose ni par vertu, ni par bonté d'âme, mais par nécessité, et par lucidité. Il n'a pas de majorité, le pouvoir exécutif est à bout de souffle, il n'a pas d'autre moyen pour durer - et pour doter la France d'un budget - que de s'en remettre aux députés.

C'est désormais aux parlementaires de se saisir de cette opportunité. Les socialistes vont s'en emparer, sans doute. Avec les trois conditions qu'ils exigeaient, la suspension de la réforme des retraites, une taxation accrue des grandes fortunes et l'abandon du 49.3, ils peuvent légitimement crier victoire. Emmené par Olivier Faure, le PS renoue avec son identité sociale-démocrate et réformiste et il peut revendiquer de vrais acquis auprès de l'électorat de gauche.

Des airs de VIe République

En face, les complices en "dégagisme", le Rassemblement national et la France insoumise, rejettent d'une même voix l'appel à la responsabilité de Sébastien Lecornu. Les deux partis ont aussitôt confirmé qu'ils voteraient des motions de censure, qui doivent être examinées jeudi 16 octobre. C'est logique : l'extrême droite et la gauche radicale ont besoin d'instaurer le chaos politique pour hâter les échéances électorales, ce qui suppose de faire chuter tous les gouvernements et de bloquer le fonctionnement du Parlement. Notons qu'il est cocasse de voir les Insoumis, qui prétendent vouloir instaurer une VIe
République parlementaire, refuser d'exercer le pouvoir législatif qui leur tend les bras. Comme attendu, Marine Tondelier et les écologistes emboîtent une fois encore le pas de Jean-Luc Mélenchon, au risque de provoquer la dissolution espérée par le RN.

Bien sûr, il n'est pas certain que ce nouveau fonctionnement parlementaire soit efficace. Le débat budgétaire peut s'enliser. De plus, pendant des décennies, les députés godillots de la majorité votaient au canon, quand ceux de l'opposition vociféraient dans le vide. Pour exercer un vrai pouvoir législatif, ils vont devoir apprendre à se parler et à élaborer des compromis. Enfin, l'abandon du 49.3 tant réclamé par les socialistes risque de leur revenir en boomerang : si le dernier mot revient au Parlement sur chaque vote, la gauche risque de prendre conscience qu'elle y est minoritaire.

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